(Mount Airy) Dave Burrier, 67 ans, dirige son tracteur à travers champs en suivant scrupuleusement une carte GPS pour planter autant de maïs que possible au milieu du seigle jonchant le sol.

Il espère obtenir un rendement massif de ses cultures dans le Maryland rural pour traverser cette année bien incertaine, perturbée par la pandémie de COVID-19 et la reprise des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.

« Nous avons subi une érosion des prix telle que ceux-ci sont inférieurs au coût de production », confie l’agriculteur à l’AFP. « Nous devons trouver un moyen de faire des bénéfices », poursuit-il, soulignant que la culture du maïs n’est pas facile.

En janvier, les cultivateurs de maïs et soja, deux cultures vedettes des États-Unis, avaient pourtant l’espoir d’une année meilleure quand Washington et Pékin ont conclu un accord mettant fin à leur guerre commerciale.  

Pékin s’était alors engagé à acheter pour 50 milliards supplémentaires de produits agricoles américains.

Mais avant même d’avoir récolté les fruits de ce traité, le nouveau coronavirus a frappé.

« Morose »

La pandémie a non seulement perturbé le transport et les opérations dans les abattoirs mais encore sapé la demande, tandis que les usines d’éthanol et de biocarburants ont fermé, les privant de revenus.

La période « est un peu morose », reconnaît l’épouse de Dave, Linda Burrier, qui cultive le soja.

Pour autant, elle ne se décourage pas. « Les agriculteurs sont les personnes les plus fidèles qui soient », dit-elle.  

Mais face à une surabondance d’approvisionnement, le département américain de l’Agriculture estime que le prix moyen du maïs tombera à son plus bas niveau en 14 ans pour la saison 2020-2021.  

Les prix du soja devraient également baisser.

Et malgré les aides gouvernementales, les producteurs de maïs et de soja vont être confrontés à des pertes de revenus de 8,5 milliards à 10,2 milliards de dollars, selon une étude récente des universités de l’Illinois et de l’Ohio.

L’administration Trump avait débloqué 28 milliards de dollars en 2018 et 2019 pour aider les agriculteurs touchés par la guerre commerciale. Elle a aussi promis 16 milliards supplémentaires cette année pour compenser la nouvelle crise.  

La situation actuelle fait tristement écho aux années 1980, estime Dave Burrier, une décennie qu’il aurait préféré oublier. A l’époque, les prix bas des produits de base combinés au fardeau de la dette et d’un embargo sur les céréales contre l’Union soviétique avaient ruiné les agriculteurs américains.

« Cela me donne un frisson rien que d’en parler », dit-il.  

Beaucoup de choses ont changé en une quarantaine d’années.

Les écrans d’ordinateur dans son tracteur affichent des mesures détaillées pour suivre ses cultures, quand son père utilisait papier et stylo.  

L’Union soviétique a disparu mais les agriculteurs américains sont encore une fois, en partie, à la merci d’une puissance étrangère : la Chine.

Retraite repoussée

Pendant la guerre commerciale, le géant asiatique n’a pas hésité à prendre des mesures de représailles sur le soja et le porc américains, entraînant une chute de moitié des exportations totales en 2018.  

Les ventes à l’export se sont en partie redressées l’an passé mais le regain de tensions avec la Chine fait redouter le pire.

Donald Trump accuse la Chine de dissimuler les origines du nouveau coronavirus.  

« L’agriculture en Amérique est très vulnérable en ce moment, mais si nous avons une bonne saison, nous devrions pouvoir nous en sortir cette année », opine Arlan Suderman, économiste en chef des matières premières chez INTL FCStone.

De son côté, Danielle Bauer, responsable syndicale de la fédération du soja du Delaware et du Maryland, explique que les agriculteurs de sa région ont cherché des relais de croissance ailleurs, intensifiant leurs exportations vers Taïwan et s’attendant à une demande accrue d’huile de soja à forte teneur en acide oléique, une variété cultivée exclusivement aux États-Unis.  

Mais « il y a beaucoup d’incertitude », dit-elle.

Le couple Burrier, qui plante également du blé, gagne beaucoup d’argent en vendant du foin à un hippodrome voisin.  

Il peut aussi compter sur le bon rendement du maïs de l’an passé : le double de la moyenne du comté.  

Mais à 60 ans, Linda ne se fait pas d’illusions : l’impact de la pandémie va sans doute les obliger à retarder leur départ à la retraite. « Il va falloir attendre, je ne sais pas, 5 ou 10 ans », avance-t-elle. « Si on tient physiquement ».