(Washington) Les syndicats canadiens présents dans le secteur privé fondent certains espoirs sur le président désigné Joe Biden, même si celui-ci compte relancer un programme d’appui aux achats américains.

Plusieurs regroupements de travailleurs, comme le Syndicat des métallos ou les Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce (TUAC), comptent des membres des deux côtés de la frontière.

« Nous allons faire entendre une voix, comme il est juste de le faire, souligne Ken Neumann, le directeur national pour le Canada du Syndicat des Métallos. Notre syndicat a de vieux liens avec le président désigné Joe Biden. Il nous connaît bien. Nous allons travailler fort pour dire que le Canada ne devra pas être exclu. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE KEN NEUMANN

Le directeur national pour le Canada du Syndicat des Métallos, Ken Neumann

Même son de cloche du côté des TUAC.

« Nous surveillons la situation. Nous travaillons avec notre maison-mère pour nous assurer que l’on tiendra compte des opinions et des préoccupations de nos membres des deux côtés de la frontière », a déclaré le président canadien des TUAC, Paul Meinema.

À la suite d’une rencontre virtuelle avec des représentants syndicaux, jeudi, M. Biden s’est montré clair : aucun contrat gouvernemental ne sera donné à des entreprises ne produisant pas aux États-Unis, évoquant une règle similaire qu’il avait supervisée lorsqu’il était le vice-président de Barack Obama en 2009. Les États-Unis tentaient alors de sortir d’une crise financière et d’une récession.

Le Canada avait réussi à négocier des exemptions partielles à l’époque.

Un avocat spécialiste du commerce international, Dan Ujczo, rappelle que le sentiment protectionniste est encore plus puissant aux États-Unis qu’il y a 10 ans.

« Quoi qu’on fasse, on devra inclure un programme “ Buy American ” », prévoit-il.

Les résultats électoraux du 3 novembre laissent entendre qu’un grand nombre d’ouvriers dans des États comme la Pennsylvanie ou le Michigan n’ont pas un lien fort avec un des principaux partis politiques.

« Ces électeurs sont courtisés par les démocrates et les républicains. Le Buy American est fortement appuyé par eux. Selon moi, c’est une grande différence. Les vents sont encore plus puissants pour le Buy American », dit M. Ujczo.

Le président d’Unifor, Jerry Dias, est persuadé que la présidence de Joe Biden ouvrira une nouvelle ère de relations entre le Canada et les États-Unis.

PHOTO CARLOS OSORIO, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jerry Dias

« Les États-Unis se dirigent dans une plus belle direction, notamment pour protéger leur population, soutient-il. Il existe une nation plus aimable, plus généreuse. Franchement, il est temps que les relations avec le Canada s’améliorent. »

La pandémie de COVID-19, qui souligne la dépendance des chaînes d’approvisionnement entre les deux pays, peut permettre au Canada de forger des liens plus serrés avec les États-Unis, estime M. Ujczo.

Contrôler la pandémie sera la priorité de Joe Biden. Une stratégie commune pour la fabrication et la distribution d’équipements de protection comme des masques, des gants et des robes d’hôpital serait judicieuse.

« Il existe un espace politique pour se rassembler. On peut créer un marché canado-américain pour l’équipement de protection, la vaccination, etc., ajoute M. Ujczo. Si on commence maintenant, on pourra dire qu’on n’a pas besoin d’un Buy American pour ça. Les conversations seront plus faciles pour les prochaines négociations. »

Protectionnisme canadien

Le protectionnisme n’est pas un sentiment étranger au Canada. MM. Dias et Neuman souhaitent que leurs membres puissent tirer profit des investissements pour les infrastructures dans leur propre pays.

« C’est triste de voir que l’on construit des ponts avec de l’acier chinois, déplore M. Neumann. Les autorités ne comprennent pas ou quoi ? »

Mais le représentant au Commerce des États-Unis au cours du deuxième mandat de M. Obama, Michael Froman, est moins optimiste. La défaite de Donald Trump ne signifie pas automatiquement l’arrivée d’une nouvelle ère aux États-Unis.

« Il existe actuellement un haut risque de voir nos partenaires commerciaux commettent des erreurs de calcule, dit-il. Ils supposent que tout ira pour le mieux. On devra encore résoudre les problèmes existants entre nous et nos partenaires, on ne pourra pas les cacher sous le tapis. »