Le Centre Bell est de loin l’amphithéâtre le plus populaire au Québec. Et pourtant, en 2020, le Centre Bell sera la seule salle de spectacle majeure à bénéficier d’une diminution de taxes foncières dans la région de Montréal. Comment est-ce possible ?

La valeur foncière du Centre Bell est passée de 191 millions pour le rôle foncier 2017-2019 à 167 millions pour le rôle foncier de 2020-2022, une baisse de 13 %. Le Centre Bell épargnera ainsi environ 600 000 $ par année en taxes foncières à terme en 2022.

De leur côté, les autres salles de spectacle dans la région de Montréal (Place des Arts, Maison symphonique, MTelus, Théâtre Corona, New City Gas, Place Bell, Théâtre L’Étoile Banque Nationale, Théâtre Rialto, Théâtre St-Denis, l’Olympia) ont vu leur valeur foncière augmenter en moyenne de 9 % pour le rôle foncier 2020-2022(1).

Le Stade olympique, qui ne paie pas de taxes foncières et qui accueille des spectacles de musique sur son esplanade, a vu son évaluation foncière augmenter de 3 %.

La semaine dernière, l’Impact de Montréal et la Ville de Montréal se sont entendus pour une évaluation foncière du stade Saputo à 28 millions pour le rôle 2017-2019 et à 25 millions pour le rôle 2020-2022. Il s’agit aussi d’une baisse de 13 % entre les deux rôles. Le stade Saputo ne présente pas de spectacles.

Depuis 2013, l’évaluation foncière du Centre Bell est passée de 256 millions à 167 millions, soit une baisse de 89 millions (-35%). Le compte de taxes foncières du Centre Bell est passé de 10,8 millions en 2013 à 6,4 millions (estimation) en 2022.

« Totalement contradictoire », dit un expert

Comment la valeur du Centre Bell peut-elle diminuer alors que celle des autres salles de spectacle augmente dans la région de Montréal ? Unsal Ozdilek, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et spécialiste en évaluation immobilière, se pose aussi la question. « C’est totalement contradictoire », dit-il.

Selon lui, peu importe la méthode utilisée, il faut se référer aux immeubles comparables comme les autres salles de spectacle. 

« La notion de comparables est extrêmement importante. On doit se référer toujours au marché, aux comparables. Ce sont les données du marché qui parlent. Si on met à l’écart les comparables, [on peut arriver à n’importe quelle conclusion]. »

— Unsal Ozdilek, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et spécialiste en évaluation immobilière

La Ville de Montréal estime au contraire qu’on ne peut pas comparer ces immeubles au Centre Bell. « Il est normal que la valeur de certains types d’immeubles évolue différemment des autres. À titre d’exemple, le rôle 2020 démontre que la valeur des centres commerciaux est restée stable. De plus, chaque cas est particulier. La décision du tribunal indique qu’il s’agit d’un immeuble non traditionnel. Les autres immeubles cités [Place des Arts, MTelus, etc.] ne peuvent être comparés généralement au Centre Bell », indique par courriel la Ville de Montréal.

Un centre bell populaire

La Place des Arts est évaluée par la Ville de Montréal à 229 millions de dollars, et le Centre Bell, à 167,1 millions. Il s’agit d’un écart de 27 %. Le Centre Bell vend pourtant 90 % plus de billets au cours d’une année.

En 2018, la Place des Arts (propriété du gouvernement du Québec) a payé une contribution foncière (une somme tenant lieu de taxes foncières) de 7,3 millions à la Ville de Montréal, comparativement à 6,9 millions pour le Centre Bell.

« Il n’est pas possible de comparer ces deux immeubles, justifie la Ville de Montréal. D’autre part, la valeur du terrain de la Place des Arts a augmenté de 25 %, et la dépréciation applicable à cet immeuble est moins rapide que celle du Centre Bell. »

L’administration Plante aimerait que « ça vaille plus cher »

L’administration Plante aimerait que le Centre Bell « vaille plus cher », a dit Benoit Dorais, président du comité exécutif de la Ville de Montréal, en entrevue à QUB Radio plus tôt cette semaine.

« Ce n’est pas les élus qui font le choix de l’évaluation foncière, on n’a même aucun droit de regard. […] L’évaluateur en chef, c’est lui qui a le pouvoir selon la loi. […] J’aimerais bien mieux que [le Centre Bell] vaille plus cher. »

Pour évaluer le Centre Bell, la Ville de Montréal dit avoir les mains liées par une décision du Tribunal administratif du Québec datant de 2011. Dans cette décision, le Centre Bell contestait son évaluation foncière pour les rôles fonciers 2004-2006 et 2007-2009. Le tribunal a conclu que le Centre Bell valait 139 millions pour le rôle 2004-2006 et 172 millions pour le rôle 2007-2010 (la Ville voulait 230 millions, le Groupe CH, 65 millions).

Il existe trois méthodes pour faire l’évaluation foncière d’un immeuble : le coût, le revenu et la comparaison. La méthode du coût se base sur la valeur de reconstruction de l’immeuble (moins les dépréciations) ; la méthode du revenu, sur l’anticipation des revenus générés ; et la méthode de comparaison, sur l’analyse de la valeur foncière des bâtiments semblables.

Dans le cas du Centre Bell, le tribunal a privilégié la méthode du revenu. Même si la décision ne vaut que pour les années 2004 à 2010, la Ville a décidé de continuer d’en appliquer les principes. Le Groupe CH n’a d’ailleurs contesté aucune de ces évaluations foncières depuis 2014. 

En 2011, le tribunal a aussi jugé que le Centre Bell devait être évalué sur une durée de vie de 30 ans, plutôt que 50 ans, comme le fait la Ville dans le cas des autres immeubles du même type.

Le Groupe CH, propriétaire du Centre Bell, n’a pas souhaité en commenter l’évaluation foncière. Il a toutefois indiqué son intention de ne pas contester l’évaluation foncière de 167 millions pour le rôle foncier 2020-2022.

(1)Capacité de 1000 sièges et plus, présentation d’au moins cinq spectacles à accès payant durant une année

Les taxes les plus élevées

Le Centre Bell est l’édifice de la LNH qui paie les taxes foncières les plus élevées au Canada, notamment parce que Toronto (22,77 $ de taxes foncières par 1000 $ d’évaluation) et Vancouver (9,33 $ par 1000 $ d’évaluation) ont un fardeau foncier beaucoup moins élevé que celui de Montréal (37,98 $ par 1000 $ d’évaluation), selon un rapport de la firme Altus.