(Calgary) Une nouvelle vague d’eau froide est sur le point de frapper l’industrie canadienne des sables bitumineux, mais il reste à savoir s’il s’agira d’un tsunami ou d’une tempête dans un verre d’eau.

Des règles antipollution plus sévères établies par l’Organisation maritime internationale (OMI) doivent entrer en vigueur le 1er janvier. Ces nouvelles directives nommées OMI 2020, limitent la teneur en soufre du carburant utilisé par les navires à seulement 0,5 %, contre 3,5 % actuellement.

La date limite a été annoncée il y a des années, mais le changement devrait tout de même entraîner une chute des prix du pétrole lourd contenant des niveaux élevés de soufre, comme le bitume brut des sables bitumineux de l’Alberta. Le bitume représente environ la moitié des 4,6 millions de barils de pétrole canadiens produits chaque jour.

L’escompte sur le prix du mélange de brut du bitume Western Canadian Select (WCS) par rapport à la référence nord-américaine du West Texas Intermediate (WTI) pourrait presque doubler en janvier, prévoit Alan Gelder, vice-président, raffinage, pour le cabinet de conseil Wood Mackenzie.

« En octobre, nous avons l’écart WTI-WCS à environ 16 $ le baril. Et on s’attend à ce que l’écart se creuse jusqu’à la vingtaine élevée en janvier », a-t-il avancé lors d’une récente entrevue à Londres.

Il a ajouté que l’écart devrait s’abaisser ensuite pour s’établir à environ 23 ou 24 $ US d’ici le milieu de 2020.

La différence de prix entre le WTI et le WCS est une donnée étroitement surveillée, car elle dicte la rentabilité des sables bitumineux et le potentiel de redevances versées au gouvernement albertain. Lorsque l’écart s’est creusé jusqu’à 52 $ US par baril, à la fin de 2018, le faible développement imputé à l’incapacité des oléoducs à suivre la croissance de production a forcé le gouvernement provincial a imposer des limites de production. Ces limites de production ont depuis été assouplies, mais pas annulées.

L’analyste Phil Skolnick de Eight Capital soutient qu’il y a peu de preuves d’un bond majeur dans les différentiels de prix sur les transactions de pétrole en janvier alors qu’elles ont débuté en décembre.

L’impact des nouvelles règles antipollution semble atténué par les perturbations dans le flux de pétrole lourd de la concurrence du Venezuela et du Mexique vers les États-Unis. De nouveaux projets pétrochimiques en Asie qui nécessitent un approvisionnement en pétrole lourd comme matière première sont aussi des facteurs favorables, a-t-il souligné.

Les entreprises qui possèdent des raffineries ou des usines de valorisation des sables bitumineux devraient aussi en bénéficier, car les nouvelles normes vont entraîner une hausse de la demande pour ces combustibles à faible teneur en soufre.

Le directeur financier d’Imperial Oil à Calgary, Dan Lyons, a déjà annoncé qu’il offrirait quatre options à ses clients maritimes de Vancouver, soit 3,5 %, 0,5 % ou 0,1 % de soufre ainsi que la possibilité de mélanges sur demande.

Une expansion de l’usine de valorisation de Lloydminster, à la frontière de l’Alberta et de la Saskatchewan, devrait aider Husky Energy, aussi établie à Calgary, à bénéficier de l’OMI 2020. Sa production de diesel devrait grimper de 6000 barils à 10 000 barils par jour d’après la porte-parole Kim Guttormson.

La société produit également du diesel dans sa raffinerie de Lima en Ohio, qui a été reconfigurée pour utiliser davantage de pétrole lourd.

Irving Oil, à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, produit du VLSFO (carburant très faible en soufre) et du carburant marin dans sa raffinerie de Whitegate en Irlande et offre du carburant conforme aux nouvelles règles de l’OMI au Nouveau-Brunswick, a confirmé par courriel la porte-parole Candice MacLean. Irving offre également du carburant marin à Saint-Jean à Terre-Neuve-et-Labrador, aux États-Unis et à Halifax.

La majorité des cinq millions de barils par jour brûlés par les navires provient de résidus bruts qui restent après que des carburants plus précieux, comme l’essence et le diesel, aient été retirés par une raffinerie.