Moins de marketing ratoureux. Plus de service à la clientèle. Il est temps que les agences de crédit arrêtent de faire de l’argent sur le dos des victimes de vol d’identité et leur offrent une protection gratuite et efficace contre la fraude.

En ce sens, les consommateurs peuvent se réjouir de l’annonce du ministre des Finances du Québec Eric Girard, qui a dévoilé hier son intention d’encadrer les agences de crédit, comme dans les autres provinces, et même d’offrir le « gel de crédit », ce qui serait une première au pays.

Bravo ! Il est grand temps de réglementer Equifax et TransUnion, deux entreprises américaines qui gèrent dans l’obscurité toutes les données financières névralgiques des consommateurs canadiens.

Ce sont nos données ! Elles nous appartiennent !

Je ne vois pas pourquoi il faudrait payer pour y avoir accès, sous une forme ou une autre. Pourtant, les agences de crédit offrent avec beaucoup d’insistance une brochette de services coûteux qui sont plus ou moins utiles aux consommateurs.

Jugez vous-même…

Comme 2,9 millions de membres du Mouvement Desjardins, Denis Giguère s’est fait dérober ses données personnelles. Après s’être inscrit au service de surveillance de crédit offert gratuitement par la coopérative, il a reçu une alerte d’Equifax qui l’a inquiété.

Dans un courriel, l’agence de crédit le prévenait que sa cote avait été réduite. M. Giguère a téléphoné à quatre reprises au numéro figurant dans le courriel, sans jamais obtenir la ligne.

Même s’il avait peur de mordre à l’hameçon d’un fraudeur, il a finalement cliqué sur le lien fourni dans le courriel. À son grand étonnement, il a abouti sur une page où Equifax faisait la promotion de ses abonnements variant entre 11,95 $ et 29,95 $ par mois.

Comme c’est étrange ! Aucune explication sur le motif de l’alerte de crédit. Juste une invitation à s’abonner à un nouveau service.

« Je trouve cette tactique de marketing assez dégoûtante dans les circonstances », se plaint M. Giguère, qui n’est pas le seul client à avoir reçu ce lien.

Equifax explique qu’il s’agit d’une erreur qui sera réparée rapidement. « Nos alertes ne mènent généralement pas à une page promotionnelle », m’a expliqué le porte-parole, Tom Carroll. Normalement, le client est dirigé vers une page où il peut se connecter à son compte pour obtenir des détails sur l’alerte.

Mais cela reste stressant et déconcertant.

« Les gens ne sont pas habitués. Quand ils reçoivent une alerte, ils pensent qu’ils ont été fraudés. Dans la majorité des cas, ce n’est pas ça », assure Chantal Corbeil, porte-parole de Desjardins.

Si Equifax employait le terme « notification » au lieu d’« alerte », déjà, les gens paniqueraient moins. Mais la communication avec la clientèle, francophone en particulier, ne semble pas le fort d’Equifax.

Desjardins est donc en train de préparer un document pour expliquer elle-même à sa clientèle les différents types d’alertes d’Equifax.

Parfois, il s’agit d’une variation de la cote de crédit qui peut résulter d’une foule de facteurs (nouvelle demande de crédit, augmentation de l’utilisation des limites, etc.).

Parfois, il s’agit d’un banal changement dans les données personnelles (adresse, numéro de téléphone) que le consommateur a fait auprès d’un créancier.

Et parfois, il s’agit d’une demande frauduleuse de crédit. Mais dans ce cas, le client risque de le savoir trop tard.

Les services de surveillance de crédit ne sont pas blindés, malgré leur coût élevé. À 19,95 $ par mois, il faut débourser 240 $ par année. Multipliez par deux, car il faut être inscrit aux deux agences, et vous arrivez à 480 $.

Mais ce service ne fait que vous avertir qu’une demande de crédit potentiellement frauduleuse a été faite en votre nom. Le fraudeur peut avoir dépensé beaucoup d’argent avant que vous ayez eu le temps de réagir.

Pour réellement bloquer les tentatives de fraudes, il faut s’inscrire au service d’« alerte aux prêteurs » des deux agences de crédit. Ce service est moins coûteux et plus ciblé que la surveillance de crédit.

Le service d’alerte aux prêteurs indique aux institutions financières de communiquer avec vous lorsqu’elles reçoivent une demande de crédit à votre nom, permettant ainsi de confirmer qu’il ne s’agit pas d’une fraude.

C’est simple comme bonjour… mais malheureusement imparfait, car les prêteurs ne sont pas obligés de vous téléphoner, comme c’est le cas dans certaines provinces. Devrait-on leur emboîter le pas ?

Mieux vaut miser sur le « gel de crédit » comme l’a annoncé la Coalition avenir Québec et comme l’ont fait les États-Unis l’année dernière dans la foulée du vol de données de 143 millions de clients d’Equifax.

Cette solution a le mérite de redonner le contrôle de leur dossier aux consommateurs. Les personnes qui sont à risque de fraude peuvent verrouiller complètement leur dossier, ce qui fait en sorte que personne ne peut le consulter ni faire de demande de crédit, même pas eux. Toutefois, les consommateurs peuvent demander un déverrouillage temporaire, quand ils doivent faire une nouvelle demande.

Espérons que Québec importera cette solution qu’Equifax offre gratuitement à nos voisins américains.

Mais il ne faudrait pas s’arrêter là ! Tant qu’à encadrer les agences de crédit, attaquons-nous aussi à d’autres enjeux.

Des exemples ?

Il n’est pas normal que notre dossier de crédit serve à toutes les sauces : assurance automobile, recherche d’emploi, marketing en tout genre…

Il est insensé que les dossiers de crédit soient bourrés d’erreurs et que les consommateurs aient du mal à les faire corriger.

Il est impensable que les commerçants puissent menacer un client d’entacher son dossier de crédit pour le forcer à payer un compte sur lequel il est en désaccord.

Bref, il y a du pain sur la planche.

Lisez « Se protéger des fraudeurs en trois règles d'or »