(OTTAWA) Sous respirateur artificiel en raison de la chute drastique des cours du pétrole et de la pandémie de COVID-19, le secteur énergétique est le principal bénéficiaire de l’enveloppe de quelque 4,2 milliards offerte par le fédéral vendredi – sommes qui sont vouées à l’assainissement de puits et à la réduction des émissions de méthane.

Cela faisait des semaines que l’opposition officielle à Ottawa exhortait le gouvernement Trudeau à présenter un plan de relance pour le secteur pétrolier et gazier. Celui que les libéraux ont conçu doit permettre de maintenir 10 000 emplois dans les provinces de l’Ouest et à Terre-Neuve-et-Labrador, où le virus a mis K.-O. un secteur déjà fragilisé.

Le gouvernement injecte donc 1,7 milliard afin de nettoyer les puits orphelins et abandonnés en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique.

On prévoit que ces fonds vont maintenir près de 5200 emplois en Alberta seulement.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

À cela s’ajoute l’injection de 750 millions dans un nouveau fonds voué à la réduction des émissions de méthane, qui contribuent au réchauffement planétaire ; 10 % de la cagnotte ira aux entreprises actives au large de Terre-Neuve-et-Labrador.

Si ces mesures visent à donner aux entreprises les moyens de poursuivre leurs activités, elles ont aussi été élaborées en suivant le principe selon lequel « cette crise de santé publique ne doit pas nous empêcher d’agir pour contrer la crise climatique », a fait valoir le premier ministre à Rideau Cottage.

Il n’a pas écarté que les cordons de la bourse pourraient être déliés encore davantage – car ces dernières semaines, certains évoquaient un plan d’aide de 15, voire 20 milliards. « On va continuer de regarder s’il y a d’autres choses que nous avons besoin de faire », a dit Justin Trudeau. Il a toutefois esquivé la question lorsqu’on lui a demandé si le fédéral pourrait accéder à une demande de l’industrie pétrolière de faire pour elle ce qu’il avait fait pour le secteur automobile de l’Ontario lors de la crise économique de 2008.

Dans l’intervalle, le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a néanmoins manifesté sa satisfaction sur Twitter.

Lisez le message de Jason Kenney (en anglais)

Son homologue saskatchewanais, Scott Moe, habituellement à couteaux tirés avec le fédéral, a quant à lui parlé d’un « pas dans la bonne direction », en soulignant qu’il réclamait depuis 2016 le nettoyage de puits orphelins et abandonnés dans sa province.

Au Parti conservateur, le député Gérard Deltell estime que ces mesures « constituent un premier pas dans la bonne direction, mais [qu’] il reste encore beaucoup à faire pour protéger les emplois dans le secteur de l’énergie au Canada et l’ensemble de l’économie canadienne ». Son parti relance son appel à l'abolition de la taxe sur le carbone et espère un élargissement de « l’accès aux marchés d’exportation par les pipelines ».

La forme que l’aide au secteur énergétique a prise a plu aux groupes environnementaux. « Nous avons demandé au gouvernement Trudeau de venir en aide aux travailleurs et non aux pollueurs. Cette annonce est un pas dans la bonne direction. Ces mesures permettront de créer des emplois à un moment crucial, tout en nettoyant une partie du gâchis environnemental abandonné par les pétrolières », a déclaré Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada.

Encore de l'aide pour les PME

Un coup de pouce supplémentaire est par ailleurs aussi donné aux petites entreprises qui ne sont pas admissibles à la Subvention salariale d’urgence ou au Compte d’urgence pour les entreprises : Ottawa versera 962 millions aux agences de développement régional et au Réseau de développement des collectivités.

À cette somme s’ajoute une enveloppe de 270 millions à Futurpreneur et au Programme d’aide à la recherche industrielle, afin d’appuyer les innovateurs et d’autres entreprises en démarrage qui ne sont pas admissibles à la subvention salariale, a annoncé Justin Trudeau.

Les milieux d’affaires ont réagi positivement à ces nouvelles mesures. Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, a salué ces « ajouts significatifs à un dispositif d’aide déjà costaud » et souligné « la capacité d’écoute et de réaction du gouvernement, qui continue d’ajuster l’aide offerte pour permettre de rejoindre le plus grand nombre d’entreprises possible ».

Du côté de la Fédération des chambres de commerce du Québec, on perçoit ce nouvel élargissement comme une « bonne nouvelle », notamment pour les PME en démarrage et celles situées en région, mais on prédit que cela sera « probablement insuffisant pour répondre aux besoins des start-up et des entreprises en précommercialisation », a plaidé son PDG, Charles Milliard.

En tout et pour tout, en ajoutant les 500 millions consentis au ministère du Patrimoine canadien pour appuyer les artistes et les sportifs, la facture associée aux annonces de vendredi totalise quelque 4,2 milliards. Depuis le début de la crise de la COVID-19, le gouvernement Trudeau a annoncé pour environ 230 milliards d’aide directe et indirecte.