Si le gouvernement décide d’imposer la consigne des bouteilles de vin et spiritueux, la Société des alcools du Québec (SAQ) l’acceptera. Mais la direction de la SAQ prévient qu’il lui sera carrément « impossible » de le faire dans ses succursales, puisqu’elle n’a pas l’espace requis.

Devant la commission parlementaire qui étudie les enjeux du recyclage et de la valorisation locale du verre, lundi, la présidente et chef de la direction de la Société des alcools, Catherine Dagenais, a causé une certaine surprise en annonçant que la SAQ serait maintenant prête à accepter la consigne des bouteilles de vin et spiritueux si le gouvernement en décidait ainsi.

Elle s’est toutefois empressée de souligner que les points de collecte de ces bouteilles vides devraient être ailleurs que dans les 404 succursales de la SAQ, qui n’ont pas l’espace pour recueillir les bouteilles qu’elles vendent.

« Si, demain matin, le gouvernement me demandait de le faire, dans le contexte actuel de nos succursales, dans un contexte aussi respectable de santé et sécurité au travail, on ne pourrait pas, on n’a pas l’espace », a prévenu Mme Dagenais.

« C’est impossible »

Quand le député libéral Gregory Kelley a conclu à voix haute qu’il comprenait que cela représenterait pour elle « un défi » et que ce ne serait « pas impossible » d’avoir « un gros bac bleu », elle lui a répliqué que « c’est impossible » de le faire dans les succursales de la SAQ.

Pour pouvoir recueillir les bouteilles vides à la SAQ, il faudrait agrandir les succursales, a fait valoir Mme Dagenais. Or, les SAQ sont locataires, souvent dans des centres commerciaux, et signent des baux de 10 ou 15 ans.

« Le réseau de la SAQ ne serait pas optimal pour accueillir les points de collecte. Nos succursales dont la superficie est de plus en plus limitée n’ont pas l’espace requis pour reprendre 100 % de notre inventaire qui, rappelons-le, représente environ 200 millions de bouteilles par année », a objecté Mme Dagenais.

La Société des alcools adopte déjà la pratique de gestion du « Just in time », ce qui fait qu’elle n’entrepose pas de bouteilles à moyen ou long terme et ne garde pas plus que l’équivalent d’une semaine ou deux d’approvisionnement, a souligné la dirigeante.

Le député péquiste Sylvain Gaudreault s’est étonné du fait que les syndicats des travailleurs de la SAQ, à la FTQ et à la CSN, « sont plus prêts à traiter les bouteilles consignées que la direction ». Ceux-ci font effectivement campagne pour la consigne depuis longtemps.

D’autres ont fait valoir que les consommateurs seraient moins enclins à rapporter leurs bouteilles vides si le lieu d’achat n’est pas le même que le lieu où ils les rapportent.

De même, si le consommateur doit parcourir quelques kilomètres en voiture pour rapporter ses bouteilles vides, la consommation d’essence générera des gaz à effet de serre — ce qui contrera l’effet environnemental escompté.

Recyc-Québec

À son tour, Recyc-Québec a plaidé pour une coexistence de la consigne et de la collecte. « Si on doit choisir collecte sélective ou consigne, c’est là que nous, on ne veut pas aller. S’il y a de la frilosité, c’est de dire c’est un ou l’autre », a conclu la présidente-directrice générale, Sonia Gagné.

Le verre représente 13 % du contenu du bac bleu, a-t-elle précisé.

Mme Gagné a aussi estimé que « stimuler les débouchés (pour le verre de la collecte sélective) est une partie de la solution ».

La FTQ

La FTQ, qui représente à la fois des travailleurs dans la fabrication du verre — 360 travailleurs chez Owens Illinois, à Montréal — ainsi qu’à la SAQ et dans la collecte des matières résiduelles et des déchets, a plaidé pour la consigne et pour que ce soit la SAQ qui en ait la responsabilité.

La FTQ souligne que les contenants de verre qui se retrouvent dans la collecte sélective se brisent souvent dans le transport — ce qui représente un risque de blessure pour les travailleurs — en plus de détériorer les équipements de tri et d’être contaminés par les autres matières. Lorsque la pureté est affectée, la valeur marchande est réduite, a rappelé la centrale syndicale.

La FCEI

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui représente des PME, a au contraire plaidé pour le maintien de la collecte sélective. « Pourquoi réparer quelque chose qui n’est pas brisé ? »

La collecte sélective « rejoint déjà 99 % des Québécois et est bien ancrée dans leurs habitudes depuis plus de 20 ans. Ce système semble déjà être l’instrument tout désigné pour récupérer les contenants de boissons qui n’ont qu’un usage unique », a affirmé la FCEI.