(Toronto) La pandémie de COVID-19 aura un impact mondial plus profond que les attentats terroristes du 11 septembre contre les États-Unis, il y a près de deux décennies, a fait valoir mercredi le chef de la direction de la Banque CIBC.

Lors d’une entrevue, Victor Dodig a souligné que même si la sécurité dans les aéroports avait changé après le 11 septembre 2001, cet évènement sanitaire mondial — qui a infecté plus de 1,4 million de personnes et en a tué près de 83 000 — a un impact sur toute la planète.

« Tout le monde sortira de cet évènement un peu moins riche. Tout le monde en sortira plus prudent », a-t-il affirmé mercredi à La Presse canadienne, avant la première assemblée générale virtuelle de ses actionnaires.

M. Dodig s’attend à ce que l’économie canadienne soit confrontée à une petite récession, avec plusieurs trimestres consécutifs de contraction du produit intérieur brut (PIB).

Les prévisions actuelles de la CIBC prévoient une croissance économique négative de 3,9 % au Canada en 2020 et une croissance négative de 3,3 % aux États-Unis.

« De toute évidence, les perspectives économiques ont changé, ce qui affectera nos activités à court terme », a indiqué M. Dodig lors de l’assemblée générale annuelle de la société, notant que les estimations du PIB pourraient être révisées davantage puisque la situation reste très fluide.

La banque est bien placée pour traverser cette période difficile, a-t-il ajouté, en raison de la vigueur de son portefeuille de crédit et d’une solide situation du capital, en plus d’autres facteurs.

M. Dodig croit que les gouvernements et les entreprises commenceront à songer davantage à l’autosuffisance, à la planification des mesures d’urgence et de reprise après sinistre et à la refonte des chaînes d’approvisionnement mondiales, car la livraison du juste-à-temps ne fonctionne pas en période de pandémie.

« Donc, la sécurité des approvisionnements, l’autosuffisance, ce genre de choses deviendra une priorité en matière de politique », a-t-il affirmé lors de l’entrevue.

La population subira les contrecoups économiques pendant un certain temps et M. Dodig croit qu’une tendance davantage axée sur l’épargne en vue de jours plus difficiles pourrait émerger, une idée qui n’a pas été très à la mode au cours des dix dernières années.

Changements à prévoir dans le secteur bancaire

La façon dont les gens travaillent changera également avec la flexibilité du télétravail, qui est utilisé de plus en plus même si cela, affirme-t-il, a un impact sur la productivité.

« Mais je pense que nous devrons vraiment tenir compte de tous ces éléments pour l’avenir », a-t-il estimé.

Les banques évolueront également, comme elles l’ont fait dans le passé, les clients adoptant de plus en plus les services bancaires numériques et à distance.

« Mais ce qui sera toujours primordial dans le secteur bancaire, c’est la solidité du capital, la solidité du financement, la stabilité des institutions et, surtout, une politique réglementaire prudente et bien fondée, qui ont toujours été la marque de commerce du système bancaire canadien », a ajouté M. Dodig.

Il a souligné que la banque avait répondu à l’angoisse de ses clients en proposant une série de mesures d’adaptation, y compris des reports de paiement et des taux d’intérêt réduits sur les cartes de crédit, pour les aider à traverser la tempête.

La Banque CIBC a reporté le paiement de 30 milliards d’hypothèques, de cartes de crédit, de marges de crédit et de prêts. Elle a également accordé des reports aux clients commerciaux et accordé de nouvelles marges de crédit aux grandes entreprises et à celles de taille moyenne qui continuent de fonctionner à plein régime.

Un actionnaire a demandé à M. Dodig si la banque pouvait offrir à tous ses clients des reports d’hypothèque pendant la pandémie.

Le chef de la direction a répondu que la CIBC avait reçu plus de 250 000 demandes de report de paiement pour tous ses produits de crédit, y compris les prêts hypothécaires, et « dans la grande majorité des cas, ces reports sont approuvés ».

« Dans des situations précises, des situations où un report n’est pas la meilleure option, nous travaillerons avec nos clients sur une approche spécifique qui répondra le mieux à leurs besoins. »

M. Dodig a ajouté lors de l’entrevue que la banque était prête à lancer sa plateforme numérique pour les prêts sans intérêt aux petites entreprises, dans le cadre d’une campagne qui est lancée avec Ottawa.

Il a en outre estimé qu’il y avait eu des progrès significatifs dans les efforts pour contrer les dommages à l’économie causés par le virus au cours des quatre à cinq dernières semaines.

La Banque du Canada, le ministère des Finances et les organismes de réglementation ont tous contribué à faire en sorte que le système financier continue de fonctionner pendant cette période d’incertitude, différente de celle qui était attribuable à des problèmes de levier lors de la crise financière de 2008-2009.

Le gouvernement fédéral a travaillé avec diligence pour atténuer la crise des soins de santé et fournir des stimulants fiscaux à un large éventail de Canadiens et d’entreprises, a fait valoir M. Dodig. Et le gouvernement a fait du bon travail en collaborant et en tenant compte des commentaires, comme en témoigne l’augmentation des subventions salariales à 75 %, par rapport au 10 % initial.