(Ottawa) Le maintien de l’indépendance de la Banque du Canada sera essentiel pour aider l’économie pendant et après la pandémie de COVID-19, d’autant plus que l’endettement du pays s’accentue, a fait valoir lundi la numéro deux de la banque centrale.

Dans un discours prononcé lundi, la première sous-gouverneure de la banque centrale, Carolyn Wilkins, a indiqué que la politique monétaire de la banque visait à garantir aux entreprises et aux particuliers un accès aux marges de crédit et aux prêts à court terme, et aider à stimuler la demande lors de la reprise attendue, avec de faibles taux d’intérêt.

Le bilan de la banque a plus que triplé ces dernières semaines. Il est passé d’environ 120 milliards au début mars, soit avant le confinement général, à environ 385 milliards la semaine dernière, alors qu’elle augmente ses achats d’obligations fédérales et provinciales et fournit du financement pour les mesures de relance du gouvernement fédéral, qui totalisent environ 146 milliards.

Selon Mme Wilkins, le risque financier pour les contribuables est faible en raison des restrictions auxquelles sont soumis les programmes d’achat d’obligations.

Mais elle a également souligné que toutes les actions d’Ottawa et de la banque centrale feraient grimper les dettes publiques et privées par rapport à leur niveau précédent la pandémie et les mesures qui ont essentiellement gelé l’activité économique.

« Qu’il y ait risque d’inflation ou de déflation, la crédibilité de la banque centrale est cruciale », a-t-elle affirmé dans le texte de son discours, livré à l’Institut C. D. Howe.

« Nous devons donc garder les yeux rivés sur notre mandat et conserver notre indépendance d’action pour le réaliser. »

La question entourant l’indépendance de la banque centrale a été soumise au ministre des Finances Bill Morneau, la semaine dernière, lorsqu’il a annoncé que Tiff Macklem serait le prochain gouverneur de la Banque du Canada.

Les libéraux et la banque centrale ont « des relations de travail efficaces », a expliqué M. Morneau lors de la conférence de presse de vendredi, ajoutant que les libéraux considéraient « l’indépendance de la Banque du Canada comme essentielle » pour l’avenir de l’économie.

De l’avis de plusieurs observateurs, Mme Wilkins était considérée comme la meilleure candidate pour remplacer le gouverneur sortant, Stephen Poloz, tout comme M. Macklem l’avait été il y a sept ans, alors qu’il était lui aussi le numéro 2 de la banque et que M. Poloz avait obtenu le poste.

La décision de nommer M. Macklem a été bien accueillie dans certains milieux : des économistes du secteur privé ont fait l’éloge de ses compétences et des groupes environnementaux ont jugé prometteur son intérêt pour les effets du changement climatique sur l’économie.

« Le Canada devait faire passer le changement climatique au premier plan de la ligne financière, et avec Tiff comme nouveau gouverneur, ce besoin a été satisfait », a affirmé Blair Feltmate, chef du centre sur l’adaptation au changement climatique de l’Université de Waterloo.

Mais d’autres ont aussi émis des réserves, notamment certains groupes de défense des droits des femmes qui se demandaient pourquoi le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau n’avait pas nommé Mme Wilkins à la tête d’une institution qui n’a jamais eu de femme à sa tête.

« Nous avons déterminé qui serait le meilleur pour nous accompagner en cette période difficile et dans les sept prochaines années, et je sais que c’est exactement ce que fera Tiff Macklem », a expliqué lundi M. Trudeau devant sa résidence d’Ottawa.

Pas de prévisions complètes

La banque estime que les mesures pour contrer la pandémie, qui ont forcé la fermeture des entreprises non essentielles et fourni une aide financière fédérale à plus de sept millions de travailleurs, entraîneront une baisse de 15 % à 30 % du produit intérieur brut pour le deuxième trimestre par rapport à son niveau de la fin 2019.

Mme Wilkins a indiqué que la banque n’avait pas publié de prévisions complètes en raison de l’incertitude quant au moment où les restrictions seront levées. Il pourrait également y avoir d’autres vents contraires qui ralentiraient une reprise, a-t-elle souligné, évoquant la faiblesse des prix du pétrole.

« Même dans le meilleur des cas, la perte de production ne sera compensée que graduellement avec la levée des mesures contre la propagation du virus, le retour des gens au travail et l’augmentation de la production », a-t-elle affirmé.

Ce niveau d’incertitude explique pourquoi les libéraux n’ont pas encore présenté de budget, a indiqué M. Trudeau.

Le gouvernement s’était engagé à présenter son budget à la fin du mois de mars, mais a abandonné ce plan après que les députés ont accepté de suspendre la Chambre des communes pendant la pandémie.

M. Trudeau a indiqué que les libéraux s’affairaient à trouver une date pour la présentation d’un budget ou d’une mise à jour économique.