(Ottawa) L’opposition conservatrice estime que le gouvernement devra indemniser les producteurs laitiers dans les 90 jours suivant l’entrée en vigueur du nouvel accord commercial nord-américain, affirmant que le secteur est le plus grand perdant de ce pacte renégocié.

Cette recommandation est tirée d’une lettre adressée à la vice-première ministre Chrystia Freeland par des députés conservateurs, dont une copie a été obtenue par La Presse canadienne.

La production laitière a été l’un des secteurs les plus controversés en discussion lors de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain que le président des États-Unis Donald Trump a imposé au Canada et au Mexique en 2017.

Le secteur a également des considérations politiques nationales importantes dans toutes les négociations commerciales, et le Canada et les États-Unis ne font pas exception.

M. Trump a critiqué les agriculteurs canadiens pour avoir soi-disant mis les agriculteurs américains au chômage avec ce qu’il considérait comme des pratiques déloyales au Canada. Le président Trump s’est engagé à se battre pour les agriculteurs américains, et la perception de sa réussite ou de son échec sur ce point affectera ses chances de réélection, en particulier dans les principaux États du Midwest tels que le Wisconsin.

La majorité des producteurs laitiers du pays se trouvent au Québec et en Ontario — les deux provinces canadiennes les plus riches en votes.

L’industrie laitière canadienne s’est inquiétée de la façon dont les accords commerciaux érodaient sa part du marché canadien non seulement lors de la renégociation de l’ALENA, mais aussi lors des négociations commerciales précédentes qui ont mené au pacte global du Canada avec l’Union européenne.

« Le plus grand groupe abandonné par votre gouvernement pendant les négociations de l’ACEUM est le secteur laitier canadien », indique la lettre, qui cite une perte de 3,6 % de part de marché au Canada en raison de l’accord.

Ce facteur et l’élimination des classifications des concentrés de protéines de lait, du lait écrémé en poudre et des préparations pour nourrissons « se combinent pour faire du secteur laitier le plus grand perdant de cet accord », indique la lettre.

Une porte-parole de la ministre Freeland a affirmé vendredi que le gouvernement était déterminé à ratifier rapidement la nouvelle entente.

« Nous demeurons engagés à indemniser pleinement et équitablement nos producteurs et transformateurs laitiers dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre », a indiqué Katherine Cuplinskas par communiqué.

Les conservateurs demandent également au gouvernement de reporter la mise en œuvre du nouvel accord pour l’industrie automobile à janvier 2021, « pour lui permettre de s’adapter au nouveau climat de l’accord ».

L’impasse autour des automobiles a été l’un des plus grands obstacles lors de la renégociation de l’ALENA, parce que les États-Unis ont insisté sur de nouvelles règles pour augmenter le niveau de contenu nord-américain pour le secteur automobile.

La propre évaluation des répercussions économiques du nouvel accord par le gouvernement, publiée cette semaine, prévoyait que les exportations canadiennes d’automobiles vers les États-Unis diminueraient de 1,5 milliard US, note la lettre conservatrice.

Mais l’analyse du gouvernement indique que l’accord était meilleur pour le Canada dans son ensemble et qu’il valait mieux qu’aucun accord commercial du tout.

Les conservateurs s’inquiètent également de l’incidence du nouvel accord sur la capacité des entreprises canadiennes de soumissionner pour des projets d’infrastructure américains, sur le commerce numérique, la culture et la foresterie.

Les États-Unis et le Mexique ont officiellement ratifié le nouvel accord, mais il est toujours devant le Parlement canadien.