Un de perdu, deux de retrouvés ? L’Union européenne (UE) aurait pu faire contrepoids à la perte prochaine du Royaume-Uni en recrutant deux nouveaux membres, l’Albanie et la Macédoine du Nord.

Ces deux pays piétinent depuis des années dans l’antichambre de l’Europe. Ils ont respecté toutes les conditions préalables à l’ouverture de discussions officielles, ce que personne ne conteste au sein de la Commission européenne.

Mais au terme de discussions qui se sont poursuivies tard dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, les ministres des Affaires étrangères des 27 pays (l’UE compte 28 membres, avec le Royaume-Uni) n’ont pas réussi à réunir l’unanimité nécessaire pour entamer le processus d’adhésion des deux pays.

C’est la France, surtout, et les Pays-Bas qui s’y sont opposés, pour des raisons pas très limpides. Selon le président de la République, Emmanuel Macron, le processus d’adhésion à l’UE doit être revu avant d’accepter de nouveaux membres. Selon ses propos relayés par l’AFP, il a comparé l’UE à une copropriété dont les propriétaires « ne savent pas comment la quitter, ont du mal à réparer la lumière, refusent de s’investir et sont prêts à inviter de nouveaux copains et de nouvelles copines ».

PHOTO JOHN THYS, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Selon le président de la République, Emmanuel Macron, le processus d’adhésion à l’UE doit être revu avant d’accepter de nouveaux membres.

L’Europe a peut-être besoin, en effet, de moderniser ses règles de copropriété. La dernière adhésion à l’union, celle de la Croatie, remonte à 2013. Depuis, les raisons pour garder la porte fermée se sont multipliées. La Turquie, par exemple, est une candidate officielle depuis 1999 qui risque de ne jamais entrer dans l’Europe en raison du régime autocratique du président Recep Tayyip Erdoğan.

Les conditions remplies

Les conditions préalables pour aspirer à être membre de l’union sont simples : il faut être une démocratie et un État de droit, situé en Europe.

L’Albanie comme la Macédoine du Nord remplissent ces critères de base. Ils ont fait des efforts notables au cours des dernières années pour améliorer leur gouvernance et réduire la corruption. La Macédoine a même accepté de se rebaptiser République de Macédoine du Nord pour se réconcilier avec la Grèce, qui revendiquait le nom et bloquait sa candidature auprès des organisations internationales.

Malgré leurs efforts, ces deux pays ne sont pas devenus riches du jour au lendemain. Leurs économies sont fragiles et se situent dans le bas de la fourchette de celles des autres membres de l’union. Le contexte économique actuel, alors qu’une récession plane sur la zone euro, n’est pas non plus favorable à l’ouverture.

PRODUIT INTÉRIEUR BRUT PAR HABITANT (en $US)
Albanie : 5253,60
Macédoine du Nord : 6083,70
Croatie : 14 869,10
Grèce : 20 324, 30
Portugal : 23 145,70
Union européenne : 40 891
Source : Banque mondiale

En fait, l’Europe souhaite peut-être plus combler le trou budgétaire que causera le départ du Royaume-Uni que d’accepter de nouveaux membres qui auront probablement besoin d’aide financière. Le Brexit devrait laisser l’UE avec un manque à gagner de 84 milliards d’euros sur la période 2021-2027, selon la Commission européenne.

La contribution demandée aux 27 membres restants devra augmenter de 1,03 % à 1,14 % du revenu national brut. On comprend que ça ne fait pas que des heureux, et que ça pourrait donner à d’autres l’envie de partir.

Pendant ce temps, les pays qui pourraient être bien accueillis dans la copropriété européenne continuent de lui tourner le dos. La Norvège, la Suisse, l’Islande et le Liechtenstein, pays qui logiquement devraient faire partie de l’UE, ont refusé d’y adhérer. Les quatre forment l’Association européenne de libre-échange (AELE), qui peut profiter des avantages du libre-échange sans subir les contraintes de l’union.

Le Royaume-Uni, qui faisait partie de l’AELE avant de rejoindre les rangs de l’UE en 1973, pourrait même réintégrer l’association une fois le Brexit consommé.

Fermer la porte à de nouveaux membres a été qualifié « d’erreur historique » par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. L’avenir le dira. Mais c’est peut-être le seul moyen de ne pas accentuer le déséquilibre actuel au sein de la copropriété européenne.