(Ottawa) Le 18 mars, le premier ministre Justin Trudeau a présenté un programme de sauvetage de 82 milliards, voulant atténuer les conséquences économiques de la crise de la COVID-19.

La pandémie frappait déjà durement le Canada : écoles et lieux de travail fermés, employés mis à pied ou voyant leurs horaires considérablement réduits.

Deux jours auparavant, 71 000 demandes d’indemnisation avaient été déposées au système d’assurance-emploi — fracassant le précédent record de 38 000 en un seul jour établi pendant la crise financière mondiale, il y a un peu plus de dix ans.

Le jour où M. Trudeau a annoncé le plan, 87 000 réclamations ont été déposées, près de 10 fois le volume quotidien habituel de la mi-mars.

Traiter les réclamations de la manière habituelle prendrait des mois.

En moins d’une heure, des séances d’information ont été organisées à l’intention des principaux ministres et du greffier du Conseil privé.

Les libéraux avaient promis une aide financière aux personnes restant à la maison pour s’occuper d’un enfant ou d’un membre de la famille malade, et une autre pour celles qui devaient se mettre en quarantaine ou s’isoler.

Les fonctionnaires ont décidé de tout regrouper en une seule prestation, surtout si un bénéficiaire de l’assurance-emploi allait toucher moins que la nouvelle prestation — une mesure qui, selon le Centre canadien de politiques alternatives, allait rejoindre environ 84 % des bénéficiaires, au début du mois d’avril.

L’admissibilité : avoir gagné 5000 $ au cours des 12 mois précédents et avoir désormais un revenu nul à cause de la COVID-19. Mais des lacunes sont apparues. Les étudiants n’avaient pas suffisamment de revenus pour se qualifier. Les personnes dont les horaires ont été réduits, mais qui ont tout de même des revenus subiraient le même sort.

L’idée était de répandre un large filet, puis de l’élargir pour englober plus de gens.

Le système assurant les prestations d’assurance-emploi date de plus de 40 ans et a subi une multitude de changements. Il est fragile et a besoin d’être remplacé. Si on modifiait trop son fonctionnement, on risquait un désastre.

L’idée de verser les prestations via l’assurance-emploi a donc été écartée.

L’Agence du revenu du Canada a été appelée à élaborer un système de livraison, car elle traite des millions de déclarations de revenus chaque année.

On s’est tourné vers l’automatisation pour limiter le travail manuel, qui augmenterait les délais de traitement et de paiement.

Emploi et Développement social Canada (EDSC) a rendu disponibles 3000 ordinateurs portables pour les employés ayant reçu l’ordre de travailler à la maison — c’est maintenant plus près de 7000 — et a augmenté la bande passante.

Cette semaine, il y avait 19 500 utilisateurs distants sur le réseau, permettant au système de fonctionner principalement depuis leur domicile, en plus de ceux qui étaient encore au bureau.

Au début de la semaine du 23 mars, une nouvelle loi était en cours d’élaboration et un budget était mis en place : les dépenses augmentaient avec une prestation d’urgence, plutôt que deux.

Il ne restait plus qu’une date de lancement de la prestation et une date limite pour traiter l’arriéré de demandes d’assurance-emploi : le 6 avril. Les demandes de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ont été lancées ce jour-là.

À la fin mars, avant le début des prestations d’urgence, le gouvernement avait environ 2,2 millions de demandes d’assurance-emploi. Aujourd’hui, plus de sept millions de personnes, plus du tiers de la main-d’œuvre, en bénéficient.

Il y a eu des heurts :

— des paiements en double pour ceux qui ont présenté une demande d’assurance-emploi, puis qui ont également présenté une demande de PCU.

— des femmes enceintes dont les dossiers d’assurance-emploi n’ont pas encore migré vers la PCU.

— des mères célibataires ne pouvant se qualifier parce que la baisse de leurs pensions alimentaires pour enfants ne sont pas comptées dans le calcul du revenu.

Le premier a été corrigé et les deux autres le seront, selon le gouvernement, bien que le système comptable archaïque rende la tâche plus difficile.

Il y a des heures d’attente pour rejoindre le centre d’appel de la PCU, pour lequel on a dû former 1500 bénévoles d’EDSC.

« Nos fonctionnaires font tout ce qu’ils peuvent pour assurer un service rapide, a déclaré le ministre du Développement social, Ahmed Hussen. Le contexte est sans précédent au niveau du nombre de demandes. »

Le gouvernement surveille comment la PCU de 35 milliards interagit avec un programme de subventions salariales de 73 milliards, qui achemine de l’argent par le biais des employeurs pour aider à garder les gens sur la liste de paie.

Ottawa se penche notamment sur la façon dont un travailleur passe d’un programme à l’autre, pour éviter que les paiements se fassent en double.

« Nous savions que ça devait fonctionner ensemble. Nous ne disons pas après coup,’oh non, il faut s’assurer que ça s’emboîte’ », a dit la ministre de l’Emploi, Carla Qualtrough.