Québec a annoncé un plan de relance de plus de 750 millions pour le tourisme, frappé de plein fouet par la pandémie. Si le soutien financier proposé ne satisfait pas les acteurs de l’industrie, les hôteliers en particulier, les vacanciers québécois y trouveront des occasions d’explorer le Québec. La Presse fait le point.

Des hôtels resteront fermés

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Les annonces du gouvernement visant à soutenir l’industrie hôtelière sont jugées insuffisantes et pourraient inciter des propriétaires à ne pas rouvrir leur établissement pour la saison estivale à venir.

Les annonces du gouvernement visant à soutenir l’industrie hôtelière, durement touchée par la pandémie, sont nettement insuffisantes et pourraient inciter des propriétaires à ne pas rouvrir leur établissement pour la saison estivale à venir, soutient Dany Thibault, président de l’Association hôtellerie Québec (AHQ).

« C’est très peu, affirme celui dont l’association représente 510 membres. Nos besoins de liquidités sont criants. On a besoin de payer nos coûts fixes. »

Or, les mesures d’aide annoncées jeudi par la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, permettent plutôt aux hôteliers d’obtenir des prêts à des conditions d’emprunt avantageuses. « La forme de prêt, ce n’est jamais simple, fait remarquer M. Thibault. Quand, on connaît la machine gouvernementale, c’est souvent un peu long », dit-il, ajoutant du même coup que c’est une aide immédiate dont ont besoin les hôteliers.

J’ai l’impression que certains ne vont pas rouvrir. Il y a beaucoup d’incertitude. Il y a des gens qui attendaient [l’annonce de jeudi] pour prendre une décision.

 Dany Thibault, président de l’Association hôtellerie Québec

De plus, selon M. Thibault, la subvention accordée correspondant au montant de la taxe d’hébergement touristique payé pendant le premier trimestre de 2020 représentera une somme minime.

« C’est sûr que notre souhait, ce n’était pas d’avoir des prêts. Des prêts, on en a en masse, lance pour sa part Christiane Germain, coprésidente des Hôtels Germain. Mais ce n’était pas une tâche facile de venir en aide à notre industrie », ajoute-t-elle, précisant qu’il y en a des entreprises de toutes les tailles et de toutes les vocations.

À L’Islet, près de Saint-Jean-Port-Joli, Nancy Lemieux, propriétaire de l’Auberge des Glacis – qui compte 16 chambres –, estime que l’aide annoncée est très peu adaptée au type d’hébergement qu’elle dirige.

« Je m’attendais à de l’aide plus directe, souligne celle qui accueillera malgré tout ses premiers clients à partir du 15 juin. Contracter un autre prêt, ça me fait peur », dit-elle, ajoutant ne pas savoir ce que l’avenir lui réserve.

« [Avec ce qui a été annoncé], je ne vois pas ce que je pourrais avoir demain matin. »

Capacité réduite

Jean-Michel Ryan, président-directeur général du Mont Sutton, a également affirmé que dans les conditions actuelles, « il y a des entreprises touristiques qui ne reprendront pas leurs activités ».

Certaines attendront de s’assurer que la fréquentation est suffisante alors que d’autres abandonneront, tout simplement. Selon lui, les prêts ne font que favoriser le surendettement. Il souligne que les mesures sanitaires à suivre ont des impacts sur la fréquentation et donc sur les coûts fixes. Un aspect également évoqué par Christiane Germain, qui appréhende un été difficile. « On n’est pas capables d’opérer à pleine capacité, on a des contraintes. »

Au Zoo de Granby, qui accueillera ses premiers visiteurs le 20 juin, le directeur général, Paul Gosselin – qui se réjouissait de l’annonce de l’ouverture des zoos pour le 19 juin – a souligné qu’il devrait limiter l’accès au site à un maximum de 3000 personnes par jour. Normalement, la fréquentation, seulement pour le zoo, se situait entre 5000 et 6000 personnes. La pandémie aura engendré des pertes évaluées à de 3 à 4 millions de dollars pour l’entreprise.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Milan, un léopard de l’amour, est présent au Zoo de Granby.

Même quand on est fermés, on doit maintenir les soins des animaux, payer le salaire des gardiens et des vétérinaires.

Paul Gosselin, directeur général du Zoo de Granby

Bonne nouvelle pour les vacanciers

Du côté de la métropole, le président-directeur général de Tourisme Montréal, Yves Lalumière, estime que « la bonne nouvelle est pour les consommateurs québécois ». Ceux-ci bénéficieront de forfaits, de rabais et de programmes – pour un total de 20 millions de dollars – les incitant à visiter le Québec pendant la saison estivale.

M. Lalumière espère que si les Montréalais vont en région, les gens des régions viendront à leur tour dans la métropole. « La réputation de Montréal en a pris un coup, peut-être un peu trop, même. On est prêts à accueillir les gens. Ça va dans les deux sens. »

De l’oxygène pour lancer la saison

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Le pavillon Antoine-Dubuc, au parc national des Monts-Valin

Des rabais pour inciter les Québécois à voyager dans leur province et des programmes pour aider le secteur touristique à traverser cette année difficile : voici l’essentiel du plan de relance annoncé par le gouvernement Legault jeudi.

Pour les vacanciers

Les parcs de la SEPAQ à moitié prix
La carte annuelle Parcs nationaux du Québec, qui coûte habituellement 80,25 $ par adulte, sera offerte à moitié prix à compter du 22 juin. Cette carte donne accès aux 24 parcs nationaux gérés par la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) pour une période de 12 mois à compter de sa date d’activation. Elle donne aussi droit à divers rabais. Les Québécois qui ont déjà acheté cette carte à plein tarif ne pourront malheureusement pas se faire rembourser la moitié du prix.

Des forfaits pour visiter les régions éloignées
Les 34 premiers forfaits d’un nouveau programme, baptisé Explore Québec sur la route, seront affichés dans les prochains jours sur le site QuébecOriginal.com. Couvrant un minimum de deux nuitées et de deux attraits phares, ces forfaits seront d’abord offerts dans six régions (Gaspésie, Bas-Saint-Laurent, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Abitibi-Témiscamingue, Eeyou Istchee Baie-James, ainsi que Duplessis et Manicouagan sur la Côte-Nord). Des forfaits dans les autres régions de la province, y compris à Montréal, s’ajouteront au fil des mois. Les consommateurs recevront un rabais de 25 % à l’achat, que les fournisseurs (agences de voyages, voyagistes et agences réceptives) se feront rembourser par Québec.

Des passeports donnant droit à des rabais
Des passeports regroupant diverses attractions seront annoncés dans quelques semaines sur le site Quebecvacances.com. Ces passeports procureront des rabais sur le prix d’entrée des attractions participantes (20 % pour un passeport donnant accès à deux endroits, 30 % pour trois endroits et 40 % pour quatre endroits). Les attractions touristiques qui veulent figurer sur un passeport commun doivent d’abord se regrouper et faire approuver leur projet par Québec.

Pour les entreprises touristiques

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’Auberge des glacis, à L’Islet, près de Saint-Jean-Port-Joli

Un PACTE de 446 millions
Un volet touristique a été ajouté au Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE), destiné aux entreprises touchées par la COVID-19, avec des conditions d’emprunt plus avantageuses pour le secteur. Par exemple, le moratoire sur le remboursement du capital de ces prêts et garanties de prêts sera plus long (24 mois plutôt que 12), et les entreprises devront faire la démonstration d’un retour à la rentabilité à moyen terme plutôt qu’en un an. Les sommes remboursées au cours des 48 premiers mois donneront droit à un « pardon » correspondant à 25 % du montant remboursé, avec un maximum de 100 000 $ par établissement ou attraction touristique.

200 millions pour moderniser les hôtels
Le Programme d’appui au développement des attraits touristiques (PADAT) sera lui aussi doté d’un nouveau volet, géré par Investissement Québec. L’objectif est de donner accès à des prêts à des conditions avantageuses pour inciter les établissements hôteliers à faire des travaux de rénovation ou de remise à niveau. Les projets doivent coûter au moins 125 000 $, et les prêts peuvent couvrir jusqu’à 80 % des dépenses admissibles.

Remboursement de taxe et partenariats régionaux
Une subvention équivalente à la taxe sur l’hébergement touristique perçue durant le premier trimestre de 2020, soit environ 13,8 millions de dollars, sera versée aux gîtes et établissements hôteliers pour les aider à conserver des liquidités. « Ça profite aux plus gros hôtels », a fait valoir la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, en conférence de presse jeudi. « Si vous avez trois chambres, votre taux de taxe sur l’hébergement est évidemment moins grand que votre taux sur un hôtel de 250, 300 chambres. Donc, les hôtels de Montréal pourront profiter de ce retour sur la taxe sur l’hébergement. » Les ententes de partenariat régional en tourisme (EPRT), qui, comme leur nom l’indique, sont gérées en partenariat avec les associations touristiques régionales, seront dotées de 15 millions de dollars additionnels cette année, et 10 millions de plus pour 2021-2022. Ces fonds doivent servir à appuyer des entreprises touristiques affectées par la pandémie (adaptation sanitaire, développement numérique, etc.) et des projets collectifs ayant des retombées financières dans les régions.