Collectivement, les Québécois économiseraient plus de 208 millions de dollars sur trois ans si le gouvernement provincial obligeait les patients à prendre des médicaments biosimilaires plutôt que des médicaments biologiques, révèle une nouvelle étude dont La Presse a obtenu copie.

C’est Biosimilaires Canada, une division de l’Association canadienne du médicament générique (ACMG), qui a chargé Aviseo Conseil de chiffrer les économies financières que pourraient offrir les biosimilaires.

Selon le rapport, la transition supervisée des patients traités par l’un de cinq médicaments biologiques (Remicade, Enbrel, Lantus, Rituxan et Humira) vers un biosimilaire permettrait au gouvernement d’économiser 208 millions sur trois ans. Aviseo précise que ces chiffres sont très prudents, car ils sont calculés en fonction de ces cinq molécules pour le régime public de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) en pharmacie. Cette somme serait encore plus élevée si on ajoute les médicaments biologiques achetés par les hôpitaux et ceux qui sont remboursés par les régimes privés.

De plus, d’autres brevets de médicaments biologiques viendront à échéance dans les prochaines années, et Aviseo chiffre les économies pour ces nouveaux biosimilaires entre 114 millions et 229 millions, toujours sur trois ans.

« Avec toutes les dépenses que l’État a dû faire cette année dans le système de santé à cause de la pandémie, je pense que les économies qu’on peut faire avec les biosimilaires sont plus importantes que jamais », soutient Jim Keon, président de l’Association canadienne du médicament générique et de Biosimilaires Canada, en entrevue avec La Presse.

Actuellement, il y a 33 biosimilaires approuvés au Canada, dont 21 sont inscrits à la liste de la RAMQ.

Explosion des coûts

Les ventes de médicaments biologiques ont presque triplé en 10 ans, rappelle l’étude, et la croissance des coûts liés aux médicaments biologiques exerce une pression sur les régimes d’assurance tant publics que privés.

En 2018, les réclamations pour les médicaments biologiques représentaient 1,3 % des réclamations totales tout en étant responsables de 29,1 % des coûts, indique le rapport d’Aviseo.

L’Alberta et la Colombie-Britannique en exemple

À l’heure actuelle, un nouveau patient peut opter pour un médicament biosimilaire, mais un patient qui prend déjà un médicament biologique ne peut pas passer simplement au biosimilaire. Le président de l’Association canadienne du médicament générique (ACMG) et de Biosimilaires Canada suggère de mettre en place la même politique qu’en Alberta et en Colombie-Britannique qui oblige cette transition d’un médicament biologique au biosimilaire depuis 2019.

Le 28 mai dernier, à l’Assemblée nationale, Danielle McCann, alors ministre de la Santé, se disait préoccupée par la sous-utilisation des biosimilaires au Canada.

On travaille actuellement sur un plan d’action propre au Québec pour rehausser l’utilisation des biosimilaires.

Danielle McCann, alors ministre de la Santé du Québec, le 28 mai dernier

Le gouvernement du Québec s’est dit maintes fois favorable aux biosimilaires pour faire baisser les coûts du système public, mais n’est pas encore passé à l’action comme les deux autres provinces canadiennes et l’Europe.

En retardant d’un an la mise en place d’une politique à l’égard des biosimilaires, le gouvernement perd plus de 90 millions de dollars, calcule Aviseo.

Un appui de l’industrie

« Je pense que, comme société, si on ne veut pas limiter l’accès à ces médicaments qui sont toujours plus coûteux, on a certainement l’obligation de s’assurer d’aller chercher des économies lorsque la sécurité et l’efficacité des alternatives sont prouvées », affirme en entrevue Jean-Guy Goulet, chef de l’exploitation mondiale de Pharmascience, entreprise québécoise spécialisée dans les médicaments génériques qui est présente dans plus de 60 pays.

« Si on va chercher 50 % de rabais sur des médicaments dont les brevets sont terminés, ce sont des économies substantielles que le gouvernement peut réinvestir en médicaments ou ailleurs en santé », renchérit Michel Robidoux, PDG de Sandoz Canada et président du conseil d’administration de Biosimilaires Canada.

« Et il est important de spécifier que le patient et le médecin reçoivent les mêmes supports qu’avec un médicament biologique. Ceci a un coût important qui est inclus dans le rabais de 50 %. »

Aucune entreprise québécoise ne fabrique les médicaments biologiques d’origine ni les biosimilaires. Toutefois, Sandoz Canada distribue des biosimilaires au Québec, tout comme Pfizer et Merck qui ont des sièges sociaux au Québec.

Qu’est-ce qu’un biosimilaire ?

Lorsque le brevet d’un médicament biologique arrive à échéance, d’autres fabricants que celui qui détient le brevet peuvent le produire. Ces médicaments sont appelés biosimilaires.

Quelle est la différence entre un médicament biosimilaire et un médicament générique ?

Les médicaments génériques contiennent les mêmes ingrédients médicinaux que les médicaments originaux parce que ce sont de petites molécules chimiquement synthétisées. Les médicaments biologiques, eux, sont fabriqués à partir de cellules vivantes qui sont variables. C’est pour cette raison que les médicaments biologiques biosimilaires seront très semblables aux médicaments originaux, mais sans être identiques.

Ces médicaments traitent quelles maladies ?

Ces médicaments sont utilisés, entre autres, pour traiter ou prévenir le diabète, l’arthrite, les troubles inflammatoires de l’appareil digestif, l’infertilité, la thrombose veineuse profonde et des cancers. Parmi les médicaments biologiques les plus connus, on retrouve Remicade (biosimilaire Inflectra et Renflexis), Enbrel (biosimilaire Brenzys et Erelzi), GONAL-f, Lovenox et Humira (aucun biosimilaire disponible au Canada).