(New York) Plongé dans une crise sans précédent liée à son appareil 737 MAX, l’avionneur américain Boeing pourrait également se retrouver malgré lui au centre des nouvelles tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.

Les représailles de Pékin aux sanctions douanières américaines ont jusqu’alors épargné les commandes d’avions Boeing malgré des menaces publiques de responsables chinois.

Mais le rédacteur en chef du journal Global Times, contrôlé par le gouvernement chinois, a relancé lundi la possibilité que Boeing soit une victime collatérale de la guerre commerciale entre les deux géants.

La Chine « pourrait cesser d’acheter des produits agricoles et énergétiques américains, réduire des commandes Boeing et limiter les services commerciaux américains avec la Chine », a-t-il tweeté.

Cette déclaration a eu un effet immédiat sur l’action Boeing, fleuron industriel et l’un des plus gros exportateurs américains, à la Bourse de New York. Elle perdait 3,69 % vers 15 h 35 GMT.

« Toute réduction importante de commandes serait mauvaise pour Boeing », souligne Scott Hamilton, expert au cabinet Leeham Company, alors que le constructeur aéronautique traverse déjà une crise inédite liée à deux tragédies (346 morts) rapprochées impliquant le modèle 737 MAX.

Boeing a dû suspendre les livraisons de cet avion interdit de vol à travers le monde depuis mi-mars et en a réduit la production. Des incertitudes entourent le calendrier de son retour en service, tandis que cette immobilisation au sol a entraîné une baisse de 700 millions de dollars des exportations américaines en mars.

« Nous sommes confiants sur le fait que les États-Unis et la Chine vont poursuivre leurs négociations commerciales et parvenir à un accord qui soit avantageux aussi bien pour les industriels et les consommateurs américains comme chinois », a immédiatement réagi lundi un porte-parole de Boeing, dont la Chine est une priorité.

Lors des cinq dernières années, près d’un avion commercial sur quatre livré par Boeing l’a été à un groupe chinois, précise l’avionneur américain. Le pourcentage est même d’un 737 MAX sur trois.

La Chine a généré 13,8 milliards du chiffre d’affaires du groupe dont le siège se trouve à Chicago – soit près de 14 % –, en hausse de près de 2 % en un an.

Balle dans le pied

L’achat d’avions Boeing supplémentaires fait en outre partie des négociations en cours entre Pékin et Washington, selon des sources industrielles.

« S’il y a accord entre les États-Unis et la Chine pour résoudre leur querelle commerciale, les avions Boeing devront en faire partie », estime ainsi Richard Aboulafia, expert chez Teal Group.  

Selon cet expert, les avions sont le meilleur moyen pour réduire le déficit commercial américain vis-à-vis de Pékin – l’un des objectifs du président Donald Trump – car les avions civils représentent un poids considérable dans les exportations américaines.

« En d’autres termes, si la Chine décide de ne pas acheter des avions Boeing, c’est clairement un signe de son mécontentement » sur la tournure des négociations avec Washington, avance M. Aboulafia.

Boeing ne risque pas grand-chose à court terme, car il possède un carnet de commandes garni (5605 avions) lui assurant une production ininterrompue au moins jusqu’à 2026. Quelque 25 % sont destinés à des compagnies chinoises.

De plus, la Chine connaît une explosion du trafic de passagers et ne peut guère pousser les compagnies aériennes nationales, dans lesquelles elle détient des participations, à annuler des commandes ou à boycotter le constructeur, faute d’alternatives, s’accordent les experts.

L’avionneur local Comac, qui ambitionne de commercialiser bientôt le C919 pour concurrencer le 737 et l’A320 d’Airbus, n’est pas encore capable de produire à grande échelle.

Des emplois chinois pourraient également être affectés par une sanction contre Boeing, qui a ouvert récemment un centre de finitions du 737 à Shanghai et qui a des sous-traitants en Chine, fait valoir M. Hamilton.

Et l’Européen Airbus, le grand concurrent de Boeing, dont les lignes de production sont déjà tendues, n’est pas en mesure de proposer des dates de livraison à un horizon satisfaisant le plan de développement des compagnies chinoises.

Par conséquent, menacer Boeing « ne pourrait être qu’une tactique de négociation du gouvernement chinois », en conclut M. Aboulafia.