(Ottawa) Les Canadiens ont maintenant le droit de voyager sur le Vieux Continent, mais la France aimerait qu’on lui retourne la politesse… éventuellement.

En entrevue avec La Presse canadienne, l’ambassadrice française au Canada, Kareen Rispal, dit que le gouvernement canadien a été interpellé sur l’enjeu de l’ouverture des frontières pour les ressortissants européens.

« Nous ne demandons pas la réciprocité immédiate. On attend à terme à ce que des pays qui peuvent envoyer leurs ressortissants fassent de même, c’est-à-dire on s’attend à ce que le Canada à court ou moyen terme accueille également des Européens », a fait valoir Mme Rispal.

Fin juin, l’Union européenne a annoncé qu’elle rouvrait ses frontières ainsi que l’espace Schengen à 15 pays dont la situation épidémiologique liée à la COVID-19 était jugée satisfaisante. Le Canada fait partie de cette liste, mais n’a pas encore retourné la faveur.

En fait, le Canada a fermé ses frontières aux voyageurs étrangers qui ne proviennent pas des États-Unis jusqu’au 31 juillet — exception faite pour les travailleurs étrangers temporaires, certains étudiants internationaux et les membres de la famille immédiate de Canadiens.

Mme Rispal dit que les discussions au sujet d’assouplissements pour les ressortissants européens sont toujours en cours et qu’elles continueront dans les prochaines semaines.

« On ne demande pas au Canada d’ouvrir ses frontières aux Européens dans les 15 jours […] Mais on espère qu’il y aura un calendrier qui nous permettra de voir comment le Canada peut accueillir des ressortissants européens », a-t-elle déclaré.

Du côté du bureau du premier ministre Justin Trudeau, on indique que les décisions sont « basées sur la science et les recommandations de la santé publique ».

Affaires mondiales Canada, de son côté, déconseille toujours les voyages non essentiels à l’extérieur du pays jusqu’à nouvel ordre. Le ministère ne prévoit pas non plus offrir d’autres vols de rapatriement pour les Canadiens qui seraient coincés à l’étranger.

Défense du multilatéralisme

Il reste que l’amitié Canada-France va bien plus loin que des négociations entourant des voyages de l’autre côté de l’Atlantique. Les deux pays ont d’ailleurs fait front commun pour s’opposer au retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé.

« Justement, je crois que ce désengagement américain a fait ressortir que, plus que jamais, la France et le Canada sont les pays qui pensent que finalement on n’a rien inventé de mieux qu’un ordre multilatéral basé sur des règles internationales qui seraient respectées par tous », affirme Mme Rispal.

Pendant la pandémie, deux pays ont notamment mis sur pied « Alliance pour le multilatéralisme », qui prône une coopération et une solidarité mondiales pour lutter contre la COVID-19.

« La crise de la COVID-19 a montré que, plus que jamais, on avait besoin de cette coopération internationale et je crois qu’à épidémie mondiale, il faut une réponse mondiale », ajoute l’ambassadrice française.

Le président Donald Trump a finalement mis sa menace à exécution malgré les protestations de ses homologues du G7. Il a maintes fois accusé l’OMS d’avoir tardé à réagir face à la pandémie et d’avoir été trop complaisante envers la Chine.

Relance économique verte

Le Canada a également suivi les traces de la France avec ses programmes pour aider les entreprises et les particuliers à traverser la crise. Et les deux ont manifesté l’intention de faire de la reprise économique une opportunité pour aider l’environnement.

À titre d’exemple, l’État français a octroyé des prêts de sept milliards d’euros pour aider Air France, à des conditions.

Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a dit que la compagnie aérienne devra faire des efforts pour être plus rentable, mais aussi devenir « la plus respectueuse de l’environnement de la planète ». « C’est la condition à laquelle je suis le plus attaché », a-t-il précisé.

Certains membres du cabinet Trudeau ont de leur côté discrètement commencé à se pencher sur un plan de reprise économique à plus long terme qui aiderait l’environnement. Le gouvernement canadien n’a pas encore dévoilé d’aide pour des secteurs économiques précis de l’ordre de plusieurs milliards de dollars.

Situation des femmes

« Je crois que ce que la crise de la COVID a révélé, c’est que les droits des femmes, toutes les avancées qui ont été obtenues en matière d’égalité hommes-femmes, c’est un édifice très fragile et c’est un édifice qui risque d’être remis en cause à tout moment », souligne Mme Rispal.

Non seulement les violences conjugales ont augmenté pendant le confinement, mais la répartition des tâches à la maison a été inégale pour bon nombre de femmes qui ont dû gérer télétravail et l’école à la maison pour les enfants, illustre l’ambassadrice.

Mme Rispal se désole également que la crise, de manière plus générale, ait été gérée par des hommes tant au plan politique que les experts invités dans les médias pour parler du virus.