(Washington) La Banque centrale américaine, sous la pression constante de Donald Trump pour stimuler l’économie, a réduit ses taux d’intérêt pour la première fois en 11 ans mercredi, mais a eu du mal à justifier ce retour à une politique accommodante alors que l’économie américaine se porte bien.

Le patron de l’institut d’émission, Jerome Powell a expliqué que la banque prenait une « assurance » sur l’avenir face aux « incertitudes » pesant sur l’économie mondiale, mais aussi la faiblesse « persistante de l’inflation ».

La Fed a réduit les taux directeurs d’un quart de point de pourcentage pour les fixer dans la fourchette de 2 % à 2,25 %.  

Mardi encore, Donald Trump avait réclamé une baisse des taux « forte », la dernière attaque en date du président contre une institution qu’il accuse de freiner la croissance et de brider la hausse de Wall Street.

M. Powell s’est défendu lors d’une conférence de presse d’avoir cédé à la pression de la Maison-Blanche. « Nous ne prenons jamais en compte les considérations politiques. Nous ne menons pas une politique monétaire en vue de prouver notre indépendance », a-t-il déclaré.

Le Comité monétaire a laissé la porte ouverte à un nouveau geste affirmant qu’il agirait de « manière appropriée pour soutenir la croissance ».   Sur ce point, M. Powell a semé quelque peu la confusion en affirmant à la fois que la Fed n’abordait pas « un long cycle » de baisses et en soulignant ensuite que d’autres réductions n’étaient pas exclues.

La Fed avait resserré le loyer de l’argent quatre fois d’un quart de point de pourcentage l’année dernière, mais elle considère maintenant que la faiblesse de la croissance mondiale et que l’inflation résolument basse exigent une politique monétaire plus accommodante.

Si la politique monétaire a changé, la perception qu’a le Comité monétaire de la conjoncture américaine et mondiale a peu évolué par rapport à la dernière réunion il y a six semaines, si l’on compare les deux communiqués publiés à l’issue de ces réunions.

M. Powell a même décrit une économie « proche de ce que l’on souhaite ». « Les perspectives sont aussi bonnes », a-t-il assuré suscitant alors plusieurs questions de journalistes sur les raisons qui ont poussé la Fed à baisser les taux, une mesure destinée en général à juguler un ralentissement économique.

Les gains d’emplois restent « solides », la progression des investissements des entreprises est « molle » et l’inflation « demeure sous la cible de 2 % ».  

La Réserve fédérale a aussi décidé d’arrêter, deux mois plus tôt que prévu, la réduction de son bilan et le délestage des bons du Trésor qu’elle détient.

Cette diminution de ses investissements dans les obligations d’État avait pour effet implicite de tirer légèrement les taux d’intérêt à la hausse, ce qui irritait notamment le président Donald Trump, prompt à se plaindre du renchérissement du coût du crédit.

Le bilan de la Fed devrait ainsi s’établir autour de 3800 milliards de dollars au lieu de 4500 milliards fin 2017 lorsqu’il était à son sommet et que la Banque centrale avait acquis massivement des actifs financiers pour doper la reprise.  

Pressions

Tout en défendant son indépendance, la Fed agit finalement dans le sens de ce que n’a cessé de réclamer le président Trump.  

L’hôte de la Maison-Blanche, qui brigue un deuxième mandat, veut des taux bas qui favorisent le consommateur, diminuent le coût de la dette et dopent le Dow Jones à Wall Street.

La décision de la Fed n’a pas fait l’unanimité au sein du Comité monétaire. Deux membres de la Fed se sont prononcés contre la décision, Esther George de la Fed de Kansas City et Eric Rosengren de celle de Boston. Ils auraient préféré maintenir les taux en l’état.

Plusieurs économistes craignent qu’une baisse des taux ne stimule indûment l’économie, en renforçant les risques d’une bulle financière, notamment du côté des emprunts des entreprises, ou en faisant resurgir l’inflation.

C’est la première fois, depuis que Jerome Powell est à la tête de l’institution depuis début 2018, que le Comité monétaire est si divisé.

Si l’inflation est stagnante à 1,4 %, la croissance économie américaine est encore solide à 2,1 % au 2e trimestre et le taux de chômage est proche de son plus bas niveau depuis cinquante ans (3,7 %).

Onze ans après la crise financière, la Banque centrale américaine rejoint ainsi les autres grandes banques centrales du monde dans leur politique accommodante.

La Banque centrale européenne, qui a maintenu les taux à zéro, a ouvert la voie la semaine dernière à une série de remèdes anti-crise, allant d’une ou plusieurs baisses de ses taux à une possible reprise de ses rachats de dette, en brossant un tableau sombre des perspectives économiques en zone euro.

Quant à la Banque du Japon, elle continue de reconduire sa politique monétaire ultra-accommodante.