Plus de produits importés et une augmentation des prix. Voilà la nouvelle réalité à laquelle les consommateurs québécois risquent d’être confrontés lorsqu’ils se rendront au supermarché d’ici les prochains mois, si le gouvernement fédéral ne supporte pas suffisamment l’industrie agroalimentaire, prévient Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA).

« Les tablettes vides, ça risque peu d’arriver parce qu’on va importer, même si ça coûte très cher, a déclaré M. Groleau au cours d’un point de presse tenu jeudi devant les bureaux de l’UPA à Longueuil. La principale crainte que doivent avoir les consommateurs c’est celle-là : l’augmentation importante des prix due à la diminution de l’approvisionnement. »

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Le président de l'UPA, Marcel Groleau

Le manque de main-d’œuvre pour travailler dans les champs, les abattoirs qui tournent au ralenti, des porcs et des bœufs qui attendent toujours dans les fermes de prendre le chemin de l’abattoir, les usines de transformation des aliments qui ne fonctionnent pas au maximum de sa capacité faute d’employés et la fermeture des restaurants et des hôtels — qui accaparent normalement 35 % du marché de la transformation —, sont autant de difficultés vécues par l’industrie agroalimentaire.

Le coup de pouce fédéral de 252 millions annoncé plus tôt cette semaine est nettement insuffisant pour le secteur agroalimentaire, affirment les différents acteurs de l’industrie, également présents lors de la conférence de presse. On réclame plutôt un montant de 2,6 milliards de dollars. M. Groleau estime que le gouvernement doit faire des interventions « plus rapides » et « mieux ciblées ».

Le président de l’UPA rappelle que les consommateurs commencent déjà à ressentir les effets des problèmes qui affligent l’industrie. « On le voit déjà avec l’augmentation du prix du bœuf », illustre Marcel Groleau. La fermeture temporaire de l’usine de transformation Cargill en Alberta — rouverte depuis le 4 mai avec un seul quart de travail — et le ralentissement des activités de celle de JBS dans la même province, qui font à elles seules de 70 % à 80 % des abattages au pays, ont des impacts directs sur les approvisionnements en bœuf d’un bon nombre de boucheries au Québec.

En ce qui concerne les fruits et les légumes, les producteurs seront-ils en mesure de faire leurs récoltes s’ils n’ont pas suffisamment de bras ? Voilà une autre question que se pose M. Groleau. « Est-ce qu’on va être capable d’importer (tous les produits maraîchers dont nous avons besoin pour compenser) ? On ne sait pas. Il y a eu une réduction d’ensemencement en Californie. Dans six mois d’ici, il se peut qu’on ait de la misère à s’approvisionner. »

À Ottawa

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La ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau

En réaction aux propos de l’UPA, la ministre fédérale de l’Agriculture Marie-Claude Bibeau s’est dite consciente des défis auquel le secteur agricole faite face. « Notre gouvernement reconnaît à quel point les productrices et producteurs agricoles du Québec font un travail essentiel et contribuent à la santé économique de nos régions, a-t-elle dit dans une déclaration officielle envoyée par courriel. Nous savons que la filière alimentaire fait face à une multitude de défis à l’heure actuelle et nous travaillons jour et nuit pour leur venir en aide. L’annonce de mardi met en place d’importants changements afin d’aider la chaine de valeur alimentaire à rester solide : nous appuyons les transformateurs qui s’approvisionnent chez nos producteurs et nous bonifions et améliorons les programmes de gestion de risques de l’entreprise dont profitent déjà les agriculteurs. Cela s’ajoute à une gamme de mesures que nous avons déjà adoptées pour soutenir le secteur de l’alimentation. Notre message est clair : c’est une autre étape et nous allons continuer d’en faire plus. Notre appui ciblé vise à résoudre les enjeux qui pèsent présentement sur la chaine de valeur alimentaire. »

Autonomie alimentaire

De son côté, gouvernement Legault souhaite toujours accroître l’indépendance alimentaire de la province, a mentionné le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne en commission parlementaire jeudi. Celui-ci a rappelé que « l’autonomie alimentaire » du Québec était évaluée à 58 % en 2018.

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André Lamontagne

« On produit 9 milliards par année de biens. On transforme à hauteur de 30 milliards de biens par année. On importe 7,4 milliards de dollars par année de denrées alimentaires. On exporte davantage qu’on importe », a dit M. Lamontagne.

Les institutions publiques, comme les hôpitaux, les écoles ou les CHSLD, entre autres, auront un rôle à jouer pour acheter davantage de produits locaux, a-t-il dit. Mais Québec ne prévoit pas donner de cibles d’achat d’aliments québécois, parlant plutôt de « cibles de sensibilisation » des institutions sur la question.

« Plus les gens qui consomment vont chérir et valider l’importance d’acheter des biens qui sont produits sur leur territoire, bien, plus il va y avoir, en arrière, une chaîne qui va être là pour être capable de répondre à cette demande », a dit M. Lamontagne.

Le ministre a rappelé une promesse électorale faite par la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2018, qui prévoyait « doubler la superficie de culture en serre au Québec, [la faisant] passer de 120 hectares à 240 hectares. »