En temps normal, l’argent se fait rare partout. Il en manque dans les hôpitaux et les écoles, pour les pauvres et pour les chômeurs. Mais depuis quelques semaines, des milliers de milliards de dollars pleuvent pour atténuer l’impact de la crise de la COVID-19. Hier, les pays du G20 se sont engagés à injecter plus de 5000 milliards dans l’économie. Mais d’où vient donc tout cet argent ?

De nos poches

La réponse courte est que les contribuables finiront par payer le prix de cet effort sans précédent des gouvernements et des banques centrales pour sauver l’économie du désastre. La facture viendra plus tard, sous forme d’énormes déficits gouvernementaux à financer ou sous forme d’inflation galopante.

Le financement des plans d’aide gouvernementale vient essentiellement des taxes et des impôts payés par les contribuables, qui sont leur seule source de revenus, et des dettes qu’ils contractent quand leurs revenus ne suffisent pas.

Le Québec, qui a annoncé un premier train de mesures d’urgence de 2,5 milliards, fait un peu exception. Contrairement à la plupart des gouvernements, le Québec a des surplus budgétaires alors que la crise frappe.

Mais ces réserves, 4 milliards pour l’année en cours et quelque 10 milliards accumulés dans le Fonds des générations, pourraient fondre vite, estime David Dupuis, économiste et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke.

Le pouvoir d’intervention du Québec n’est pas illimité. Il dépend de sa capacité à emprunter et à financer ses éventuels déficits.

Des déficits qui explosent

Le Canada, dont le déficit annuel dépassait déjà les 20 milliards avant la crise, alors que l’économie roulait à plein régime, n’est pas dans la même situation. Mais il peut compter sur un allié important. « Le Canada est un pays souverain qui a sa propre monnaie. Il peut s’appuyer sur la Banque du Canada et ça fait toute une différence », explique David Dupuis.

Ottawa consacrera au moins 100 milliards pour aider les entreprises et les particuliers à traverser la crise. D’autres interventions seront probablement nécessaires. Le ministre des Finances, Bill Morneau, assure que le Canada en a les moyens.

« Nous avons la puissance de feu fiscale pour intervenir au besoin », a-t-il soutenu en annonçant les premières mesures d’aide.

Ces dépenses seront forcément financées par des emprunts. Le déficit fédéral devrait exploser et pourrait atteindre cette année 100 milliards ou même 200 milliards, selon les économistes auxquels on pose la question, souligne Steve Ambler, professeur à l’Université du Québec à Montréal.

Les déficits exploseront partout dans le monde où les gouvernements ont décidé d’investir massivement pour juguler la crise.

De l’argent illimité ?

Ces déficits devront être financés un jour. Si la crise se résorbe et que les investisseurs recommencent à s’intéresser à la dette du gouvernement fédéral et des provinces, le marché devrait pouvoir absorber cette nouvelle dette.

En attendant, les banques centrales doivent entrer en action pour éviter que le marché soit paralysé par les inquiétudes sur l’impact de la crise.

En rachetant massivement les titres de dettes du gouvernement fédéral à ceux qui en détiennent, surtout les banques, contre de l’argent comptant qu’elles peuvent utiliser autrement, la Banque du Canada crée de l’argent, explique Jocelyn Paquet, économiste principal de la Banque Nationale.

C’est ce qu’il faut faire pour s’assurer que les marchés continuent de fonctionner.

Jocelyn Paquet

Par ses multiples interventions sur les marchés, la Banque du Canada soutient les dépenses du gouvernement et se trouve à financer les déficits présents et futurs.

S’il suffit de créer de l’argent quand on en a besoin, pourquoi s’en prive-t-on ?

« La limite, c’est l’inflation », précise Jocelyn Paquet. L’augmentation de la masse monétaire finit par créer de l’inflation.

Plus il y a de l’argent en circulation et plus sa valeur baisse. Et il en faut toujours davantage pour acheter les mêmes produits. L’intervention des banques centrales est donc limitée par l’hyperinflation qu’elles risquent de créer.

Déficits astronomiques ou inflation galopante, peut-être les deux. La facture de la crise du coronavirus viendra un jour. C’est la preuve que l’argent ne pousse pas dans les arbres.

Mais actuellement, la priorité est de sauver l’économie du désastre. Le bilan et les débats viendront plus tard.

« La question des déficits et de l’inflation se posera, mais plus tard, quand on aura traversé la crise », résume l’économiste de la Banque Nationale.