(Pékin) Une nouvelle loi est censée garantir depuis le 1er janvier un traitement équitable aux investisseurs étrangers en Chine, mais les milieux d’affaires craignent que le texte, trop vague dans ses modalités d’application, ne dépasse pas le stade de l’effet d’annonce.

Alors que Pékin cherche à se présenter en bon élève de la mondialisation face au protectionnisme américain, le texte entend répondre aux griefs de longue date des entreprises internationales, notamment en matière de transferts forcés de technologie et d’accès au marché.  

De bonnes lois sur papier, mais peu appliquées

« Le problème n’était pas l’absence de législation mais le manque d’application » des lois existantes, souvent laissée au bon vouloir des différentes autorités locales, estime Lester Ross, de la Chambre de commerce américaine à Pékin.

PHOTO ELAINE THOMPSON, AP

La nouvelle loi sur l'investissement étranger était réclamée depuis des années par les multinationales non chinoises actives en Chine. Ses protections sont en deça des attentes. Ci-haut un porte-conteneur arrivant de Chine, à l'ancre devant Seattle, sur la Côte Ouest américaine.

Sous pression en pleine guerre commerciale avec Washington, le parlement chinois avait adopté ce texte en mars dernier après une procédure législative plus rapide qu’à l’ordinaire.  

Il remplace trois lois sur les investissements étrangers, rédigées à une époque où la Chine commençait à s’ouvrir, et dont le contenu pouvait entrer en contradiction avec d’autres lois et réglementations.

Sondage : la loi ne changera rien

Un sondage publié en décembre par la Chambre de commerce britannique en Chine, et réalisé auprès de 249 entreprises, montre que 38 % d’entre elles jugent que la nouvelle loi ne changera rien. Un quart affirment ne pas savoir quels changements en attendre.

La nouvelle législation stipule qu’investisseurs locaux et étrangers se voient offrir le « même traitement » sur le marché chinois, caractérisé par « une concurrence loyale ». Et le recours à un partenaire chinois n’est désormais plus une obligation pour fonder une entreprise.

Pour Pékin, cette réforme était « prioritaire », dans un contexte de ralentissement économique, afin de maintenir un environnement attractif pour les investissements étrangers, note l’analyste Rajiv Biswas, du cabinet IHS Markit.

Cette nouvelle législation « doit permettre à la Chine d’attirer des investissements dans le secteur des nouvelles technologies et faire monter en gamme son industrie », relève Flora Zhu, spécialiste Chine à l’agence de notation financière Fitch.

Autrefois réputée pour sa main-d’œuvre bon marché, le pays affronte désormais une concurrence de plus en plus forte en Asie, en particulier du Vietnam, « en raison de la hausse des salaires qui ont réduit sa compétitivité », souligne M. Biswas.

«Les investisseurs étrangers ont peu de chances d’être rassurés.»

Pékin se devait donc d’offrir « des règles du jeu plus équitables », assure-t-il à l’AFP.

Sur ce point, « nos attentes sont relativement modestes », tempère M. Ross. « Sans application stricte (de la loi) sur le terrain, les investisseurs étrangers ont peu de chances d’être rassurés », prévient-il.  

D’ailleurs, en cas de manquement des autorités, aucune sanction ou pénalité n’est clairement précisée dans la loi. Et le texte est muet sur les subventions aux entreprises d’État, accusées de fausser la concurrence.

La question de ces subventions est l’une des nombreuses réformes structurelles que les États-Unis réclament à la Chine dans le cadre de la guerre commerciale engagée par Donald Trump contre Pékin il y a près de deux ans.

Par ailleurs, la nouvelle loi « interdit le recours à des moyens administratifs pour forcer les firmes étrangères à transférer des technologies » à des partenaires chinois.

« Les conditions d’une coopération technologique doivent être négociées de manière juste et équitable », précise le texte.

Un droit d’expropriation large et vague

Malgré tout, « de nombreuses préoccupations demeurent », estime le président de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, Jörg Wuttke.

« Notamment l’existence d’un cadre juridique qui traite l’investissement étranger de manière différente » que celui d’acteurs chinois, fait-il remarquer à l’AFP.

La Chambre s’inquiète du libellé vague de certaines dispositions, qui permettraient aux administrations locales d’exproprier les investissements qui « nuisent à l’intérêt public ».  

Certaines entreprises étrangères critiquent l’impossibilité de faire appel en cas de litige.

Un article de la loi fait pour Huawei ?

Autre point d’inquiétude : une disposition prévoit que la Chine puisse « prendre des mesures appropriées » si un pays adopte « des restrictions » ou des « interdictions discriminatoires » à son encontre.

Ce passage semble directement lié aux sanctions dont fait l’objet le géant chinois des télécoms Huawei aux États-Unis : Pékin se réserve le droit de prendre des mesures de rétorsion dans un tel cas de figure.

Enfin, en dépit de la nouvelle loi, les investisseurs étrangers restent exclus de nombreux secteurs d’activité (santé, terres rares, audiovisuel, édition…).

La Chine a déjà réduit cette « liste négative » ces dernières années et a promis de continuer à le faire. Elle a commencé à lever au 1er janvier certaines restrictions dans le secteur financier.

Fin 2018, le pays comptait environ 960 000 entreprises à capitaux étrangers, selon l’agence Chine nouvelle.  

Et ces dernières représentaient 20,3 % du PIB chinois, d’après l’OCDE.