(Ottawa) Dans l’incertitude, le gouvernement Trudeau reste convaincu de ceci : le Canada doit se positionner comme un acteur clé de l’économie verte s’il ne veut pas se faire damer le pion. Ainsi ouvre-t-il le robinet pour lutter contre les changements climatiques dès maintenant, en même temps qu’il mène le combat contre la COVID-19.

L’énoncé économique automnal déposé lundi par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, est frappé d’un avertissement global : attention, situation hautement instable. Et pour cette raison, le plan de relance économique post-COVID de 70 à 100 milliards de dollars sur trois ans que l’on y annonce laisse le lecteur sur sa faim, n’étant assorti de quasi aucun détail.

En revanche, la grande argentière du pays a donné un avant-goût des orientations d’Ottawa en y jetant les bases d’une relance verte.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre des Finances, Chrystia Freeland

Car non seulement « la COVID-19 a rappelé à tous l’importance d’une action précoce et soutenue pour faire face aux risques systémiques qui menacent le quotidien », mais en plus, « selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nos vis‑à‑vis internationaux ont affecté environ 312 milliards de dollars américains » à la transition verte, lit-on dans le document.

C’est ainsi qu’on promet, d’abord, un investissement de 2,6 milliards de dollars sur sept ans pour octroyer jusqu’à 700 000 subventions pouvant atteindre 5000 $ pour les projets d’éco-rénovation, en plus d’offrir jusqu’à un million d’évaluations gratuites d’énergie d’ÉnerGuide et de l’argent pour former des vérificateurs en énergie. La période d’admissibilité pour les subventions sera rétroactive au 1er décembre 2020.

Le gouvernement Trudeau s’engage également à poursuivre le déploiement du réseau de bornes de recharge électrique (150 millions sur trois ans) et renfloue la cagnotte presque vide de l’incitatif fédéral à l’achat de véhicule zéro émission (plus de 200 millions sont déjà inscrits à la colonne de 2021-2022).

Il recycle par ailleurs un engagement formulé pendant la campagne électorale de 2019, qui ne s’est toujours pas encore matérialisé : planter deux milliards d’arbres aux quatre coins du pays dans la prochaine décennie (3,2 milliards sur 10 ans).

On a par ailleurs enfoui dans l’énoncé une intention qui pourrait avoir d’importants impacts sur les échanges commerciaux, et qui ferait écho à l’une des promesses formulées par le président désigné des États-Unis, Joe Biden, pendant sa campagne électorale : des ajustements à la frontière sur le carbone, ce qui consiste à établir des frais pour le carbone sur les importations en provenance de pays qui n’ont pas de tarification du carbone.

« Le gouvernement travaillera avec des économies aux vues similaires, y compris l’Union européenne et nos partenaires nord-américains, pour examiner comment cette approche pourrait s’inscrire dans une stratégie plus large destinée à atteindre les cibles climatiques tout en assurant un environnement équitable pour les entreprises », précise-t-on dans l’énoncé économique.

En tout, ce premier exercice financier signé Chrystia Freeland prévoit 4,7 milliards de dollars sur un horizon de sept ans pour le volet environnemental du chapitre « Rebâtir en mieux ». Lorsqu’elle a répondu aux questions des journalistes, en huis clos, son auteure n’a pas voulu dire quelle part du plan de relance à 70-100 milliards de dollars serait verte, et que l’on en saurait davantage dans son budget de 2021, après des consultations hivernales.

Réseau de garderies et aide directe

Un autre volet important de la reconstruction post-pandémie prévoit pour le moment des sommes modestes, mais il laisse présager des investissements majeurs : la mise en œuvre d’un réseau national de services de garde. Compte tenu de l’impact disproportionné qu’elle a eue sur les femmes, la pandémie a remis à l’ordre du jour cette promesse libérale de longue date.

« Je dis cela à la fois en tant que mère au travail et en tant que ministre des Finances : le Canada ne pourra être réellement compétitif que lorsque toutes les femmes canadiennes auront accès aux services de garde d’enfants abordables dont nous avons besoin pour soutenir notre participation à la population active de notre pays », a exposé Chrystia Freeland dans le discours qu’elle a livré en Chambre des communes.

Là encore, il faudra attendre au prochain budget de 2021 pour avoir plus de chair. Dans l’énoncé déposé lundi, la seule mesure concrète consiste en la création du Secrétariat fédéral responsable de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants (20 millions) chargé de « fournir une analyse de la politique en matière de garde d’enfants, en vue d’appuyer un système pancanadien ».

Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres ; et pendant la pandémie, nombreuses ont été les familles avec jeunes enfants qui ont été forcées de trouver des solutions de rechange temporaires à leurs arrangements de garde d’enfants ordinaires, ce qui a entraîné une hausse de dépenses dans leur budget de dépenses habituel. Pour elles, le fédéral propose une aide financière temporaire.

Le chèque pouvant aller jusqu’à 1200 $ pour chaque enfant de moins de six ans est destiné aux familles à revenu faible et moyen qui ont droit à l’Allocation canadienne pour enfants. Elle serait automatiquement accordée aux familles ayant droit à l’Allocation dont le revenu net est égal ou inférieur à 120 000 $ à titre de quatre paiements libres d’impôt de 300 $.

Selon les projections du gouvernement, la mesure de soutien bénéficierait à environ 1,6 million de familles et environ 2,1 millions d’enfants, et coûterait environ 2,4 milliards de dollars en 2021. On estime qu’environ le quart du paiement sera versé aux familles dont le revenu net est inférieur à 30 000 $. Pour voir le jour, la mesure devra cependant être adoptée par le Parlement, comme plusieurs autres de cet énoncé de novembre.