On a parfois l’impression qu’à peu près tout ce qu’on achète vient d’Asie et, dans une moindre proportion, d’Europe ou des États-Unis. Au point que l’on ne sait plus trop ce que fabriquent encore les usines du Québec. Voici 12 biens qui – surprise ! – sont produits tout près de nous.

QUÉBEC

MACHINES À CAFÉ
CAFECTION

Cafection dessine, fabrique et vend des machines à café à piston inversé dans toute l’Amérique du Nord. L’entreprise a été fondée en 1979, mais c’est en 1986 qu’elle a commencé à fabriquer ses propres modèles. « Nos cafetières servent près de 2 milliards de cafés frais par année ! Plus de 80 % des compagnies américaines figurant sur la liste Fortune 500 du magazine Forbes font confiance aux machines Cafection », précise-t-on sur son site web. En 2017, l’entreprise a été vendue en partie au groupe italien Evoca. L’usine de la rue Dalton fabrique 7000 cafetières par année.

SHERBROOKE

LENTILLES CORNÉENNES
LABORATOIRE BLANCHARD

Vous portez des lentilles perméables à l’oxygène ? Il y a de bonnes chances qu’elles aient été fabriquées à Sherbrooke. Fondée en 1975, Blanchard se spécialise dans les lentilles sur mesure pour les yeux ayant des conditions particulières. Celles-ci sont vendues sous diverses marques, dont Onefit. L’usine emploie 45 personnes. Le président Jean Blanchard a vendu l’entreprise cofondée par son frère au géant CooperVision en 2018, mais, se qualifiant de « passionné », ce fils d’optométriste continue de veiller au grain.

MONTRÉAL (ARRONDISSEMENT DE SAINT-LAURENT)

SACS À ORDURES ET EMBALLAGES ALIMENTAIRES
POLYKAR

Entreprise familiale fondée en 1987, elle est aujourd’hui « un des principaux acteurs au Canada » dans la fabrication de sacs à déchets, sacs à fruits et pellicule de plastique pour l’industrie alimentaire. Elle vend ses produits aux secteurs industriel, commercial et institutionnel. Son usine de l’arrondissement de Saint-Laurent compte une centaine d’employés et son chiffre d’affaires était de 50 millions de dollars en 2018. L’été dernier, les cofondateurs Elyse Damdjee et Aziz Karim ont transféré le contrôle de l’entreprise à leur fils Amir Karim, qui en est alors devenu PDG.

SHERBROOKE

PAPIER SABLÉ
AMECCI

« Spécialiste de l’abrasif », Amecci existe depuis 1988. L’entreprise se targue d’être aujourd’hui « le plus grand transformateur de papiers sablés au Canada ». Sur son site, on précise qu’« il n’y a aucune limite pour les idées de grandeur de Michel Lequin », le fondateur, et que l’entreprise « ne cesse de grandir ».

SAINT-JEAN-SUR-RICHELIEU

TAPIS
LANART RUG

Vendus chez Rona, Home Depot et Walmart, entre autres, les tapis et carpettes de marque Lanart sont fabriqués dans une usine de plus de 200 000 pi2 à Saint-Jean-sur-Richelieu. À ses débuts en 1992, l’entreprise confectionnait « des tapis faits à la main sur mesure et des tapis assortis à partir de retailles de tapis résidentiels ». Elle est ensuite « entrée dans le marché utilitaire de masse » et possède aujourd’hui des manufactures en Colombie-Britannique et en Géorgie, aux États-Unis. « Ces emplacements stratégiques lui permettent d’expédier des milliers de tapis en Amérique du Nord chaque semaine. »

BERTHIERVILLE

GRATTOIRS, ÉQUERRES, ROULEAUX POUR PEINDRE
A. RICHARD

Si vous avez déjà peint, gageons que vous possédez au moins un produit A. Richard, sans trop le savoir. Pinceaux, grattoirs, rouleaux, truelles… le catalogue de l’entreprise compte 1200 produits, dont 65 % qu’elle fabrique elle-même dans Lanaudière. « Avec ses deux usines de Berthierville et plus de 150 employés à son bord, l’entreprise peut se féliciter d’avoir conquis 80 % du marché des outils de finition au Canada tout en préservant les emplois ici, chez nous », peut-on lire sur son site web. Fondée en 1890, à Saint-Denis-sur-Richelieu, A. Richard s’est établie à Berthierville en 1942.

MONT-SAINT-HILAIRE

ASPIRATEURS CENTRAUX
DRAINVAC

Située à Mont-Saint-Hilaire, l’entreprise fabrique et exporte « la plus grande gamme d’aspirateurs centraux destinée au marché résidentiel, commercial et industriel ». Soliroc Métal (aspirateurs de marque Aspirtech) et Trovac (marque Cyclo Vac) possèdent aussi des usines d’aspirateurs au Québec, à Saint-Joseph-de-Coleraine et à Blainville respectivement.

QUÉBEC

APPAREILS POUR ÉPILATION AU LASER
DECTRO INTERNATIONAL

L’épilation définitive n’a pas de secrets pour Dectro International, qui fabrique à Québec les appareils d’électrolyse et au laser utilisés par les esthéticiennes. L’entreprise fait aussi une panoplie d’appareils pour le photorajeunissement, la microdermabrasion et la correction cutanée. Son usine sur le boulevard du Parc-Technologique emploie une cinquantaine de personnes. Dectro vend ses produits aux professionnels, aux écoles d’esthétisme et exporte dans 35 pays.

SAINT-CONSTANT

TABLEAUX D’ÉCOLIER
CCTN

Depuis 1932, la Compagnie canadienne de tableaux noirs (CCTN) fabrique – vous l’aurez deviné – des tableaux noirs pour les écoliers. Au fil des ans, des tableaux de verre, des tableaux interactifs et des tableaux de conférence, notamment, se sont ajoutés à son offre. Ses produits sont distribués au Canada, aux États-Unis et en Europe. « Nos produits s’utilisent quotidiennement dans les écoles, les bureaux, les ministères gouvernementaux, les centres de formation, les hôpitaux, les hôtels, les restaurants et dans le monde commercial et industriel », indique-t-on en ligne.

MONTRÉAL (BOULEVARD DÉCARIE)

SERRURES
DORMAKABA (ancienne usine Unican)

Fait peu connu des Montréalais, on fabrique des milliers de serrures sur le boulevard Décarie, à trois minutes à pied du métro Namur. L’usine de Dormakaba emploie 450 personnes. Elle fabrique des serrures pour les hôtels, de haute sécurité et de coffres-forts. Les installations montréalaises ont intégré le groupe allemand Dorma en 2001, qui a fusionné en 2015 avec la suissesse Kaba pour former la multinationale Dormakaba.

LAC-BROME

SHAMPOING, DENTIFRICE, DÉODORANT
KDC/ONE

Comme son nom ne l’indique pas, Knowlton Development Corporation (ou KDC) fabrique, dans son usine du secteur Knowlton, du shampoing, de la mousse à raser, du dentifrice et des déodorants pour de grandes marques bien connues du public. Les installations, qui fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comptent plus de 1000 travailleurs. En tout, l’entreprise, dont le siège social est à Longueuil, emploie 4800 personnes dans ses 10 usines en Amérique du Nord. L’an dernier, elle avait 200 clients et fabriquait les produits de 300 marques.

DRUMMONDVILLE

TAMPONS ET SERVIETTES HYGIÉNIQUES
FEMPRO

Souvent qualifiée de « fleuron drummondvillois », Fempro a été fondée en 1996 par Sylvie Lemaire, de la même famille qui a créé Cascades. La PME a réussi à s’imposer dans les pharmacies et les grandes surfaces avec sa gamme Incognito. Elle fabrique aussi les marques privées de certains détaillants. L’usine de 185 000 pi2 emploie 150 personnes. Elle appartient depuis 2015 à la multinationale américaine First Quality.

18 000 postes vacants

À moins d’y travailler, on ne visite pas les quartiers industriels. Alors il est facile d’oublier qu’ils sont encore remplis d’usines qui fabriquent toutes sortes de choses, vendues ici et ailleurs dans le monde. Discussion sur notre industrie manufacturière avec la PDG des Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), Véronique Proulx.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Véronique Proulx, PDG des Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Est-ce qu’il y a encore de nouvelles usines qui se construisent au Québec ?

Oui, il y a encore de la construction, mais je dirais que le secteur est plutôt dans une phase de croissance et de consolidation. Les entrepreneurs vont investir dans leurs usines actuelles pour accroître leur productivité. Les ventes augmentent à l’international et, pour répondre à la demande, on cherche à s’automatiser davantage. Mais il n’y a pas beaucoup de start-up dans le secteur manufacturier.

LE CHIFFRE

On dénombre 23 981 usines au Québec.

Est-ce qu’on peut quand même dire que l’industrie manufacturière du Québec est en santé ?

Le secteur va bien. Les ventes à l’international sont en croissance, ce qui est un signe positif. Ça démontre la vitalité du secteur. Pendant de nombreuses années, ce fut un secteur mal-aimé, mais ces dernières années, le gouvernement du Québec a compris son importance pour la croissance économique de la province et il investit beaucoup d’efforts et d’argent pour stimuler la croissance. Mais il y a de grands défis, dont le plus important est le manque de main-d’œuvre.

LES CHIFFRES

En 2018, les exportations québécoises ont totalisé 36,3 milliards de dollars, une somme qui a été surpassée cette année en seulement cinq mois, selon l’Institut de la statistique du Québec. Nos exportations, à la fin demai, s’élevaient déjà à 36,7 milliards, avec un bond marqué des ventes d’aéronefs, en raison notamment de l’augmentation de la cadence de production des A220 par Airbus à Mirabel.

Pensez-vous que la décroissance du nombre de travailleurs dans les usines pourrait être stoppée ?

Il y a 18 000 postes vacants actuellement et les entreprises n’arrivent pas à trouver de la main-d’œuvre ici au Québec. […] Est-ce qu’on va revenir au taux d’avant ? On pourrait. C’est possible, c’est réaliste si les entreprises investissent massivement dans l’automatisation et la robotisation. Pourquoi ? Ça va augmenter leur compétitivité à l’échelle internationale, elles vont aller chercher plus de contrats et elles vont créer davantage d’emplois.

LES CHIFFRES

En 2018, le secteur manufacturier employait 488 260 personnes. Cela correspond à 11,4 % des travailleurs dans la province. Il y a une décennie, on dénombrait 533 300 personnes dans les usines, soit environ 45 000 de plus qu’aujourd’hui.

Les salaires augmentent-ils à cause de la pénurie de main-d’œuvre ?

Il y a une pression à la hausse, ça, c’est certain. Les entreprises ont augmenté leurs salaires pour être compétitives. Pour les PME, c’est très difficile de concurrencer les grands donneurs d’ordre. Elles vont donc offrir d’autres avantages pour attirer et retenir les travailleurs. Elles vont offrir davantage de vacances, des mesures de conciliation travail-famille comme le travail à la maison. J’ai vu une usine qui avait un local aménagé pour les enfants quand les parents sont mal pris. J’ai même vu une entreprise sur une route de campagne avoir une pompe à lave-glace parce que, dans cette région, il en faut beaucoup vu les chemins de terre.

LES CHIFFRES

Le salaire horaire dans le secteur de la fabrication de biens était de 25,50 $ en 2018 (+ 2,2 % par rapport à 2017), ce qui est similaire à la moyenne québécoise tous secteurs confondus (25,40 $ l’heure, + 1,8 % par rapport à 2017).

Quel est le mythe que vous entendez le plus souvent au sujet de votre secteur d’activité ?

Ça touche la main-d’œuvre. On croit que c’est en déclin, que c’est lourd, sale, pas fait pour les femmes ni les jeunes. C’est ça, la perception de monsieur et madame Tout-le-Monde. Et c’est ce qui fait que les jeunes sont très peu présents. Alors que le secteur offre de bons emplois bien payés. Et c’est un secteur qui s’est transformé. Il y a des usines hautement automatisées qui offrent des emplois stimulants.

On ne peut quand même pas nier le déclin du nombre de travailleurs…

C’est vrai qu’avec la concurrence internationale et la Chine, on n’est plus compétitifs dans la production de masse. Mais le secteur manufacturier, surtout au Québec, va faire des produits haut de gamme, de niche et sur mesure pour être concurrentiel face aux marchés qui n’ont pas cette flexibilité, cette agilité. La PME est capable de se virer de bord facilement.

Nos usines emploient de moins en moins de femmes. C’est une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Une mauvaise nouvelle. C’est pour ça qu’on a lancé l’initiative pancanadienne Women in Manufacturing. Au Québec, on est en train de mettre en place Femmes 4.0 avec le CRIQ [Centre de recherche industrielle du Québec] et Investissement Québec. C’est une initiative qui vise à faire augmenter le nombre de femmes dans le secteur à tous les niveaux.

LES CHIFFRES

En 2018, il y avait 25,9 % de femmes dans le secteur de la fabrication de biens, selon l’Institut de la statistique du Québec. Il s’agit d’un recul de 2,5 points en 10 ans.