Si vous voulez vraiment contrarier un restaurateur, plaignez-vous de ses prix trop élevés. 

Si vous voulez gagner de l’argent en restauration, ne devenez pas chef, ni même propriétaire. Devenez serveur ou barman. 

Si vous cherchez du boulot, allez cogner à la porte des restaurants que vous aimez. À peu près tout le monde est actuellement en manque de personnel. Même en manque criant de personnel.

Et si vous cherchez un emploi à l’extérieur, qui vous gardera sur la route, allez voir les entreprises qui font de la bouffe de rue. Elles cherchent des employés. Actuellement, même les chefs d’entreprise conduisent les camions et préparent les sandwichs. Tout le monde travaille. 

La pénurie de main-d’œuvre est alarmante, partout. Oui, certains restaurants doivent fermer certains jours parce qu’ils n’ont pas assez d’employés.

Voici ce que j’ai entendu, dit et redit et expliqué de mille façons mardi midi, alors que j’étais invitée à écouter une rencontre entre des dirigeants de la société Lightspeed — qui conçoit et vend des logiciels pour les PME dans le monde de la restauration et du commerce de détail — et plusieurs restaurateurs montréalais de différents horizons.

Il y avait notamment Antonin Mousseau-Rivard, propriétaire du Mousso, mais aussi Isabelle Corriveau, du Tendresse, un nouveau restaurant végane du Village, ou Lindsay Brennan, copropriétaire d’Alma à Outremont, Gaëlle Cerf, de Grumman78, Martin Juneau, de Pastaga, et Marie-Josée Beaudoin, de Patrice Pâtissier. La conversation était animée par Christine Plante, fondatrice des Lauriers de la gastronomie. Et Dax Dasilva, grand patron de la société qui est installée à Montréal mais qui est devenue un acteur mondial dans ce secteur, était aussi présent.

Le but de l’opération, qui faisait partie de Lightspeed Connect, un vaste événement réunissant conférences et séances de remue-méninges ?

Voir comment les besoins des entrepreneurs évoluent. Voir ce qu’ils attendent des solutions informatiques qu’on leur propose.

Pour le moment, Lightspeed ne propose pas d’outils et de solutions touchant la gestion des ressources humaines, mais il est clair que les restaurateurs ont besoin d’aide.

Pour recruter, pour gérer le personnel, les horaires. Pour payer tout le monde équitablement. La question de la répartition des pourboires entre la cuisine et la salle a donné lieu à de longs et vifs échanges, Antonin Mousseau-Rivard et Martin Juneau expliquant, tous les deux, qu’ils gagnaient moins que certains de leurs serveurs.

« Le système est obsolète », a lancé Gaëlle Cerf, du Grumman. L’accent mis sur l’importance des pourboires des serveurs vient d’une époque où ils étaient réellement sous-payés en salaires. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, la différence entre la salle et la cuisine n’est plus la même, c’est même inversé. Il faut réajuster le tir. Sauf que les cuisiniers ne peuvent recevoir de pourboires. Peut-être que des représentants de Revenu Québec auraient pu participer à cette discussion ?

Et comment entamer ces changements dans un monde où il y a pénurie de main-d’œuvre ? Comment payer moins les serveurs et plus les cuisiniers, sans perdre ses équipes ? Les restaurants doivent-ils devenir des projets collectifs ? Presque des coops où le résultat du groupe compte plus que le pourboire d’une seule personne ?

Faut-il instaurer un système à la française où le service est toujours compris dans l’addition ?

La conversation a aussi laissé beaucoup de place à la difficulté de trouver des modèles d’affaires rentables. Martin Juneau a expliqué qu’il avait opté pour la multiplication des commerces. Un restaurant, un bar à vin, une épicerie, un camion de cuisine de rue…

Marie-Josée Beaudoin a tenu à souligner qu’une partie des profits était grugée par des acteurs qui prennent une bouchée disproportionnée de l’addition : les cartes de crédit et les entreprises comme Moneris qui relient les commerces avec les cartes de crédit. Une réalité qui a fait dire à Jean-Paul Chauvet, président de Lightspeed, que la répartition de l’argent n’est pas proportionnelle aux efforts investis dans le projet.

En marge de ces échanges, Lighstpeed, par la voix de M. Chauvet, a demandé aux restaurateurs s’ils seraient intéressés par des services d’analyse, en intelligence artificielle, qui leur donnent des données d’affaires sur leurs secteurs. Des tendances, des chiffres, de l’information « digérée » par des algorithmes.

Les restaurateurs présents n’ont pas sauté sur l’idée.

Ce qui leur manque, ce sont des employés prêts à travailler vraiment, demain matin. Et des clients qui cessent de rouspéter contre les prix et qui comprennent que pour bien manger, il faut payer pour de bons produits et des artisans rémunérés décemment.

Ah oui, et ils apprécient qu’on les avertisse quand on annule une réservation. Dès qu’on le sait. Parce qu’une table vide, ça coûte cher.

Un coup de téléphone peut être un petit geste qui vaut beaucoup d’argent, vu de leur tiroir-caisse.