(Edmonton) La Régie de l’énergie de l’Alberta a suspendu plusieurs exigences de surveillance environnementale pour les entreprises qui exploitent les sables bitumineux.

Ces suspensions ont été accordées en raison de problèmes de santé publique soulevés par la pandémie de COVID-19. La décision, rendue plus tôt cette semaine, a une incidence sur les activités d’Imperial Oil, de Suncor, de Syncrude et de Canadian Natural Resources.

Cela vient s’ajouter à la précédente mesure d’allégement mise en place par le ministre de l’Environnement de l’Alberta, Jason Nixon, qui avait suspendu plus tôt l’obligation de l’industrie de signaler tout incident.

Les grandes entreprises ne sont plus tenues de tester les eaux souterraines et de surface à moins d’une contamination qui s’étendrait dans l’environnement. Elles n’ont également plus l’obligation de rechercher les fuites de méthane, un important gaz à effet de serre, ou de surveiller la faune et les oiseaux.

La surveillance et la recherche dans les zones humides sont suspendues jusqu’à nouvel ordre, et l’eau qui s’échappe des bassins pluviaux ne doit plus être analysée.

Les programmes de qualité de l’air ont aussi été fortement réduits, dont l’un touche le territoire de la Première Nation de Fort McKay, ainsi que de nombreuses autres conditions prévues dans les licences d’exploitation des entreprises. Quelques programmes doivent reprendre d’ici la fin septembre, mais pour la plupart des autres, on ignore la date de redémarrage prévu.

Sur demande seulement

Le porte-parole de la Régie de l’énergie de l’Alberta, Shawn Roth, soutient toutefois que les entreprises doivent continuer à colliger la plupart des informations comme avant — même si elles ne sont pas tenues de les dévoiler dès maintenant au gouvernement.

« La surveillance et la supervision par les opérateurs et la régie se poursuivent pour s’assurer que les activités se déroulent de manière sécuritaire et responsable dans chaque installation », a-t-il écrit. Il ajoute que les entreprises doivent être en mesure de fournir sur demande la plupart des données courantes à la Régie.

Par exemple, ajoute M. Roth, les pétrolières doivent maintenir leur supervision des barrages et s’assurer de l’efficacité de leurs « effaroucheurs d’oiseaux » près des bassins de décantation des résidus. La compagnie Imperial Oil a d’ailleurs révélé cette semaine que 50 oiseaux étaient morts après s’être posés sur ses bassins.

Shawn Roth estime que ces suspensions pourraient demeurer en vigueur tant qu’il y aura des décrets d’urgence liés à la COVID-19, en vertu de la Loi sur la santé publique. Certaines de ces mesures doivent pour le moment prendre fin au 30 septembre.

Plus tôt cette semaine, le gouvernement fédéral a accordé un délai supplémentaire à l’industrie pour signaler ses émissions de gaz à effet de serre. Les données attendues pour le 1er juin pourront être transmises au plus tard le 31 juillet.

Revoir la décision

Le chef de la première nation Athabasca Chipewyan, Allan Adam, déplore que la Régie n’ait pas consulté les communautés riveraines avant de prendre une telle décision.

« La surveillance et la protection de l’environnement sont des éléments critiques des activités d’exploitation des sables bitumineux, qui ne devraient jamais être considérés comme optionnels », a-t-il soutenu par voie de communiqué.

« Nous demandons à la Régie de l’énergie de l’Alberta de réviser immédiatement cette décision et d’identifier des moyens par lesquels la surveillance peut être maintenue tout en protégeant les travailleurs et l’environnement », plaide le chef Adam.

Shaun Fluker, professeur de droit à l’Université de Calgary, qui suit la réglementation des pétrolières, estime que la liste des exemptions est à peu de choses près calquée sur la liste de souhaits traditionnels de l’Association canadienne des producteurs pétroliers.

« On commence à croire que la pandémie est utilisée comme une occasion d’accorder un répit qui n’aurait jamais été considéré comme acceptable en temps normal. »

Le professeur Fluker soutient que cette décision annule en pratique les lois environnementales de l’Alberta, car leur application dépend des données de surveillance volontaire de l’industrie.

D’autres observateurs ont aussi été stupéfaits par les exemptions. Pour Keith Stewart, de Greenpeace Canada, « c’est comme si on retirait la pile de votre détecteur de fumée afin que vous puissiez passer une bonne nuit de sommeil ».

À sa connaissance, aucun autre État dans le monde n’aurait suspendu autant les protections environnementales pendant la pandémie, y compris les États-Unis de Donald Trump.