(Montréal) La prolifération du nombre de cas de la COVID-19 aux États-Unis ne semble pas encore avoir découragé les camionneurs qui doivent franchir la frontière, notamment pour assurer un approvisionnement en denrées alimentaires, mais cela n’empêche pas l’industrie de garder un œil attentif sur ce qui se passe.

S’il y a des préoccupations chez certains chauffeurs, l’Association du camionnage du Québec (ACQ) — à l’instar d’autres compagnies d’envergure — n’a pas constaté une vague de refus chez ces derniers lorsqu’on leur demande de se rendre en territoire américain.

« C’est certain que les (dernières) nouvelles peuvent influencer certains chauffeurs, a expliqué son président-directeur général, Marc Cadieux, mercredi au cours d’un entretien téléphonique. Par contre, le désavantage qu’était l’isolement pour le métier de camionneur est devenu une qualité. »

Dans le but de freiner la propagation du nouveau coronavirus, Ottawa et Washington ont convenu, la semaine dernière, de fermer la frontière canado-américaine aux passages jugés non essentiels. Les camionneurs ont notamment été exemptés de cette mesure afin de permettre la poursuite des échanges commerciaux et le gouvernement Trudeau ne semble pas avoir l’intention, pour l’instant, de changer quoi que ce soit.

« Nous devons y penser à deux fois lorsqu’il s’agit de la façon de traiter des gens qui fournissent des services essentiels », a affirmé la vice-première ministre Chrystia Freeland, à Ottawa, dans le cadre de la conférence de presse quotidienne des ministres fédéraux.

Selon les plus récentes données gouvernementales, qui remontent à 2018, quelque 3300 camions franchissent quotidiennement, dans les deux directions, les 32 postes frontaliers entre le Québec et les États-Unis.

Au cours des derniers jours, la situation s’est toutefois rapidement détériorée au sud de la frontière. Cela a notamment incité l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à lancer un avertissement à l’effet que ce pays pourrait bientôt devenir le prochain épicentre de la pandémie et ainsi dépasser l’Europe en ce qui a trait aux nombres de cas d’infection et de décès. L’État de New York est particulièrement éprouvé.

Selon l’analyste de RBC Marchés des capitaux Walter Spracklin, spécialisé dans le secteur du transport, de nombreuses haltes routières sont fermées aux États-Unis, limitant ainsi le nombre d’endroits où les chauffeurs peuvent temporairement se garer.

« Sur les quais de chargement, les camionneurs sont également interrogés sur les endroits qu’ils ont fréquentés, a-t-il écrit dans un récent rapport envoyé à ses clients. Cela rend les camionneurs hésitants à se rendre dans les États les plus durement touchés par la COVID-19, comme New York et Washington. »

À l’écoute

M. Cadieux, qui s’était entretenu avec les autorités gouvernementales, mercredi, plus tôt dans la journée, a expliqué qu’il avait été convenu de répéter les règles d’entretien, particulièrement à l’endroit des compagnies où l’on ne retrouve pas toujours le même chauffeur au volant d’un tracteur routier.

« Il y a aussi beaucoup de gestes corporatifs pour aider les chauffeurs, a dit le président-directeur général de l’ACQ. Cela leur permet d’être moins tentés d’effectuer un arrêt en chemin parce qu’ils mangent et dorment dans leur camion. »

Sur une base hebdomadaire, les tracteurs routiers de l’entreprise montréalaise Trans-West franchissent la frontière canado-américaine à près de 200 reprises afin de transporter des denrées alimentaires — des produits frais et surgelés — depuis la Californie et la Floride, par exemple.

Même si la propagation de la COVID-19 s’accélère en territoire américain, la réponse des chauffeurs demeure « très bonne », selon le vice-président de la compagnie, Pascal Gaudet.

« On ressent un engagement de leur part, a-t-il raconté. La plupart nous disent “ tant qu’à être en confinement à la maison, je vais être enfermé dans le camion ”. »

Il y a eu « quelques cas » où certains se sont montrés réticents à se rendre aux États-Unis, mais selon M. Gaudet, il s’agit d’une minorité. Personne n’est forcé à franchir la frontière, a-t-il pris soin d’ajouter.

Parallèlement aux nombreuses mesures déployées à l’interne et qui touchent ses quelque 500 employés, Trans-West s’apprête à y aller d’un effort supplémentaire afin d’épauler ses chauffeurs.

« Nous avons une cuisine à l’interne, c’est un service offert par l’entreprise, a précisé M. Gaudet. À compter de lundi, pour inciter nos routiers à ne pas s’arrêter, nous allons leur offrir tous les repas permettant de couvrir la durée de leur voyage. »

Chez Groupe Robert, dont le siège social se trouve à Boucherville, on reconnaît que l’explosion des cas de coronavirus au sud de la frontière « met de la pression » sur des chauffeurs, a expliqué le vice-président aux affaires publiques de l’entreprise, Jean-Robert Lessard.

Néanmoins, pour le moment, on n’a pas constaté une vague de refus au sein de la compagnie qui exploite une flotte de 1400 tracteurs ainsi qu’un parc de 3000 remorques.

« Il peut arriver que des certains disent “je ne veux pas y aller, a expliqué M. Lessard. À ce moment, nous allons essayer de les déployer sur autre chose. Nous sommes très sensibles aux demandes, mais je ne pourrais pas vous dire qu’on en a eu beaucoup. »

Aux États-Unis, Groupe Robert dessert la plupart de la vingtaine d’États qui se trouvent à l’est du Mississippi.