(Montréal) La pandémie de coronavirus et les mesures de confinement qui en découlent semblent susciter chez les Québécois un nouvel intérêt pour l’autosuffisance, notamment quand vient le temps de se nourrir.

Plusieurs intervenants du milieu ont ainsi confirmé à La Presse canadienne avoir constaté un regain d’intérêt depuis le début de la crise.

« Définitivement, a ainsi dit Erik Young, de la compagnie Poules en folie. On a noté qu’il y a des gens qui s’intéressent aux poules, qui ne connaissent absolument rien, qui n’ont jamais eu l’intention (d’avoir des poules), et qui juste à cause de cette crise-là, cherchent à avoir de l’information. »

Même son de cloche du côté de Martin Boisvert, qui a répondu à « l’appel de la nature » en 2013 pour fonder Néo-Terra, une entreprise de St-Isidore, dans le nord de la Beauce, qui se spécialise dans l’enseignement de l’élevage des poules.

« C’est très clair que les gens veulent un peu autoproduire leur nourriture, a expliqué M. Boisvert. Probablement que pour plusieurs d’entre eux c’est un peu par crainte, ils veulent avoir un certain contrôle sur l’avenir. […] Dans le contexte actuel, la boutique en ligne roule à fond. »

Une récente formation en ligne offerte par M. Boisvert a attiré quelque 1600 personnes provenant des quatre coins de la province.

« La situation actuelle avec la COVID-19 vient accentuer l’intérêt pour l’autonomie alimentaire », a déclaré M. Boisvert à ceux qui s’étaient branchés pour l’entendre.

Pas seulement des poules

« Je ne dénote pas encore d’inquiétude, mais il y a de la prise d’information, a dit Pascal Tremblay, du site jardinage-quebec.com. Les gens sont en mode ouverture pour avoir une deuxième possibilité de s’alimenter. »

Les entreprises qui vendent des semences ou fournissent des conseils aux jardiniers sont souvent débordées.

« Les semenciers sont mis sous pression et les gens pensent à créer des jardins cet été en plus grand nombre, a indiqué dans un courriel Marilyn Claveau, des Jardins de l’écoumène. Nos commandes en ligne sont passées de 50 à 400 par jour de 2019 à aujourd’hui. »

Se rapprocher de l’autosuffisance était déjà l’objectif de plusieurs, a quant à elle commenté Marie-Michèle Doyon, de l’entreprise Le Peuplier, « mais avec la situation actuelle, cette volonté se trouve d’autant plus présente ».

Les gens réalisent maintenant « qu’il n’est pas impossible de voir des allées d’épiceries vides, chose que plusieurs croyaient impossible il n’y a de cela que quelques semaines ».

« J’ai l’impression que pour plusieurs, les projets d’avoir un jardin, de cuisiner davantage ou d’accueillir des poules étaient déjà envisagés, mais le temps libéré et le contexte de crise actuelle, tant sanitaire qu’économique, donnent l’impulsion qui manquait pour aller de l’avant dans ces projets », a-t-elle expliqué par courriel.

Les municipalités aussi

Julie Courchesne et Martin Dupuis ont fondé le Domaine Coquelicots en 2013 afin de favoriser l’autonomie et l’autosuffisance, qu’il s’agisse de faire des conserves, de produire ses propres produits de nettoyage domestique ou d’apprendre des trucs de jardinage.

« Je me tiens entre 800 et 1000 % d’augmentation depuis un bout de temps, a dit Mme Courchesne. C’est fou raide. »

Il est toutefois difficile de dire, prévient-elle, si cet engouement est attribuable à une crainte engendrée par la crise ou s’il s’agit plutôt de gens qui ne savent plus comment occuper leurs dix doigts en confinement.

Quoi qu’il en soit, elle engrange actuellement des ventes records dans une période qui est habituellement très tranquille pour son entreprise.

« Je le vois, je le sens, je le constate, a-t-elle dit. Il y a clairement une tendance qui est en train de se dessiner. Je sens qu’il y a une volonté. […] Les gens se disent qu’ils vont être plus serrés dans les prochains mois et qu’ils seraient peut-être mieux de faire eux-mêmes. »

Le Domaine Coquelicots a même été approché par la municipalité de Saint-Jude, en Montérégie, pour offrir des formations en ligne.

« Dans 15 jours ou trois semaines, ça va faire longtemps que les gens vont être en confinement, a expliqué le maire de cette bourgade de 1300 personnes, Yves De Bellefeuille. On ne veut pas qu’ils sortent, donc est-ce qu’il y a une façon pour nous autres d’aider ? Ça va aider les gens dans le sens qu’ils vont devenir autonomes chez eux. Il y en a plusieurs qui n’ont jamais fait de jardin. »

La municipalité a acheté un nouveau rotoculteur que les citoyens pourront emprunter pour préparer leur jardin (et qui sera désinfecté entre chaque utilisateur, évidemment). Les formations du Domaine Coquelicots seront diffusées sur la page Facebook de la ville.

« Il faut qu’on occupe nos gens si on veut que ça se passe bien, a dit le maire De Bellefeuille. On n’a pas le choix. Il faut les aider. »

Sur internet

https://poulesenfoliegatineau.business.site/

https://neo-terra.ca/accueil

https://ecoumene.com

https://lepeuplier.ca/

https://www.domainecoquelicots.ca/#/

http://www.jardinage-quebec.com/