(Calgary) La décision d’un des plus grands fonds d’investissement au monde d’éliminer quatre producteurs canadiens de sables bitumineux de ses investissements potentiels témoigne des changements d’attitudes auxquels les sociétés pétrolières devront s’adapter, a estimé mercredi le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.

Le gestionnaire du fonds souverain de la Norvège, Norges Bank Investment Management, a annoncé mercredi qu’il n’investirait plus dans Canadian Natural Resources, Cenovus Energy, Suncor Énergie et la Pétrolière Impériale, après avoir conclu qu’ils produisaient des niveaux inacceptables d’émissions de gaz à effet de serre.

Il a également exclu trois autres entreprises non canadiennes ; deux pour des raisons environnementales et une pour non-respect des droits de la personne. Le fonds a précisé que ses participations dans toutes ces sociétés avaient été liquidées.

« Nous avons vu des investisseurs du monde entier évaluer les risques associés au changement climatique en tant que partie intégrante des décisions d’investissement qu’ils prennent », a affirmé mercredi M. Trudeau, à Ottawa, en réponse à une question d’un journaliste.

« C’est pourquoi il est si important pour le Canada de continuer à lutter contre les changements climatiques et de réduire nos émissions dans tous les secteurs, et je peux souligner que de nombreuses entreprises du secteur de l’énergie ont compris que le climat d’investissement évoluait et qu’il existe un besoin pour un leadership clair et pour des objectifs clairs à atteindre dans la lutte contre le changement climatique, afin d’attirer des capitaux de partout dans le monde. »

Le fonds a expliqué avoir suivi les recommandations de son conseil d’éthique pour prendre ses décisions. Il a énuméré les raisons du conseil pour ses perspectives pour chacune des quatre sociétés de sables bitumineux, mais les quatre explications des motifs étaient presque identiques.

Dans chaque cas, le conseil a déclaré que le producteur devrait être exclu « en raison d’un risque inacceptable que l’entreprise contribue ou soit elle-même responsable d’actions ou d’omissions qui, au niveau global de l’entreprise, conduisent à un niveau inacceptable d’émissions de gaz à effet de serre. »

Il a ajouté que chaque entreprise avait « une production substantielle de pétrole provenant des ressources de sables bitumineux en Alberta, au Canada », et a affirmé qu’une telle production entraînait « des émissions de gaz à effet de serre bien plus élevées que la moyenne mondiale ».

Le conseil a ajouté que les entreprises n’avaient pas de plans spécifiques pour réduire les émissions à un niveau acceptable « dans un délai raisonnable » et que leurs émissions de GES n’étaient pas soumises à un régime réglementaire aussi strict que le système d’échange de droits d’émission de GES de l’Union européenne.

Les sociétés n’étaient pas immédiatement disponibles pour commenter.

Toutes ont déjà déclaré qu’elles avaient réduit l’intensité de leurs émissions de GES au cours des dernières années et certaines se sont fixé des objectifs de réductions supplémentaires.

Suncor et Cenovus se sont engagées à réduire l’intensité de leurs émissions par baril de 30 % d’ici 2030 et Cenovus a ajouté qu’elle viserait le « zéro émission » de GES d’ici 2050.

Canadian Natural s’est engagée à travailler vers un objectif de zéro émission sans donner de date précise, en utilisant la technologie pour améliorer l’efficacité et gagner des crédits grâce à ses activités de capture et de stockage du carbone.

L’Impériale affirme avoir réduit l’intensité de carbone de chaque baril de sables bitumineux de plus de 20 % entre 2013 et 2018, et met au point des technologies qui pourraient réduire l’intensité de 25 % à 90 % pour la production future de sables bitumineux.

La Norges Bank a indiqué que c’était la première fois que les émissions de GES étaient utilisées comme motif d’exclusion des entreprises pour des raisons éthiques.

Cependant, le fonds prévient depuis 2017 que les producteurs de sables bitumineux canadiens pourraient être exclus parce que leurs émissions sont supérieures à la moyenne mondiale.

« L’un des plus grands investisseurs au monde affirme que les empereurs des sables bitumineux n’ont pas de vêtements en ce qui concerne l’action contre le changement climatique, alors ils sont sortis », a commenté dans un courriel Keith Stewart, stratège énergétique principal de Greenpeace Canada.

« C’est dans cette direction que le monde se dirige. »

L’exclusion des investissements survient alors que les producteurs de sables bitumineux réduisent leurs programmes de dépenses, leurs salaires, leur production et leurs dividendes en raison d’une baisse spectaculaire des prix de leurs produits ainsi que de la capacité limitée des pipelines pour les transporter.