(Ottawa) La Banque du Canada surveille de près l’endettement des ménages, qui était déjà élevé avant même le début de la pandémie de COVID-19, a indiqué lundi un sous-gouverneur de la banque centrale.

L’institution avait déjà averti qu’une récession pourrait facilement mettre à rude épreuve le système financier et l’endettement des ménages.

Dans un discours destiné à l’Autorité des marchés financiers à Montréal, le sous-gouverneur Toni Gravelle a cependant noté lundi que, malgré l’impact économique « dévastateur » de la pandémie, ce risque ne s’était pas encore matérialisé.

Selon lui, cet état des choses est grandement attribuable à l’aide fournie par les gouvernements, qui a contrebalancé les pertes de revenus, et à la faiblesse des taux d’intérêt alimentée par la Banque du Canada, qui a fixé son taux directeur à 0,25 %.

Malgré tout, M. Gravelle avertit que le pays doit faire attention à la possibilité que les difficultés auxquelles de nombreux ménages et entreprises sont confrontés puissent entraîner des pertes de crédit qui se répercutent dans l’ensemble du système financier.

« Plus la pandémie limite longtemps les emplois et les revenus, plus il y a de risques que les ménages déjà fortement endettés éprouvent des difficultés et que les défauts de paiement nuisent à l’ensemble du système financier », a affirmé M, Gravelle dans le texte de son discours.

Si les pertes devaient réduire la capacité des banques à octroyer des prêts, M. Gravelle affirme que la reprise économique pourrait être entravée et que la situation, déjà difficile, pourrait empirer.

Les banques ont offert des reports sur les remboursements de prêts, d’hypothèques, de marges de crédit et de comptes de carte de crédit pendant la pandémie. Environ 14 % des propriétaires ayant des prêts hypothécaires et 10 % des locataires ont demandé de tels reports, toutes dettes confondues, a précisé M. Gravelle.

En septembre, environ 60 % des reports de paiement sont arrivés à échéance, une proportion qui a atteint 70 % pour les cartes de crédit et les prêts automobiles.

Des données recueillies par l’entremise d’un sondage de la banque centrale ont montré que le tiers de demandes de reports étaient demandés par précaution, et non à cause de pertes de revenus attribuables à la COVID-19.

Selon M. Gravelle, cela permet d’être optimiste quant à la capacité de ces emprunteurs de reprendre leurs paiements comme avant.

Retirer lentement les programmes d’aide

Malgré tout, avec les taux d’intérêt qui devraient rester faibles dans un avenir proche — la Banque du Canada a indiqué ne pas avoir l’intention de les hausser avant au moins 2023 — M. Gravelle a précisé que la banque centrale devrait garder un œil sur l’évolution de la dette des ménages et les risques pour le système financier.

Les professionnels du secteur ont indiqué à la banque centrale qu’ils avaient généralement confiance dans la capacité du système financier de faire face à un choc majeur, même s’ils ont estimé que les risques pour le système s’étaient considérablement accrus, a noté M. Gravelle.

De nombreux répondants ont cité la riposte énergique des pouvoirs publics — notamment la banque centrale, le gouvernement fédéral et les organismes de réglementation financière — face à la crise comme la principale raison de leur confiance dans la capacité du système financier de résister à un nouveau choc.

M. Gravelle a souligné que certains de ces programmes d’aide ont pris fin et que d’autres pourraient être atténués, mais lentement.

« Tout comme il est important de sevrer petit à petit un patient de ses antidouleurs à mesure qu’il guérit, afin d’éviter qu’il n’en devienne dépendant, la Banque abandonne graduellement ses divers dispositifs de soutien quand les tensions sur les marchés se dissipent », a-t-il affirmé dans le texte de son discours.

« Mais il ne faut pas s’y tromper : si les tensions sur les marchés réapparaissent et que les conditions nous obligent à en faire davantage pour que le système financier puisse continuer de soutenir les ménages et les entreprises du pays, nous interviendrons. »