(Ottawa) L’abandon du tronçon Montréal-Québec serait bénéfique pour le projet de VIA Rail d’un train à grande fréquence dans le corridor Québec-Toronto, indique un document interne du gouvernement fédéral.

Étiqueté secret, ce document a été obtenu par La Presse canadienne en vertu de la Loi d’accès à l’information.

La publication de cette note intervient à un moment où VIA cherche à obtenir du soutien financier pour la construction de nouvelles lignes ferroviaires qui permettraient d’offrir une plus grande fréquence des trains, de réduire la durée des trajets et de séparer les activités ferroviaires de transport de passagers et de marchandises.

Une évaluation réalisée pour le compte de Transports Canada juge que l’inclusion d’un tronçon entre Montréal et Québec nuirait à la rentabilité du projet, selon un document d’information préparée au début de l’année pour le sous-ministre des Finances, Paul Rochon.

Cette étude, réalisée par la firme EY, recommande que le tronçon québécois fasse l’objet d’un nouvel examen « en raison de son coût en capital élevé et de ses résultats médiocres sur le plan opérationnel », peut-on lire dans le document fédéral.

Une des clés de la réussite du projet consiste à trouver un moyen de le rendre plus attrayant pour les investisseurs du secteur privé.

Le document explique que VIA a présenté une argumentation optimiste pour son projet de train à haute fréquence.

« Via prévoit que le projet récupérera ses coûts en capital et générera un excédent net le long de son réseau entre Toronto et Québec en raison d’une augmentation substantielle de l’achalandage et des revenus », indique la note de synthèse remise à M. Rochon.

Selon l’étude, le projet nécessite des dépenses de 4,4 milliards, dont 1,14 milliard pour le tronçon Montréal-Québec. Afin de le financer complètement, VIA devra aussi trouver un investissement privé. L’entreprise devra assurer à ces investisseurs potentiels que leur projet leur permettra de gagner de l’argent.

Une porte-parole de VIA Rail, Marie-Anna Murat, a indiqué par courriel que les études citées dans la note de service semblaient faire référence à la proposition initiale soumise par VIA Rail au gouvernement en 2016.

Elle a ajouté que cette étude n’a pas été menée pour VIA.

Parvenir à réaliser un bénéfice serait tout un retournement de situation pour la société d’État.

Par exemple, dans son rapport annuel de 2018, VIA reconnaissait que son service Montréal-Ottawa-Toronto avait enregistré un déficit de près de 93 millions après avoir transporté en moyenne environ 49 000 passagers par semaine.

Le déficit du service entre Québec, Montréal et Ottawa s’est élevé à près de 24 millions, l’an dernier. Environ 17 000 personnes en moyenne empruntaient ce train chaque semaine.

Peu rentable

Selon Matti Siemiatycki, un professeur de l’Université de Toronto, les recherches ont démontré que les lignes ferroviaires à haute fréquence et à haute vitesse ne recouvrent que rarement leurs coûts d’investissement et d’exploitation.

Il croit que l’analyse de VIA est très optimiste.

M. Siemiatycki concède que l’entreprise se retrouve dans « une situation difficile ». Il la félicite pour avoir tenté de trouver un moyen de faire avancer le projet. Celui-ci présente de bons arguments d’un point de vue environnemental et social, mais il demeure difficile de le définir comme une bonne occasion d’affaires.

« Il sera intéressant de voir si elle peut trouver des investisseurs qui vont réellement risquer leur propre capital privé sur ce qui semble être une proposition à risque assez élevé », a-t-il dit.

Le document d’information fédéral cite également une analyse distincte précédente, selon laquelle le projet à haute fréquence pourrait réduire la dépendance de VIA au financement public dans le corridor, surtout si seule la partie Toronto-Ottawa-Montréal était complétée.

Il y a quelques semaines, le gouvernement a annoncé qu’il donnerait à VIA, une somme de 71 millions afin de lui permettre de mieux analyser la rentabilité du projet. Une partie du financement proviendra de la Banque canadienne d’infrastructure.

Rectificatif : Dans une version précédente, La Presse canadienne a rapporté que le service Montréal-Ottawa-Québec avait enregistré un déficit de près de 93 millions ; il s’agit en fait du service Montréal-Ottawa-Toronto