(Washington) Le regain d’attention porté par Donald Trump sur ce qu’il appelle des taux de change « injustes » pourrait annoncer le nouvel épisode d’une guerre des monnaies, susceptible d’éprouver davantage l’économie mondiale.  

Selon un projet du département du Commerce, les États-Unis pourraient imposer des droits de douane punitifs à tout pays qui, d’après eux, affaiblit sa monnaie afin de rendre ses exportations moins chères que les produits américains.

Et, comme le montre l’attaque de Donald Trump contre le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi mardi, des mesures courantes de politique monétaire pourraient désormais susciter des représailles américaines. Dans un tweet, l’hôte de la Maison-Blanche avait accusé « Mario D », en voulant stimuler l’économie de la zone euro, de vouloir faire chuter l’euro par rapport au dollar.

Des économistes ont averti que cette attitude risquait d’ouvrir la porte à une guerre monétaire mondiale préjudiciable à tout le monde.

Brandie par le secrétaire au Commerce Wilbur Ross, considéré comme le tenant d’une ligne dure sur les échanges, cette menace pourrait exposer Washington à des représailles, si la Réserve fédérale (Fed) baissait à son tour les taux d’intérêt comme le veut Donald Trump.

Les banques centrales réduisent en général les taux pour stimuler une économie ralentie. Cela tend également à affaiblir le taux de change, ce qui en retour dope les exportations et l’activité.

Mark Sobel, un ancien responsable du Trésor sous les administrations républicaine et démocrate, a affiché de « sérieuses réserves » sur la nouvelle proposition. « L’administration attache à juste titre une grande importance à la lutte contre les pratiques monétaires préjudiciables pour l’économie et les travailleurs américains », a-t-il déclaré dans un mémoire adressé au département du Commerce. Mais, selon lui, la proposition est « fondamentalement viciée » et pourrait s’avérer « contre-productive ».

Légalité douteuse

Au fil des ans, gouvernements et législateurs républicains comme démocrates ont proposé de s’en prendre aux pays qui manipulent leur taux de change pour être plus compétitifs dans les échanges mondiaux.  

Mais ces efforts, — visant principalement la Chine — ont la plupart du temps été battus en brèche en partie parce qu’ils étaient perçus comme violant les règles du commerce mondial.

Paradoxalement, bien que la Chine soit la cible principale du nouveau projet, Pékin n’est pas intervenu sur les marchés des changes ces dernières années, sauf pour empêcher le yuan de chuter.  

Le Trésor américain qui publie une évaluation bisannuelle des manipulations monétaires, n’a pas, depuis le milieu des années 90, officiellement pu accuser la Chine de manipuler sa monnaie.

Désormais, le département du Commerce a décidé de lui retirer le contrôle, en modifiant une règle afin de traiter l’évolution de la monnaie comme n’importe quelle subvention gouvernementale nuisant aux fabricants américains.

Si la règle était approuvée, toute manipulation monétaire serait considérée comme une subvention et le ministère du Commerce pourrait imposer des droits de douane pour compenser un taux de change plus faible par rapport au dollar américain.

La mesure est soumise à des commentaires publics jusqu’au 27 juin. Le gouvernement américain pourra l’appliquer à tout moment par la suite.  

Selon le texte, le département du Commerce s’en remettra au Trésor pour juger si une monnaie est sous-évaluée « sauf si nous avons de bonnes raisons de croire le contraire ». Cette zone grise est un signal d’alarme pour les économistes, car le département du Commerce ne dispose pas des compétences techniques pour effectuer ces évaluations.  

Le plan accorderait à ce ministère « un pouvoir discrétionnaire excessif », selon M. Sobel. Il est également notoirement difficile de calculer objectivement si une monnaie donnée est sous-évaluée et, si c’est le cas, de combien.