Le moins qu’on puisse dire, c’est que les tensions sont vives entre le Canada et la Chine.

En début de semaine, les transformateurs canadiens de viande ont été frappés par une interdiction totale d’exportation, eux qui vendent pour 596 millions aux Chinois annuellement. Cette interdiction suit celle qui a frappé l’industrie canadienne du canola, en mars.

Et hier, une agence de presse a rapporté que deux avions militaires chinois avaient frôlé un navire de guerre canadien dans la mer de Chine orientale, soulevant des interrogations.

Toute cette tension, c’est connu, provient de l’arrestation par le Canada, en décembre 2018, de Meng Wanzhou, vice-présidente du conseil d’administration de Huawei, géant chinois de la technologie. Les tribunaux canadiens doivent déterminer si nos règles permettent que la femme d’affaires soit extradée aux États-Unis, comme notre voisin américain le demande.

D’ici là, la Chine emploie tous les moyens pour exercer de la pression sur le Canada, ayant notamment arrêté deux prétendus espions canadiens sur le sol chinois. Bref, le diable est aux vaches…

Dans ce contexte, il est bon de se demander quelle importance revêt la Chine dans notre économie. Et quels sont les principaux secteurs en jeu.

À ce sujet, Statistique Canada a récemment fait une analyse qui indique quelle part de notre économie est contrôlée par les étrangers, notamment par les Asiatiques et les Chinois. J’ai complété le portrait avec des données sur les exportations et les importations entre le Canada et la Chine, fournies par l’économiste Matthieu Arseneau, de la Banque Nationale.

Premier élément : les sociétés étrangères — toutes origines confondues — détenaient des actifs au Canada totalisant 2000 milliards de dollars canadiens en 2016 (l’année la plus récente disponible). Le chiffre de Statistique Canada paraît très gros, mais les actifs totaux au Canada le sont aussi, si bien que ces 2000 milliards détenus par les étrangers représentaient 16,2 % du total canadien en 2016. De plus, cette proportion de 16,2 % est la plus basse depuis que des données de l’agence sont colligées, le sommet ayant été atteint en 2007 (21,6 %), avant la crise financière.

Maintenant, où se situent les Asiatiques dans ce portrait, en particulier les Chinois ? Sur ces 2000 milliards, 12,3 % sont détenus par des intérêts asiatiques, provenant principalement du Japon (5 %) et de la Chine (2 %). Les principaux détenteurs étrangers d’actifs canadiens viennent évidemment du continent américain (54 %).

Bref, les Chinois détiennent seulement 2 % des 2000 milliards de dollars d’actifs, soit environ 40 milliards, on est donc loin de l’envahissement chinois. Néanmoins, constate Statistique Canada, la Chine constitue le pays qui connaît la plus forte croissance.

En 2007, la Chine ne détenait pratiquement rien au Canada (0,05 % des actifs détenus par des étrangers) et cette part a progressivement grimpé jusqu’à 2 % en 2016. Les Asiatiques, pris globalement, ont aussi haussé leur part (de 7,6 % à 12,3 % du total), tandis que les Américains et les Européens sont en baisse.

Que détiennent-ils au juste ? L’étude de Statistique Canada ne le précise pas pour la Chine en particulier, mais elle le fait, en revanche, pour l’ensemble des intérêts asiatiques au Canada. Sans surprise, c’est le secteur des ressources et des mines qui occupe la position de tête (36 %), suivi du secteur financier (28 %).

Cela dit, les tensions entre le Canada et la Chine risquent probablement de frapper davantage le commerce avec la Chine. On le constate avec le porc et le canola, notamment.

Depuis 10 ans, faut-il savoir, nos entreprises font de plus en plus affaire avec la Chine. Nos exportations vers la Chine ont presque triplé sur cette période, atteignant 29 milliards en 2018. Ces exportations représentent 5 % du total de nos exportations, deux fois plus qu'en 2008.

Les importations de produits chinois au Canada, cela dit, demeurent nettement plus importantes (46,4 milliards en 2018), ce qui entraîne un déficit commercial pour le Canada de quelque 17,3 milliards en 2018, selon des données de Statistique Canada utilisées pour le calcul de la balance des paiements.

La nature des produits est révélatrice et, disons, quelque peu inquiétante. Le Canada exporte surtout des ressources vers la Chine, tandis qu’il importe essentiellement des produits électroniques.

Plus précisément, les principales industries canadiennes qui exportent vers l’empire du Milieu sont dans les secteurs des pâtes et papiers, de la culture des plantes oléagineuses, de la culture du soja ou encore des scieries, notamment. L’industrie de la construction de voitures vient au 6e rang et d’autres suivent, comme le minerai de fer, l’or, le charbon.

À l’inverse, les Chinois nous vendent du matériel informatique, téléphonique et de télédiffusion, notamment. Au 4e rang vient l’industrie de la fabrication de poupées et de jouets, et au 5e, celle des vêtements pour femmes.

Dit autrement, on leur vend nos ressources et on achète leurs produits transformés grâce à ces ressources (et grâce à leurs faibles coûts de main-d’œuvre). Heureusement que le Canada continue de faire de la conception de produits et du génie…

En somme, bien que nos échanges avec la Chine ne soient pas énormes, ils sont en bonne croissance et il est à souhaiter que le différend se règle favorablement.