Vous planifiez un projet qui demande une utilisation judicieuse de votre argent ? Vous avez des problèmes financiers ?

Voyant arriver la fin de la cinquantaine, un couple nous a écrit en février dernier pour savoir s’il était sur la bonne voie pour la retraite tout en assurant une autonomie financière à sa fille trisomique. Or, depuis, la situation a changé.

Bruno* a toujours été le seul pourvoyeur de la famille tandis que Corinne s’est occupée des trois enfants, dont l’aînée handicapée, âgée maintenant de 23 ans, qui habite toujours dans la maison familiale.

Quand la pandémie a frappé, Bruno a perdu son emploi bien rémunéré. Il a donc fallu réviser l’analyse en fonction de la nouvelle situation financière de la famille.

« J’aimerais avoir l’avis d’un planificateur pour mesurer l’impact de ma perte d’emploi sur nos projets de retraite », écrit Bruno. La famille évaluait son coût de vie avant la pandémie à 78 000 $ par année, dont les voyages, les sorties et les frais de scolarité des deux autres enfants de 18 et 21 ans, qui étudient au cégep et à l’université.

« Notre priorité est de pourvoir aux besoins de notre fille handicapée et lui assurer une certaine indépendance financière », poursuit-il.

Leur fille Sophie détient un REEI, un Régime enregistré d’épargne invalidité d’une valeur de 72 000 $. Bruno raconte qu’elle occupe un emploi à temps partiel qui, combiné à des prestations de solidarité sociale, lui permet de gagner approximativement 1000 $ par mois.

« Nous n’avons encore rien prévu de concret pour [l’avenir] de notre fille, mais nous espérons que, sur un horizon de cinq à huit ans, elle puisse vivre dans un logement supervisé. La formule reste à trouver et à développer. »

Les chiffres

Bruno, 57 ans

Salaire : 0 $ (avant la COVID-19 : 155 000 $)
REER : 625 000 $
Placements non enregistrés : 150 000 $
Liquidités (comptes bancaires) : 39 000 $
REEE : 51 000 $

Corinne, 58 ans

Salaire : 0 $
REER : 175 000 $
CELI : 55 000 $ (pour l’avenir de Sophie)
Maison libre d’hypothèque : valeur 350 000 $
Prêt auto : 12 000 $

Avant la COVID-19

En février, avant que la pandémie fasse ses ravages, Charles Rioux Rousseau, analyste principal en planification financière chez R. E. G. A. R. Gestion financière, avait calculé que Bruno était sur la bonne voie pour une retraite à 65 ans.

« Il gagnait alors 155 000 $ par année et devait maximiser ses cotisations REER annuellement, parce qu’il n’a pas de fonds de pension d’un employeur, explique l’analyste. En utilisant le fractionnement du revenu de pension avec sa conjointe et la division du Régime de rentes du Québec, Bruno pouvait se permettre une retraite à 65 ans avec un coût de vie de 70 000 $ par année jusqu’à 94 ans. »

Le fractionnement du revenu de pension et la division de la rente du gouvernement sont primordiaux, car ils permettent d’aller chercher un cadeau fiscal de 8000 $ par année. Si Bruno optait pour la retraite à 63 ans, le coût de vie possible passait à 64 000 $.

Après la COVID-19

Maintenant qu’il a perdu son emploi, Bruno se retrouve dans une situation qui comporte son lot d’incertitudes. Toutefois, Charles Rioux Rousseau souligne qu’il a l’avantage d’avoir bien épargné, de pouvoir compter sur un fonds d’urgence de 39 000 $, d’être libéré de toute hypothèque et de ne devoir rembourser qu’une seule dette, soit un prêt auto.

« Il y a plusieurs éléments inconnus pour l’avenir, constate Charles Rioux Rousseau. On ne sait pas à quel moment il retrouvera un travail et quelle sera la rémunération. J’ai donc envisagé un scénario catastrophe dans lequel il ne se retrouve pas d’emploi et est forcé de prendre sa retraite tout de suite. »

Le résultat entraînera sûrement des réflexions au sein du couple.

En ayant un taux de rendement projeté à long terme de 3,5 %, qui correspond à un profil d’investisseur à croissance élevé, le planificateur estime que Bruno pourrait se permettre un coût de vie de 50 000 $ par année jusqu’à 94 ans.

« Est-ce que c’est assez pour toute la famille ? C’est elle qui pourra répondre à cette question. Cependant, au niveau du coût de vie, la famille mentionnait qu’elle prévoyait auparavant les voyages et les sorties. Ces temps-ci, ce type d’activités est plus compliqué. Il faudrait vérifier si leur coût de vie a diminué. »

L’avenir de leur fille

Le couple est encore sur la bonne voie en affirmant avoir un testament, une provision pour des fiducies testamentaires et des assurances vie. Corinne a aussi un CELI réservé aux besoins futurs de sa fille, tandis que Sophie bénéficie d’un Régime enregistré d’épargne invalidité.

Selon le planificateur, le REEI semble être l’une des meilleures options pour rassurer les parents quant à l’avenir financier de leur enfant atteinte de trisomie 21. Un peu sous le modèle du REEE, le régime permet au titulaire d’investir de l’argent auquel le gouvernement ajoute une subvention.

« C’est un régime complexe, explique le planificateur, dont le but est d’assurer la sécurité financière à long terme à des personnes qui sont admissibles aux crédits d’impôt pour personnes handicapées. En gros, c’est un régime pour garantir la retraite des personnes handicapées. »

La limite de cotisation est de 200 000 $ à vie par bénéficiaire. En fonction des sommes cotisées et du revenu familial du bénéficiaire, il est possible d’obtenir jusqu’à 70 000 $ en subventions, note Charles Rioux Rousseau.

« À titre indicatif, si le revenu familial est inférieur à 93 000 $, une cotisation de 1500 $ dans un REEI donnera droit à une subvention de 3500 $. »

Considérant que le dernier enfant âgé de 18 ans vient de terminer sa première année de cégep et que le cadet termine son bac à l’université, il devient impératif de sortir les 55 000 $ du REEE.

« Après avoir payé les études des deux enfants, le reste pourrait servir à maximiser les cotisations possibles au REEI pour s’assurer d’avoir toutes les subventions auxquelles ils ont droit. Les CELI et REER pourraient accueillir l’excédent. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.