(Washington) Le président américain Donald Trump, en pleine campagne électorale, a de nouveau réclamé à la Banque centrale américaine une baisse des taux pour permettre à l’économie américaine de faire face aux effets du nouveau coronavirus, alors que l’institution se dit prête à intervenir si nécessaire.

« Regardez les autres pays, ils remplissent tous les caisses […]. Et notre Fed reste assise là, ne fait pas ce qu’elle devrait faire », a accusé vendredi Donald Trump, coutumier des attaques contre la Fed et son président Jerome Powell.

La Fed « a fait beaucoup d’erreurs, mais j’espère (qu’elle) va intervenir bientôt », a encore dit vendredi le président américain à des journalistes dans les jardins de la Maison-Blanche.

Donald Trump, qui espère être réélu pour un second mandat à la Maison-Blanche, avait admis mercredi que l’épidémie empêcherait sans doute la croissance américaine d’atteindre 3 % en 2020, ce qui est pourtant l’un de ses principaux arguments.

Il réclame depuis des mois une nouvelle baisse des taux à la Fed, qui a entamé une pause après trois tours de vis successifs, laissant ses taux entre 1,50 et 1,75 % après trois baisses.

L’épidémie galopante du COVID-19 aura peut-être finalement raison de l’attentisme de la Fed, alors que la panique a même gagné les places boursières. Wall Street a connu sa pire semaine depuis la crise financière de 2008.

Sur fond d’appels pressants à baisser les taux d’intérêt, Jerome Powell a même publié un rare communiqué de presse vendredi, dans lequel il juge que « les fondamentaux de l’économie américaine restent solides », bien que « le coronavirus pose un risque croissant pour l’activité économique ».

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Jerome Powell

« La Réserve fédérale suit avec attention les développements et leurs conséquences pour les perspectives économiques. Nous utiliserons nos outils et agirons en conséquence pour soutenir l’économie », a-t-il encore indiqué, sans donner d’autre détail.

Et tous les marchés parient désormais sur une baisse des taux lors de la prochaine réunion de la Fed les 17 et 18 mars, là où quelques jours auparavant ils n’en voyaient aucune à l’horizon.

« L’agonie des marchés appelle à un soutien urgent de la Fed », estiment vendredi les économistes d’Oxford Economics, qui tablent sur deux baisses des taux cette année, en mars et avril.

Soutenir la consommation

« La Fed a une marge de manœuvre », les taux d’intérêt étant plus élevés aux États-Unis qu’en Europe, estime l’ancienne présidente de la Fed Janet Yellen.

« Ça ne va pas tout régler, mais cela soutiendra un peu les dépenses des consommateurs, l’économie américaine et les marchés financiers », a-t-elle indiqué mercredi dans le Michigan, n’écartant pas un risque de récession après 11 ans de croissance.

« La Réserve fédérale devrait inciter les Banques centrales mondiales à agir immédiatement », affirmait même Kevin Warsh, un ancien gouverneur de la Fed, dans le Wall Street Journal mercredi, appelant à réduire ses taux.

Dans l’immédiat, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, a prévenu que la croissance mondiale et celle du Royaume-Uni devraient ralentir, tandis que la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) Christine Lagarde a dit qu’elle surveillait « très attentivement » les répercussions de l’épidémie, mais ne constatait pour l’heure aucun « choc durable » sur l’activité et l’inflation.

Baisser les taux d’intérêt serait donc un antidote à une éventuelle récession ?

Rendre le crédit moins cher permet d’encourager la consommation pour soutenir ou relancer l’économie, ce qui a été utilisé jusqu’à ses limites par les banques centrales pendant la crise financière de 2008.

Aux États-Unis, la consommation des ménages représente, à elle seule, 70 % du PIB.

La perspective d’une baisse de taux n’enchante pas l’économiste Joel Naroff : « L’inquiétude est que M. Powell panique de nouveau et utilise son outil du dernier ressort, l’abaissement des taux d’intérêt. » Au risque, selon lui, de laisser moins de marge de manœuvre pour soutenir la croissance en cas de ralentissement économique.