Déjà six mois que la COVID-19 a frappé. Mais bien franchement, on ne se croirait pas au cœur d’une profonde récession, trois fois plus importante que lors de la crise du crédit.

Les bateaux et les voitures de luxe se vendent comme des petits pains. Le prix des chalets au bord des lacs est dans le plafond. Chassez la consommation, elle revient au galop.

Si les Canadiens ont dépensé davantage à la fin d’août qu’à pareille date l’an dernier, c’est tout simplement parce qu’ils avaient plus d’argent dans leurs poches.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les revenus disponibles des ménages ont augmenté de 11 % au deuxième trimestre, au beau milieu du confinement, car les milliards d’aide des gouvernements ont plus que compensé les pertes d’emploi historiques.

« Qui l’aurait cru ? Comme économiste, je n’aurais jamais osé prédire qu’un jour je verrais dans ma carrière une récession importante durant laquelle le revenu disponible et l’épargne augmenteraient », avoue Clément Gignac, économiste en chef chez iA Groupe financier.

En effet, les Canadiens ont épargné de façon impressionnante. Avant la pandémie, ils mettaient de côté à peine 2 ou 3 % de leurs revenus disponibles. Au cours du deuxième trimestre, ils ont économisé 28 %, rapportait Statistique Canada, vendredi.

Le fameux ratio d’endettement des ménages, sujet de préoccupation de longue date, a fondu de 175 % au premier trimestre à 158 % au deuxième. C’est donc dire que le Canadien moyen doit 1,58 $ pour chaque dollar de revenu disponible, le niveau le plus bas de la décennie.

Ainsi, la faiblesse des taux d’intérêt et la simplicité (plus ou moins) volontaire pourraient permettre aux ménages qui n’ont pas perdu leurs revenus de réduire leur endettement de façon durable.

Mais la pandémie n’a pas frappé également. Beaucoup de travailleurs restent sans emploi, en particulier chez les jeunes et les femmes.

« Nous restons préoccupés par le fait que certains ménages auront encore du mal à s’acquitter de leurs dettes au cours de l’année prochaine dans un contexte de reprise économique lente et de conditions difficiles sur le marché du travail, même si le soutien gouvernemental est prolongé », note Josh Nye, économiste principal chez RBC.

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Six mois après le début du Grand Confinement, les investisseurs ont aussi de quoi se réjouir. Les Bourses qui avaient effacé le tiers de leur valeur en un temps record ont remonté à une vitesse aussi folle. Aux États-Unis, elles ont même fracassé de nouveaux sommets.

Les bonzes de Wall Street ont été impressionnés par la rapidité des autorités à se concerter pour mettre en place des mesures monétaires et budgétaires d’une ampleur qui a frappé l’imagination.

Le rebond spectaculaire a attiré une nouvelle génération de boursicoteurs dont le poids est devenu beaucoup plus important dans les volumes de transactions à la Bourse.

Confinés à la maison, avec du temps à revendre et de l’argent des gouvernements, les millénariaux ont troqué leur console de jeu vidéo pour des applications comme celle de Robinhood aux États-Unis qui permettent de négocier des actions sans commissions… mais pas sans risque.

« L’être humain n’a pas changé au fil des décennies. On est plus instruits que nos grands-parents, mais on n’est pas plus fins. Quand on analyse les années 20, on se demande ce que les gens pouvaient bien avoir fumé pour investir à la Bourse avec des valorisations totalement ridicules », raconte M. Gignac.

Aujourd’hui, les investisseurs sont émerveillés par les perspectives du télétravail, du commerce en ligne et du divertissement à domicile. Mais la loi de la gravité s’applique aussi aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), comme l’a rappelé la correction de 10 % en trois jours du NASDAQ, la semaine dernière.

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Tout ça pour dire que les investisseurs qui ont obtenu de bons rendements ces derniers mois ne devraient pas se sentir coupables d’encaisser un peu de profits.

L’idée n’est pas de tout vendre. Comme les taux d’intérêt risquent de rester faibles, la Bourse pourrait encore offrir des rendements respectables au cours des prochaines années, estime M. Gignac.

Mais avec la rentrée, pourquoi ne pas vous asseoir avec votre conseiller et rééquilibrer votre portefeuille, au besoin ?

Les titres de techno et de croissance ont mené le bal ces dernières années. Mais le climat fiscal pourrait s’obscurcir. « Les entreprises américaines de technologies tirent la moitié de leurs revenus d’autres continents, mais ne sont pas taxées en fonction des dollars extraits de la poche des Asiatiques ou des Européens », explique M. Gignac.

On peut s’attendre à ce que l’Europe, qui offre un filet social plus serré que les États-Unis, instaure une taxe numérique pour rembourser les dettes contractées à cause de la COVID-19.

M. Gignac suggère aux investisseurs de redistribuer leurs billes dans les titres qui versent des dividendes élevés, notamment dans les services publics, les institutions financières ou les produits de base.

D’un point de vue géographique, il favorise l’Europe et les marchés émergents. Du côté obligataire, il préfère les obligations de sociétés, celles qui ont un bilan assez solide pour passer à travers la vague de faillites qui pourrait survenir.

Et pourquoi ne pas ajouter de 3 à 5 % d’or dans votre portefeuille ? En tenant compte de l’inflation, son prix est inférieur à son niveau d’il y a 40 ans. « Je ne connais pas beaucoup de placements comme ça », dit M. Gignac.