L’impact négatif de la COVID-19 sur le marché immobilier se fait particulièrement sentir dans le quartier Griffintown, au sud-ouest du centre-ville, révèle une analyse de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) publiée vendredi matin.

Ce quartier en vogue est attaqué sur deux fronts. Premièrement, de jeunes ménages se sont mis à quitter le quartier en plus grand nombre cette année. Deuxièmement, l’offre d’appartements à louer monte en flèche en raison de l’absence des étudiants sur les campus et de celle des touristes qui, ainsi, n’occupent plus les logements du quartier qui étaient offerts en location à court terme avant la pandémie.

« Ce secteur se démarque beaucoup, dit l’auteur de l’analyse, l’économiste Francis Cortellino. On voit qu’il y a vraiment là un déplacement des ménages plus important vers la banlieue, où ils en profitent pour acheter une maison dans une gamme supérieure de prix. »

De janvier à septembre 2020, 116 ménages, propriétaires ou locataires, ont quitté Griffintown pour les vertes pelouses de banlieue à l’extérieur de l’île de Montréal. C’est de loin le quartier montréalais où l’on a assisté à la plus forte augmentation de ce genre de migrations interrégionales, a constaté la SCHL. À titre comparatif, ils étaient seulement 45 ménages à avoir traversé les ponts pour de bon au cours de la même période en 2019.

Les migrants en partance de Griffintown se sont dirigés surtout vers la Rive-Sud. De juin à septembre 2020, ceux qui ont déménagé en banlieue ont acquis une propriété dont le prix moyen s’élève à 620 000 $, a calculé la SCHL.

On dénombre aussi 57 ménages qui ont quitté Griffintown pour s’installer ailleurs dans l’île de Montréal, comparativement à 42 en 2019. Dans ce cas, les ménages ont payé en moyenne 947 000 $ pour leur nouveau domicile.

Cet exode a contribué à la montée de 141 % du nombre de copropriétés à vendre dans Griffintown au cours de la période d’avril à août 2020, selon les données du système de gestion des transactions immobilières Centris. Dans l’ensemble de la région métropolitaine de recensement de Montréal, la hausse des nouvelles inscriptions de copropriétés à vendre se chiffre à 15 %, soit beaucoup moins.

En fait, l’augmentation de l’offre de condos à vendre dans Griffintown est aussi causée par les propriétaires-investisseurs qui mettent habituellement leur logement en location et qui ont décidé de se retirer du marché en raison de la pandémie. Dans ce dernier cas, cependant, les chiffres de 2020 se rapprochent de ceux de 2019, indique M. Cortellino.

À noter aussi que Griffintown fait bande à part par rapport aux quartiers voisins, où l’augmentation des migrations de la ville vers la banlieue est moins spectaculaire. Une explication possible serait que la population de Griffintown est plus mobile, étant plus jeune et plus riche.

Environ 20 % des ménages locataires gagnent plus de 100 000 $ par année, une situation que l’on ne voit que dans Outremont, Westmount ou L’Île-des-Sœurs. Griffintown est aussi le quartier qui accueille la plus forte proportion de résidants de l’extérieur de Montréal. Près de 45 % de ses résidants n’habitaient pas la ville de la mairesse Valérie Plante avant d’emménager dans le quartier. La moyenne à Montréal se situe plutôt autour de 20 %.

Multiplication des pancartes à louer

Griffintown doit aussi composer avec une augmentation rapide du nombre de logements à louer, à l’instar des autres quartiers centraux de la ville. Pour documenter ce phénomène, la SCHL a scruté les locations mises sur le marché par le truchement du système Centris, à défaut d’un meilleur indicateur.

Centris accapare une faible part des logements à louer, mais permet, croit la SCHL, de donner une indication de ce qui est en train de se passer sur le marché locatif depuis la pandémie.

Le nombre de nouvelles inscriptions de logements à louer dans Griffintown a bondi de 50 % sur Centris au cours des neuf premiers mois de l’année, passant de 265 à 397 en un an. Dans le Mille carré doré, qui recoupe le ghetto McGill, la hausse de l’offre de logements à louer est encore plus spectaculaire, à 85 %.

Ensemble, ces arrondissements ont en fait connu une progression cinq fois plus élevée du nombre de logements à louer que le reste de la ville de Montréal.

Francis Cortellino, économiste à la Société canadienne d’hypothèques et de logement

Les nouvelles inscriptions de logements disponibles en banlieue à l’extérieur de l’île de Montréal ont reculé de 2 % au cours de la même période.

Les quartiers centraux partagent la caractéristique d’avoir une forte population étudiante ainsi qu’une proportion significative de logements offerts sur le marché locatif à court terme de type Airbnb, comme le révèle une récente étude publiée dans le Canadian Journal of Urban Research.

« Au cours des prochains mois, si l’augmentation de l’offre de logements à louer se poursuit dans les secteurs plus centraux de Montréal, ces secteurs pourraient connaître des variations plus importantes des taux d’inoccupation ainsi que des pressions plus faibles sur les loyers », appréhende l’économiste de la SCHL, dans son analyse.

> (RE)LISEZ la chronique « Loyers en solde ! », de Stéphanie Grammond