(Washington) Si les accords commerciaux étaient des matchs de football, on pourrait écrire que l’entente de libre-échange Canada–États-Unis-Mexique (ACEUM) était sur la touche lorsque le président Donald Trump a tenté un jeu désespéré pour conclure un nouveau pacte avec la Chine.

Un an plus tard, la COVID-19 a fait de la Chine un paria sur la scène internationale et convaincu les pays de tenter d’adopter de nouvelles politiques manufacturières. Résultat : l’entente de libre-échange nord-américaine se retrouve sous les feux de la rampe.

« Heureuses est le mot juste », dit l’économiste en chef du Conference Board du Canada, Pedro Antunes, en parlant des circonstances entourant l’entrée en vigueur, le 1er juillet, de l’ACEUM.

« On parle beaucoup de raccourcir les chaînes d’approvisionnement, de les ramener au pays. Cela peut jouer en faveur des relations du Canada avec les États-Unis, peut-être en renforçant les liens commerciaux en Amérique du Nord, au Canada et avec l’économie américaine. »

L’ACEUM a été conclu après 13 mois de longues et difficiles négociations, bien avant que « pandémie » et « COVID-19 » apparaissent dans le vocabulaire quotidien.

Aux États-Unis, où M. Trump tente de se distancer d’un bilan dépassant les 100 000 morts en encourageant un retour rapide aux affaires normales, la Maison-Blanche compte sur l’ACEUM pour aider à diriger la reprise nord-américaine.

« Dès que les économies seront remises sur pied, on assistera à une véritable reprise du commerce, a lancé Larry Kudlow, un conseiller économique de M. Trump. Le Canada et le Mexique sont des partenaires commerciaux très importants. L’ACEUM représente deux fois l’activité commerciale entre les États-Unis et la Chine. Il va contribuer à l’essor du PIB et de l’emploi. »

Tout le monde au Canada ne partage pas cet enthousiasme.

Par exemple, les producteurs laitiers soutiennent que l’impact combiné de l’ACEUM, de l’accord commercial avec l’Union européenne, et du Partenariat transpacifique représente un recul annuel de 320 millions, sans compter les répercussions de la pandémie.

Les constructeurs automobiles et les fournisseurs de pièces automobiles ont demandé un plus long délai pour se préparer à l’ACEUM.

« Avant la pandémie, la plupart des entreprises canadiennes souhaitaient que l’accord soit ratifié et mis en vigueur le plus rapidement possible afin de profiter d’une stabilité et d’une prévisibilité dans nos relations commerciales les plus importantes, souligne Adam Taylor, fondateur d’Export Action Global, une société de conseil en commerce international. Maintenant, le Canada et le Mexique demandent presque un peu de freinage dans certains secteurs, arguant qu’il existe actuellement trop de perturbations et de chaos pour exiger aux entreprises de se préparer à quelque chose de nouveau de plus. »

Mais la dernière chose que doit souhaiter le Canada, c’est une remise en question de l’accord au moment où les États-Unis sont sur le point d’aller aux urnes, ajoute M. Taylor.

« Et si nous appuyons sur le bouton de pause à ce sujet et le commerce international redevient un enjeu électoral brûlant, je ne pense pas que nous voulons voir l’accord se retrouver dans les limbes. »

La pandémie accélère les efforts américains pour se distancer de la Chine, ce qui favorise le commerce nord-américain. « [L’ACEUM] promet de faire de l’Amérique du Nord un havre sûr pour les entreprises prises dans une tempête mondiale », soutient Dan Ujczo, un spécialiste canado-américain des questions commerciales.