(Montréal) Casinos fermés, diminution des ventes d’électricité et portes fermées le dimanche pour les succursales de la Société des alcools du Québec (SAQ) ; alors que les finances publiques seront mises à mal par la pandémie de COVID-19, le gouvernement Legault risque de devoir réviser à la baisse ses attentes à l’endroit de ses principales vaches à lait.

Déposé le 10 mars — avant le déploiement des mesures de confinement — le budget du ministre des Finances Eric Girard tablait sur une hausse des sommes obtenues auprès d’Hydro-Québec, Loto-Québec et la SAQ. Or, c’est plutôt le contraire qui pourrait survenir.

Interrogées par La Presse canadienne, Hydro-Québec, Loto-Québec et la SAQ n’ont pas voulu s’avancer sur les cibles qui figuraient dans le dernier budget. Elles ont toutefois toutes reconnu que leurs activités, à l’instar de la quasi-totalité des entreprises, étaient perturbées par le nouveau coronavirus.

Pour 2019-2020, l’apport des trois sociétés d’État doit représenter environ 4,75 milliards sur un budget total de 117,9 milliards. En ce qui a trait à l’année financière en cours, la prévision est de 5,16 milliards sur des revenus gouvernementaux totaux anticipés de 121 milliards.

Si cela peut paraître anodin, une baisse des dividendes versés par les sociétés d’État considérées comme des vaches à lait demeure non négligeable, a souligné Marie-Soleil Tremblay, professeure à l’École nationale d’administration publique, au cours d’une entrevue téléphonique.

« Les sommes que l’on n’obtient pas avec ces sociétés d’État, il faut alors aller les chercher soit par l’entremise des taxes à la consommation ou grâce aux impôts », a-t-elle observé.

Puisque Québec est l’unique actionnaire de ces sociétés, Mme Tremblay s’attend à ce qu’on leur demande de mettre à jour leurs prévisions afin de « mieux estimer l’impact de leurs budgets révisés sur les finances publiques ».

Même si elle a laissé entendre qu’il risque d’y avoir un impact sur les dividendes versés par Hydro-Québec, Loto-Québec et la SAQ, Fanny Beaudry-Campeau, l’attachée de presse du ministre Girard, a estimé qu’il était trop tôt pour s’avancer sur de nouvelles prévisions.

« On ne le sait pas encore parce qu’on ne sait pas encore combien de temps la crise va durer », a-t-elle indiqué au bout du fil.

Répercussions multiples

Depuis le 13 mars, Hydro-Québec a vu la consommation d’électricité diminuer de 4,45 % au Québec. L’augmentation constatée du côté de la clientèle résidentielle n’a pu contrebalancer la baisse marquée dans les secteurs commercial et industriel.

Cela s’est traduit par une baisse des ventes d’environ 50 millions au Québec après un hiver plus doux qu’à l’habitude.

« Ce n’est pas un début d’année favorable, c’est clair », a concédé un porte-parole de la société d’État, Cendrix Bouchard, au cours d’un entretien téléphonique.

Sur le marché des exportations, il risque également d’y avoir une incidence, mais Hydro-Québec a fait valoir que jusqu’à présent, sa stratégie de couverture pour se protéger de la fluctuation des prix a bien fonctionné. Plus de détails seront disponibles lorsque la société d’État fera le point sur sa performance financière du premier trimestre.

Le budget Girard tablait sur une contribution de 2,18 milliards de la part d’Hydro-Québec pour l’exercice qui s’est terminé à la fin mars et de 2,28 milliards pour l’année financière en cours.

Chez Loto-Québec, les ventes de loteries en ligne se poursuivent, mais ceux qui convoitent le gros lot ne peuvent plus acheter leur billet dans des kiosques ainsi que chez les détaillants. Les activités ont aussi cessé dans les casinos et salons de jeux depuis la mi-mars. En 2019, au cours du trimestre allant d’avril au 24 juin, les casinos de Montréal, Charlevoix, du Lac-Leamy et de Mont-Tremblant ont généré des recettes de 213 millions, ce qui représente une moyenne quotidienne de 2,5 millions.

« Si l’on permet la réouverture des casinos à la fin juin, c’est trois mois de contribution qui manquera dans l’année », a souligné le porte-parole de Loto-Québec, Patrice Lavoie, sans s’avancer sur la cible de 1,37 milliard figurant dans le dernier budget.

Figurant sur la liste des services jugés essentiels par le gouvernement Legault, la SAQ a pu poursuivre ses activités et s’attend même à verser davantage que le 1,2 milliard attendu par le gouvernement Legault pour l’exercice terminé le 31 mars dernier.

Ses succursales sont toutefois maintenant fermées le dimanche et l’achalandage de la clientèle est bien plus contrôlé qu’à l’habitude.

Malgré tout, la situation semble stable, selon un portrait fourni par le porte-parole de la société d’État, Mathieu Gaudreault, dans lequel celui-ci ne s’est toutefois pas avancé sur des chiffres.

« Nous avons observé des semaines très occupées dans nos succursales, a-t-il écrit dans un courriel. L’achalandage de ces semaines était comparable à ce qu’on observe habituellement dans les semaines qui précèdent le temps des fêtes, attribuable probablement au fait que les clients ont souhaité faire des réserves par crainte que les succursales ferment. Les ventes se sont depuis stabilisées. »

Il y a également eu davantage de commandes en ligne, ce qui s’est traduit par des embauches afin de les préparer. Les services d’une entreprise de livraison ont aussi été retenus.

Contribution attendue des sociétés d’État cette année (l’exercice 2021-2022 se trouve entre parenthèses)

— Hydro-Québec : 2,28 milliards (2,5 milliards)

— Loto-Québec : 1,37 milliard (1,4 milliard)

— SAQ : 1,22 milliard (1,25 milliard)