(Montréal) Une autre entreprise canadienne — Frigo Royal — est dans la mire de la Chine, qui s’apprêterait à cesser d’accepter temporairement du porc expédié par ce fournisseur québécois au moment où les tensions diplomatiques s’intensifient entre Ottawa et Pékin

Cette fois-ci, la décision serait attribuable à la découverte de ractopamine, un additif alimentaire interdit en territoire chinois, dans une cargaison de langues de porc surgelées expédiée dans la ville de Nanjing, selon l’agence de presse chinoise Xinhua.

«Nous avons été informés par la Chine, a dit mardi la ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, à Ottawa, avant d’entrer au conseil des ministres. Nous n’avons pas de confirmation scientifique que (cette substance) a été trouvée. On fait quand même toutes les démarches.»

Contacté au téléphone, un représentant de Frigo Royal, qui n’a pas voulu être identifié, a indiqué à La Presse canadienne qu’il y avait «une enquête», mais n’a pas voulu fournir plus de détails, avant de mettre fin à l’entretien.

Établie à Saint-Hyacinthe, en Montérégie, l’entreprise offre des services d’entreposage et de distribution ainsi que d’exportation de produits alimentaires. Elle est passée dans le giron de Expedi-Go Transit en février 2018. Sur le site web de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, Frigo Royal figure parmi la liste des titulaires d’une licence d’exportation.

Rare?

Utilisée comme additif à la viande de porc, la ractopamine est interdite en Chine, en Russie et dans les pays de l’Union européenne, mais elle est acceptée au Canada et aux États-Unis.

Au cours d’une mêlée de presse, Mme Bibeau a expliqué que lorsque l’ACIA octroyait un certificat d’exportation, elle «confirme que le produit est conforme aux règles» du pays où il est exporté. Elle a ajouté qu’Ottawa avait des «devoirs» à faire.

Selon les Éleveurs de porcs du Québec, la valeur des exportations de l’industrie québécoise à destination de la Chine a été de 283 millions en 2018. Au pays, c’est 70% de la production qui est destinée à l’exportation.

S’il n’a pas voulu commenter directement la situation entourant Frigo Royal, le directeur des communications des Éleveurs de porcs du Québec, Merlin Trottier-Picard, a expliqué qu’à sa connaissance, «personne au Québec et au Canada n’utilisait de ractopamine pour effectuer de l’élevage».

«C’est une préoccupation de l’industrie au Canada pour s’assurer de pouvoir répondre aux besoins des exigences de l’ensemble de nos marchés d’exportation, a-t-il souligné. En Chine, ils veulent s’assurer d’avoir du porc exempt de ractopamine. On veut répondre à cette préoccupation.»

Une liste qui s’allonge

Néanmoins, la situation concernant Frigo Royal s’ajoute à d’autres mesures apparemment de rétorsion des autorités chinoises après l’arrestation en décembre dernier à Vancouver de Meng Wanzhou, une dirigeante du géant chinois des télécommunications Huawei.

Ottawa et Pékin croisent également le fer au sujet des exportations canadiennes de canola.

«Je ne veux pas spéculer sur les conséquences que cela peut avoir sur nos relations, mais cela n’est définitivement pas une bonne nouvelle», a dit Mme Bibeau.

Au début du mois de mai, la Chine avait également suspendu temporairement les permis d’exportation des producteurs québécois Olymel et Drummond Export, apparemment en raison d’un problème d’étiquetage. Dans le cas d’Olymel, cette décision touche son usine albertaine de Red Deer.

«Notre permis est toujours suspendu, a indiqué Bruno Mussely, directeur du développement international chez Drummond Export. Nous avons présenté un plan d’action à l’ACIA et cela a été remis aux autorités chinoises. Ce n’est pas entre les mains du gouvernement canadien, mais des Chinois.»

Celui-ci a indiqué que l’entreprise de 130 employés établie à Drummondville, dans le Centre-du-Québec, avait été en mesure d’atténuer l’incidence de la décision des autorités chinoises sur ses travailleurs en raison de la «période des vacances».

Parallèlement au dossier du porc, la Chine avait également décidé, en mars, de suspendre les permis d’exportation des producteurs canadiens de canola en affirmant que leur marchandise était contaminée.

Le Canada exporte environ 40% de ses produits de canola en Chine. Les exportations de semences de canola vers la Chine ont atteint une valeur de 2,7 milliards en 2018, selon le Conseil canadien du canola.

L’industrie porcine au Québec :

— Plus de 45% du porc exporté au Canada provient du Québec

— Près de 26 500 emplois dans la filière porcine.

— Contribution de 1,45 milliard au produit intérieur brut du Québec

— En 2016, 80 pays ont importé des produits québécois du porc.

(Source : Éleveurs de porcs du Québec)