(Toronto) La Banque du Canada envisageait une réduction de son taux d’intérêt directeur cette semaine avant que le nouveau coronavirus ne l’incite à opter pour une mesure plus musclée dans l’espoir d’amortir l’impact qu’aura l’épidémie sur l’économie, a affirmé jeudi le gouverneur de la banque centrale, Stephen Poloz.

Dans le cadre d’un discours prononcé à Toronto, celui-ci a expliqué que l’institution voulait abaisser le taux directeur de « manière décisive » afin de permettre à l’économie d’encaisser les secousses provoquées par le COVID-19, comme cela avait été le cas il y a environ cinq ans lorsque les prix du pétrole avaient dégringolé.

M. Poloz a expliqué que les préoccupations à l’égard de la santé de l’économie du pays étaient plus importantes que les craintes liées à certaines répercussions, comme l’augmentation de l’endettement des ménages, découlant d’une diminution des taux d’intérêt.

Mercredi, la Banque du Canada a abaissé son taux directeur d’un demi-point de pourcentage, ce qui le porte à 1,25 %. Il s’agissait de la première diminution depuis l’été 2015. Elle a aussi ramené le taux directeur à un niveau qui n’avait pas été observé depuis le début de 2018.

« Nous avons opté pour une mesure décisive et claire afin que les gens observent un impact immédiat lors des renouvellements d’hypothèques et pour tous ceux qui ont des prêts hypothécaires à taux variables », a déclaré M. Poloz au cours d’une conférence de presse après son allocution.

Le gouverneur de la Banque du Canada a également laissé la porte ouverte à de nouvelles baisses du taux directeur si les circonstances économiques l’exigeaient.

Au cours de l’événement, M. Poloz a déclaré que l’économie pourrait reprendre du poil de la bête si les choses revenaient rapidement à la normale, en prenant le soin de prévenir que la situation actuelle pourrait persister, ce qui pourrait mener, à plus long terme, à des licenciements

« Cela démontre que la nécessité de prendre d’autres gestes politiques dépendra des conséquences économiques du COVID-19 », a souligné l’économiste en chef de la Banque CIBC, Avery Shenfeld, dans une note sur le discours de M. Poloz.

La propagation du virus devrait affecter le prix des matières premières, selon M. Poloz, ce qui continuera à donner des maux de tête aux provinces productrices de pétrole. À son avis, un assouplissement monétaire permettra de stabiliser le marché immobilier advenant que l’activité économique soit freinée par une diminution de la confiance des consommateurs.

La Banque du Canada n’a aucun contrôle sur certaines conséquences du COVID-19, a déclaré M. Poloz, en évoquant des arrêts temporaires de production dans certaines entreprises ainsi que des situations où certaines personnes devront demeurer à la maison pour travailler.

Le COVID-19 a secoué les marchés financiers, perturbé les chaînes d’approvisionnement en plus de provoquer la fermeture de nombreuses usines en Chine — le berceau de l’éclosion — sur lesquelles de nombreuses entreprises canadiennes comptent pour s’approvisionner. Les inquiétudes entourant la propagation du virus pourraient également faire baisser les dépenses de consommation, dont l’économie dépend.

Ajoutez à cela un ralentissement au quatrième trimestre de 2019, des blocus ferroviaires, des conditions hivernales inhabituelles, des grèves de la part des enseignants de l’Ontario, et les perspectives de croissance au premier trimestre de cette année sont plus faibles que prévu et pourraient facilement affecter le deuxième trimestre, a déclaré M. Poloz.

La pièce manquante dans le discours du gouverneur de la banque centrale était le rôle que la politique budgétaire fédérale peut jouer pour atténuer les effets économiques du virus, a souligné Brian DePratto, économiste principal à la Banque TD, dans une note.

Vendredi matin, les yeux devraient être rivés sur le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, alors qu’il doit prononcer un discours sur l’économie.