Guy LeBlanc vient d’achever sa première année à la tête d’Investissement Québec, où il a dû orchestrer depuis trois mois la gestion et le déploiement du programme d’aide financière de 2,5 milliards pour soutenir les entreprises frappées par la pandémie de coronavirus. S’il constate qu’il y a encore des secteurs touchés par la pandémie comme le commerce au détail, l’aéronautique ou le tourisme, il observe une reprise certaine des activités pour d’autres filières, notamment celle des batteries électriques, qui pourrait générer des investissements de 4 à 6 milliards de la part d’entreprises étrangères au cours des prochains mois.

Jean-Philippe Décarie : Trois mois après l’éclatement de la crise et la mise sur pied du Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE), quel est le bilan des interventions d’urgence que vous avez réalisées à Investissement Québec ?

Guy LeBlanc : On a eu plus de 600 demandes d’entreprises qui ont fait appel au PACTE et on a réalisé pour 1,5 milliard de financements. Il s’agit ici de prêts de plus de 50 000 $ qui ont été garantis à 70 % par Investissement Québec. On a réalisé 20 % de prêts directs aux entreprises.

Il y en a encore 250 des 600 entreprises dont les demandes ne sont pas finalisées. Il faut signaler que les institutions financières ont réagi de façon exemplaire et qu’elles ont été respectueuses des paramètres du programme. Elles n’ont pas cherché à négocier.

Nos fonds locaux d’investissement, dotés de 250 millions, ont aidé des milliers de petites entreprises qui avaient des besoins inférieurs à 50 000 $ en région.

J.-P. D. : Est-ce que vous estimez que la situation de crise est maintenant résorbée, que le déconfinement permettra une reprise de l’activité économique partout au Québec ?

G. L. : On a fait face à la première vague, durant laquelle certaines entreprises ont utilisé leur propre capacité de crédit. On a encore de l’argent et on va être là pour les appuyer si elles en ont besoin pour qu’elles participent à la relance. Le gouvernement a d’ailleurs statué qu’il y aura de l’argent accessible pour la reprise.

Mais c’est certain qu’il y a des secteurs qui sont encore en grande difficulté, comme le commerce au détail, l’aéronautique ou le tourisme, et nous sommes en discussion avec les entreprises de ces secteurs plus problématiques pour voir ce qu’on peut faire.

Il faut aussi souligner qu’il y des entreprises qui n’ont pas été touchées financièrement par la crise et qui vont bien. Mais je pense qu’il faudra attendre jusqu’à la fin de 2021 pour retrouver le niveau où on était en décembre 2019.

J.-P. D. : Avez-vous quand même élaboré un plan structuré pour accélérer la reprise ?

G. L. : Je suis en poste depuis un an et mon mandat était de revoir la structure d’Investissement Québec pour qu’on participe davantage au développement économique en étant plus audacieux.

C’est ce qu’on a fait en intégrant les bureaux régionaux du ministère du Développement économique, le Centre de recherche industrielle du Québec et les bureaux d’Export Québec, qui font maintenant partie d’Investissement Québec.

On a maintenant une force de frappe de plus de 300 spécialistes dans les bureaux d’IQ dans les 17 régions du Québec. Notre plan de relance est d’accompagner nos entreprises pour qu’elles augmentent leur productivité et qu’elles accélèrent leur transformation numérique. On a des spécialistes qui vont les épauler.

J.-P. D. : Vous avez dans le portefeuille d’IQ des investissements orphelins, comme celui de l’usine de pâte cellulosique Fortress à Thurso, la mine de diamants Stornoway, Nemaska Lithium, votre participation dans l’ancienne C Series avec Airbus. Comment entendez-vous valoriser un jour ces investissements ?

G. L. : Il y a des dossiers plus problématiques que d’autres. L’usine de pâte cellulosique est mise sous scellé en attente d’une reprise. Avec Stornoway, on travaille à la réduction des coûts d’activité à la mine et on attend dans les prochaines semaines les rencontres en Belgique des spécialistes du marché des diamants pour voir où vont les prix.

Le dossier de Nemaska Lithium progresse très bien. J’ai passé les derniers jours à discuter avec plusieurs acteurs mondiaux de l’industrie, et on reçoit les propositions de repreneurs qui ont jusqu’au 30 juin pour déposer leur offre, et ils sont nombreux.

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L’intérêt pour la filière des batteries électriques est énorme, au point qu’Investissement Québec s’attend à des investissements étrangers de l’ordre de 4 à 6 milliards dans cette seule filière au cours des prochains mois.

L’intérêt pour la filière des batteries électriques est énorme. Si les discussions ont été interrompues durant la crise de la COVID-19, elles ont repris activement depuis un mois. Toute la filière intéresse les investisseurs étrangers.

De la mine de lithium à l’entreprise de recyclage de batteries électriques, il y a de l’intérêt partout. On s’attend à des investissements étrangers de l’ordre de 4 à 6 milliards dans cette seule filière au cours des prochains mois, notamment les fabricants de cellules de batteries.

J.-P. D. : Un des principaux objectifs de la réforme d’Investissement Québec est d’arriver à doubler, à 7 milliards par année, les investissements étrangers au Québec et à hausser de façon importante nos exportations pour qu’elles représentent 50 % du PIB québécois et qu’elles réduisent notre déficit commercial de 20 milliards. Comment y arriverez-vous ?

G. L. : On va faire l’un et l’autre. En intégrant les bureaux d’Export Québec et en renforçant notre présence sur tout le territoire québécois, on va mieux déterminer les entreprises qui ont le potentiel d’exporter et on va travailler avec elles pour développer les marchés d’exportation.

On veut aussi développer des secteurs où on importe beaucoup et on ne produit pas assez au Québec. Je pense à l’agroalimentaire, aux produits d’hygiène corporelle ou aux vêtements. Ces secteurs représentent 6 milliards d’importations par année que l’on peut produire chez nous.

J.-P. D. : De quelle façon la crise a-t-elle touché les activités d’Investissement Québec et l’atteinte des objectifs que vous souhaitiez réaliser en intégrant plusieurs composantes du ministère du Développement économique ?

G. L. : Je dois dire que je suis très satisfait du travail qu’on a accompli depuis un an. IQ était une organisation très hiérarchisée. et on a réussi à impliquer davantage tous nos gens. Le « je » s’est mis au service du « nous ».

L’addition de nouveaux professionnels a renforcé l’équipe et c’est sûr que la crise a contribué à une plus grande responsabilisation, mais on a maintenant des taux d’engagement qu’on n’avait jamais auparavant. J’en suis très content.