(Québec) On a atteint l’objectif, bravo, et maintenant on fait quoi ?

C’est la question que se posent les économistes depuis quelque temps et qui fait l’objet de débats, d’études et de consultation. Mardi, dans son budget, le ministre des Finances, Éric Girard, a ouvert son jeu et donné une bonne partie de la réponse.

Je parle de la dette du Québec, que tous les gouvernements successifs depuis Lucien Bouchard, il y a 25 ans, ont cherché à maîtriser, notamment grâce au Fonds des générations, et malgré les récessions.

Or, en date du 31 mars 2020, dans trois semaines, le Québec aura finalement atteint la principale cible, soit que la dette brute soit ramenée à 45 % du PIB. De fait, elle sera de 197,7 milliards de dollars le 31 mars, ce qui représente 43 % du PIB (1). Nous sommes en avance de six ans sur l’objectif. Bravo !

Et maintenant, on fait quoi ? On les met où les 3 milliards par année versés au Fonds des générations ? Il est là le débat.

Certains proposent une caisse santé pour financer les besoins croissants des personnes vieillissantes. D’autres investiraient massivement dans nos routes ou nos écoles, qui ont besoin d’amour. Plusieurs augmenteraient les dépenses sociales ou verdiraient plus vite les transports, dans le contexte des changements climatiques.

Le budget donne le penchant du gouvernement : « le temps est venu de s’interroger sur la nécessité de poursuivre les efforts de réduction de la dette et de déterminer une nouvelle cible », est-il écrit.

Le gouvernement énonce cette avenue après avoir vanté la stratégie de réduction de la dette, sa reconnaissance par les agences de notation et ses effets tangibles sur le budget (la diminution des paiements d’intérêts).

À ce jour, le Québec s’était donné deux cibles pour sa dette : celle concernant la dette brute (45 % du PIB) et l’autre concernant la « mauvaise dette », celle qui sert à rembourser des déficits cumulés (et pas nos infrastructures), et qui représente aujourd’hui 20,9 % du PIB (la cible est de 17 %).

Le budget propose de faire table rase, et de ne prendre plus qu’une seule cible, qui porterait sur la dette nette, c’est-à-dire la dette brute de laquelle on a soustrait les actifs financiers du gouvernement (telle la valeur de la participation dans Hydro-Québec). C’est cette dette qu’utilisent la plupart des autres gouvernements provinciaux, de même que le fédéral.

Actuellement, la dette nette du Québec représente 37,3 % du PIB et au rythme où vont les choses, elle descendra à 33 % en 2025. Le gouvernement propose une cible de 30 %, ce qui est actuellement la moyenne de l’ensemble des provinces. Une telle cible pourrait vraisemblablement être atteinte en 2028, en poursuivant les versements au Fonds des générations.

« Si le poids de la dette nette avait été équivalent à celui de la moyenne des provinces, soit 30 % du PIB, le service de la dette aurait été inférieur de 2 milliards en 2018-19 », est-il écrit dans le budget.

Le Québec, rappelons-le, n’est plus la plus endettée des provinces canadiennes, elle est même passée derrière l’Ontario, qui était à 39,5 % du PIB au 31 mars 2019. Avec un peu de chance, le Québec passera aussi derrière trois autres provinces d’ici quatre ans, notamment le Nouveau-Brunswick, et même derrière le fédéral.

Maintenant, est-il pertinent de continuer à rembourser la dette, sachant les grands besoins en investissement au Québec, notamment en environnement, en éducation et en santé ?

L’idée n’est pas farfelue, dans la mesure où une dette plus petite permettra aux futurs gouvernements d’avoir une meilleure marge de manœuvre quand la population vieillira.

Elle n’est pas non plus déraisonnable, dans le contexte où le gouvernement a déjà augmenté significativement ses investissements dans les infrastructures, et qu’il n’est pas clair que notre économie actuelle pourrait en prendre plus, avec la pénurie de main-d’œuvre.

Seulement, je suis d’avis que la cible de 30 % ne devrait pas être aussi rigide que la précédente, puisque le Québec n’est plus la province de l’endettement.

Finis les prête-noms

Le registre des entreprises du Québec est un outil formidable pour les avocats, les clients et les journalistes qui cherchent à connaître le nom des actionnaires d’une entreprise privée au Québec. Il s’agit du registre le plus ouvert au Canada. Le hic, c’est que certains camouflent la propriété d’une entreprise derrière un prête-nom ou une fiducie, pour des raisons légitimes ou non.

En bien, cette zone opaque sera bientôt chose du passé, selon le budget. Le gouvernement annonce qu’il exigera une plus grande transparence des entreprises dans un projet de loi qui sera déposé au cours des prochains mois.

Un an après la sanction de la loi, les entreprises seront tenues d’inscrire leurs bénéficiaires ultimes au registre, soit les personnes physiques qui contrôlent directement ou indirectement 25 % ou plus de l’entreprise. De plus, les entreprises devront indiquer le mois et l’année de naissance de ces personnes physiques, le pourcentage détenu et une adresse de signification (à défaut d’une adresse résidentielle).

Concernant les fiducies qui sont actionnaires, elles devront dévoiler les noms du constituant, du fiduciaire et des bénéficiaires, sauf dans le cas des mineurs. Enfin, le public pourra faire des recherches avec le nom des individus et non plus seulement le nom des entreprises.

Avec cette transparence, le Québec suit les traces du Royaume-Uni et de l’Union européenne, notamment. Quel changement !