Le portrait du marché du travail de Statistique Canada pour le mois de mars qui sera rendu public jeudi a beau être très attendu, il ne donnera pas la mesure exacte du nombre de travailleurs sans emploi.

L’enquête mensuelle sur la population active a été réalisée entre le 22 et le 31 mars et portait la situation observée la semaine précédente. « C’est certain que l’enquête du mois de mars ne permettra pas de capter en totalité l’impact de la crise et qu’il faudra attendra en avril avant d’avoir un portrait plus complet », indique l’économiste principale de Desjardins, Hélène Bégin.

Selon Desjardins, le taux de chômage au Québec pourrait plus que doubler et atteindre 10 %. « Ça peut paraître élevé, mais il n’y a pas si longtemps, des taux semblables étaient la norme », dit-elle.

Au début des années 90, le taux de chômage avait atteint un sommet de 9,5 % au Québec. Plus récemment, la crise financière de 2008-2009 a fait grimper le taux de chômage à 8,9 %.

Le portrait du chômage dépendra en grande partie du nombre d’employeurs qui se prévaudront de la subvention salariale de 75 % offerte par Ottawa à celles qui maintiendront un lien d’emploi avec leurs employés.

Beaucoup de monde au travail

Même s’il y a beaucoup de travailleurs qui se retrouvent sans emploi, il y a encore beaucoup de personnes sur le marché du travail, soit en télétravail, soit dans des secteurs jugés essentiels.

Par exemple, constate l’économiste de Desjardins, entre 35 et 40 % des emplois du secteur du commerce de gros et de détail sont dans l’alimentation et dans les magasins qui sont considérés comme des services essentiels, dont les pharmacies. Ces emplois n’ont pas disparu avec la crise, au contraire. Plusieurs des employeurs de ce secteur ont embauché des employés supplémentaires.

De même, la production d’aliments, qui est le plus gros employeur du secteur de la fabrication au Québec, n’a pas ralenti depuis le début de la crise.

La grande majorité des travailleurs du secteur de la santé et des services sociaux sont à leur poste, de même que les enseignants et les travailleurs du secteur public. « Les professionnels, soit les avocats, ingénieurs et autres, sont un autre groupe important toujours au travail, parce qu’ils sont en télétravail », souligne Hélène Bégin.

En règle générale, les travailleurs qui peuvent faire du télétravail sont aussi ceux dont la rémunération est supérieure à la moyenne, précise-t-elle.

Les secteurs le plus touchés par les mesures de confinement restent ceux de la construction et du transport aérien, où les mises à pied se comptent par dizaines de milliers.

300 000 emplois de moins

Même si les statistiques mensuelles du marché de l’emploi de jeudi seront incomplètes, elles devraient faire état d’une perte de 300 000 emplois à travers le Canada, estime Sébastien Lavoie, économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Le taux de chômage devrait faire un bond de 5,6 % à 6,6 % pour le mois de mars et dépassera la barre des 10 % pour en avril, mai et juin, selon lui.

Sébastien Lavoie est d’avis que les mesures d’aide gouvernementale atténueront les pertes d’emplois et favoriseront une baisse rapide du chômage.

Ni lui ni l’économiste de Desjardins ne prévoient que le taux de chômage revienne à son bas niveau d’avant la crise.