La Caisse de dépôt et placement avait des nouvelles pas particulièrement joyeuses à transmettre à ses déposants récemment.

Selon mes informations, le portefeuille de l’institution a été dégonflé d’environ 8 % au premier trimestre, dans la foulée de la chute des marchés. Ce recul du fonds de retraite des Québécois équivaut à une perte de valeur de quelque 27 milliards de dollars entre le 1er janvier et le 31 mars 2020.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

C’est le portefeuille des marchés boursiers de la Caisse de dépôt qui a été le plus touché, avec un plongeon de 15,5 % au premier trimestre.

L’information a été obtenue de trois sources sûres, qui ne sont pas autorisées à parler publiquement. D’ailleurs, la Caisse ne rendra pas publiques ces données et s’en tiendra à ses deux rendez-vous annuels traditionnels avec les médias (août et février).

C’est le portefeuille des marchés boursiers de la Caisse qui a été le plus touché, avec un plongeon de 15,5 % au premier trimestre. Les placements privés et l’immobilier suivent, avec des reculs respectifs estimés de 10 % et de 8,5 %. Parmi les deux portefeuilles de revenus fixes, le plus prudent a grimpé de 3,4 %.

Normalement, la Caisse de dépôt fournit à ses déposants les rendements des portefeuilles liquides tous les mois (marchés boursiers et obligations). Ces portefeuilles liquides constituent près des deux tiers du portefeuille global.

Toutefois, en raison de la chute brusque de tous les marchés, l’institution a choisi exceptionnellement de leur offrir également une estimation des rendements des portefeuilles non liquides, nommément l’immobilier, les placements privés et les infrastructures, selon mes informations.

Ce choix s’explique notamment par le fait que certains déposants ont des exercices financiers qui se terminent le 31 mars 2020. Sur le plan comptable, le revers des marchés exigeait une estimation plus juste de leur portefeuille.

Parmi les déposants dont l’exercice se termine à cette date, il y a les deux principaux fonds du gouvernement du Québec gérés par la Caisse, soit le Fonds des générations et le Fonds d’amortissement des régimes de retraite (FAAR). Ce dernier fonds est la portion gouvernementale constituée pour assumer les retraites de ses employés (la portion des employés est principalement dans le RREGOP, aussi géré par la Caisse1).

Le principal client de la Caisse est Retraite Québec (auparavant la Régie des rentes du Québec), dont les fonds sont constitués des versements de tous les travailleurs et employeurs du Québec.

La chute d’environ 8 % du portefeuille, qui équivaut à environ 27 milliards, n’est pas aussi dramatique qu’il n’y paraît à première vue.

Au premier trimestre, faut-il savoir, les fonds équilibrés de l’indice AON ont obtenu un rendement médian de - 10 %, si bien que la Caisse de dépôt fait mieux que la médiane.

En comparaison, lors de la crise de 2008, la Caisse de dépôt avait obtenu un rendement annuel de - 25 %, soit une perte de valeur de 39,8 milliards, ce qui la plaçait au quatrième et dernier quartile du marché.

La chute de valeur presque aussi importante aujourd’hui en dollars (27 milliards contre 39,8 milliards) s’explique par le fait que le portefeuille de l’institution est aujourd’hui beaucoup plus imposant (340,1 milliards au 31 décembre 2019).

Ces rendements préliminaires que j’ai obtenus ont été transmis aux déposants il y a quelques jours. D’ici à lundi prochain, l’institution leur présentera les rendements plus définitifs du trimestre. Elle rencontrera chacun des déposants dans les jours suivants, en leur expliquant le détail du rendement qui leur est propre.

Les 41 déposants de la Caisse, faut-il savoir, ont une politique de placement différente, selon leur tolérance au risque. Durant les marchés haussiers, les déposants plus à risque ont souvent de meilleurs rendements, mais ils ont aussi de plus fortes baisses quand les temps sont durs.

Jointe mercredi, la Caisse n’a pas nié qu’elle transmettrait un bulletin du trimestre à ses déposants dans les prochains jours. « Le rendement de la Caisse sur trois mois ne signifie pas grand-chose. Nous sommes un investisseur de long terme. D’ailleurs, les marchés ont remonté depuis le 31 mars », a déclaré le porte-parole, Maxime Chagnon, selon qui la situation des liquidités de la Caisse est très solide.

Cela dit, dois-je faire remarquer, la Caisse n’a pas fini de ressentir les effets de la crise. Le portefeuille immobilier est très difficile à évaluer actuellement, étant donné le faible nombre de transactions. De plus, des faillites nombreuses de locataires pourraient assécher les revenus de loyers de nombre d’immeubles, diminuant du même coup leur valeur.

On saura en août prochain comment la Caisse aura tiré parti de la crise et de la chute des marchés pour faire des placements judicieux et compenser le recul de certains portefeuilles.

1.Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP)