L’économie de l’Allemagne s’est probablement contractée au deuxième trimestre, plombée par la guerre commerciale tous azimuts déclenchée par les Américains. L’Europe en entier risque la panne.

L’été a mal commencé pour la plus grande économie d’Europe. En l’espace d’une semaine, au début juillet, trois fleurons industriels de l’Allemagne ont annoncé de très mauvaises nouvelles à leurs employés et à leurs actionnaires.

La Deutsche Bank, plus grande banque du pays, a ouvert le bal en décrétant 18 000 licenciements, soit les pires compressions de son histoire.

Le lendemain, la BASF, numéro un mondial de la chimie, revoyait « considérablement » à la baisse ses objectifs de bénéfices pour 2019, deux semaines après avoir annoncé une suppression de 6000 postes.

Quelques heures plus tard, le constructeur automobile Daimler (Mercedes-Benz) prévenait ses actionnaires – pour la deuxième fois en trois semaines – de la détérioration à venir de ses résultats.

Sans oublier que BMW (automobile) et Lufthansa (transport aérien) avaient aussi préparé tout le monde au printemps à des jours difficiles.

« Il y aura beaucoup d’autres avertissements sur les résultats d’ici la fin de l’année », prévient l’économiste Ferdinand Duden Höfer, de l’Université de Duisbourg et Essen, cité par l’agence Reuters. « Aucun grand groupe n’est à l’abri. »

Face à l’évidence, la banque centrale de l’Allemagne, la Bundesbank, a décidé de dire à voix haute ce que beaucoup redoutaient en silence : l’économie allemande s’est probablement contractée au deuxième trimestre qui vient de se terminer.

Le verdict officiel (de l’agence nationale Destatis) tombera à la mi-août. Le cas échéant, il suffirait d’une autre baisse du PIB durant le trimestre en cours, ce qui est probable selon les économistes, pour que la quatrième économie mondiale soit officiellement en récession.

Une guerre coûteuse

Essentiellement, l’Allemagne souffre aujourd’hui de ce qui faisait sa force hier : son industrie imposante et sa dépendance aux marchés internationaux.

Le secteur industriel génère plus de 23 % du PIB du pays, alors que les exportations représentent pas moins de la moitié de l’économie.

Or, la guerre commerciale que les États-Unis ont déclenchée contre la Chine et l’Europe, avec l’imposition de tarifs douaniers sur une foule de produits exportés, a tout fait basculer.

L’industrie automobile allemande en souffre particulièrement.

Déjà touchée l’automne dernier par de nouvelles normes antipollution en Europe, l’automobile allemande est heurtée de plein fouet par les tensions commerciales avec les États-Unis, mais aussi par la crise du Brexit au Royaume-Uni.

Près d’une voiture allemande exportée sur trois est en effet destinée à ces deux pays.

Dans ce contexte, le moral des chefs d’entreprises est au plus bas depuis des années.

L’indice du climat des affaires de l’institut Ifo – un baromètre très suivi – est ressorti en baisse pour le quatrième mois d’affilée, à 95,7, un creux en plus de six ans, a-t-on appris la semaine dernière.

L’indicateur économique allemand le plus important suggère que l’économie s’oriente vers une récession.

Thomas Gitzel, analyste de la VP Bank, dans une note financière

« Dans le secteur manufacturier, le climat des affaires est en chute libre », rajoute l’institut Ifo dans son rapport.

Heureusement, les consommateurs allemands tiennent bon, du moins jusqu’à maintenant.

Au premier trimestre, la consommation a crû de 1,2 %, son rythme le plus élevé depuis huit ans, souligne une analyse de la banque UBS. Alimenté, entre autres, par un taux de chômage historiquement bas (5 % en juin), ce moteur pourrait néanmoins s’enrayer en cas de dégradation de l’emploi.

À cet égard, la menace est bien réelle. L’institut Ifo a récemment signalé que 8,5 % des industriels envisagent de recourir au chômage partiel au cours des trois prochains mois. Un tel niveau n’avait pas été répertorié depuis 2013.

La BCE intervient

En somme, l’Allemagne a un pied dans la récession et l’autre sur une pelure de banane. Face à un scénario aussi sombre, la Banque centrale européenne (BCE) ne pouvait demeurer les bras croisés.

Jeudi dernier, la BCE a ouvert la voie à de futures baisses des taux d’intérêt, déjà à un creux historique, ce qui surviendra probablement en septembre. La banque pourrait aussi réactiver son programme de rachat de dettes, une mesure exceptionnelle visant essentiellement à injecter des milliards d’euros dans le système financier.

Abaisser encore les taux, en Europe, est pourtant une stratégie quasi surréaliste. Car cela signifie que la BCE devra ramener encore plus bas le taux « de dépôt » des banques… qui est déjà négatif, soit à - 0,40 %. Un tel taux revient à taxer les banques pour les liquidités qu’elles confient à la banque centrale au lieu de les prêter aux entreprises et aux consommateurs. Une sorte de pénalité pour les prêteurs… qui ne prêtent pas assez.

Autrement dit, la BCE ouvre toutes grandes les vannes pour requinquer l’économie européenne.

Geste de prudence ? Réaction de panique ? L’avenir nous le dira.