(Ottawa) Les producteurs laitiers croyaient bien que le dossier était réglé. Mais la pandémie de COVID-19 a tout chamboulé.

Ils ne savent pas quand ils recevront les compensations financières que le gouvernement Trudeau a promis de leur verser cette année après l’entrée en vigueur de l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne (AECG) et le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) – deux accords commerciaux qui ont créé de nouvelles brèches dans la gestion de l’offre.

Car on ignore quand le ministre des Finances, Bill Morneau, va présenter son prochain budget, lequel devait contenir les sommes permettant de dédommager les producteurs. Et voilà que la nouvelle mouture de l’ALENA, qui ouvre davantage le marché canadien aux producteurs américains, doit entrer en vigueur le 1er juillet.

Au départ, le ministre Morneau devait présenter son budget le 30 mars. Mais le nouveau coronavirus a fait dérailler son plan de match. Et le grand argentier du pays est incapable de dire quand il sera en mesure de présenter un budget au motif que la situation économique demeure trop incertaine. Tout au plus, le gouvernement présentera « un portrait de l’économie et des finances publiques » le 8 juillet, exercice limité qui ne comprendra pas de projections financières à long terme, comme c’est normalement le cas quand on présente une mise à jour économique.

Nous sommes dans le noir quant aux intentions du gouvernement.

François Dumontier, directeur des communications des Producteurs de lait du Québec

À l’approche des élections fédérales de l’automne dernier, le gouvernement Trudeau s’est engagé à verser 1,75 milliard sur huit ans afin de dédommager les producteurs laitiers pour les pertes occasionnées par l’entrée en vigueur de l’AECG et du PTPGP. Un premier versement de 345 millions de dollars, qui avait été inclus dans le budget fédéral du printemps, a été fait en décembre. En moyenne, cela représentait un chèque de quelque 28 000 $ pour une ferme de 80 vaches.

Mais l’incertitude plane au sujet des prochains versements, parce que les sommes requises n’ont pas été prévues dans un budget fédéral présenté et adopté en bonne et due forme à la Chambre des communes.

« Les producteurs laitiers ont reçu un premier versement. Mais la suite n’a jamais été budgétée. Il devait y avoir un budget le 30 mars, qui devait comprendre le reste des compensations pour les autres années. Les compensations, c’est une bataille qui traîne depuis 2013. On ne devrait pas avoir à faire une bataille politique à chaque budget pour que le gouvernement budgète ce qu’il nous a annoncé et promis comme compensations », a souligné M. Dumontier.

Compensations aussi pour l’ACEUM

À ce dossier, il faut ajouter les compensations financières prévues également à la suite de la signature de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), qui doit entrer en vigueur mercredi prochain. Dans ce seul cas, on évalue les compensations financières à 300 millions de dollars par année.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Marie-Claude Bibeau, ministre de l’Agriculture

La ministre de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, a indiqué dans un courriel à La Presse que le gouvernement Trudeau avait la ferme intention de respecter son engagement de dédommager les producteurs laitiers au pays.

Notre engagement à indemniser pleinement et équitablement tous les producteurs et les transformateurs sous gestion de l’offre pour les impacts subis par les trois accords demeure ferme.

Marie-Claude Bibeau, ministre de l’Agriculture

« [Ce dernier] a cependant été retardé par la COVID-19, qui force notre gouvernement à concentrer ses efforts sur des mesures d’urgence pour aider les personnes les plus vulnérables de notre société ainsi que les entreprises, de toutes les tailles et de tous les secteurs, à traverser la crise », a expliqué la ministre.

Elle a aussi souligné que tous les producteurs qui en ont fait la demande ont reçu leur premier versement sur la base de leur quota de lait au 31 août 2019.

En coulisses, on souligne aussi que le gouvernement Trudeau a pris des mesures visant à atténuer les répercussions de la COVID-19 sur les industries sous gestion de l’offre. À titre d’exemple, le gouvernement fédéral a augmenté en mai la capacité d’emprunt de la Commission canadienne du lait (CCL) de 300 à 500 millions de dollars afin de réponde aux besoins pressants du secteur. Cette mesure a notamment permis à la CCL d’acheter plus de fromage et de beurre et d’aider à gérer les excédents de production de lait attribuables à la pandémie de COVID-19.

Selon des informations obtenues par La Presse, on s’inquiète au plus haut point dans les officines de voir ce dossier traîner en longueur. « Cela fait au moins un an que les compensations financières ont été approuvées par le Cabinet », a laissé tomber une source gouvernementale bien au fait du dossier.