(Ottawa) Le Canada a profité d’une importante réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à Genève, pour demander à la Chine de fournir la preuve que le canola canadien est contaminé.

Stephen de Boer, ambassadeur du Canada auprès du plus important organisme commercial du monde, a déclaré mardi au conseil général de l’OMC que le Canada souhaitait entendre, en toute bonne foi, les craintes des Chinois fondées sur des informations scientifiques.

La Chine a suspendu les importations de porc et de canola en provenance de deux sociétés canadiennes de chaque secteur, alors qu’on observe une escalade des tensions consécutive à l’arrestation en décembre, à Vancouver, de Meng Wanzhou, dirigeante de Huawei Technologies, en vertu d’un mandat d’arrêt américain pour fraude.

Pékin a empêché jusqu’ici les experts canadiens de se rendre en Chine pour examiner les allégations concernant le canola. Ottawa soutient que deux analyses distinctes de l’Agence canadienne d’inspection des aliments n’ont révélé aucune présence de parasites, et plusieurs ministres ont déclaré que la plainte de la Chine n’était pas fondée sur des données scientifiques.

Bien que la déclaration de M. De Boer ne constitue pas une plainte officielle à l’OMC, souhaitée par le chef conservateur Andrew Scheer, elle constitue la première occasion officielle d’attirer l’attention sur cette question lors d’une importante réunion internationale, a déclaré un haut responsable du gouvernement canadien, qui a requis l’anonymat.

La Chine attache une grande importance à son titre de membre en règle de l’OMC, surtout au moment où elle tente de remplacer les États-Unis en tant que chef de file du commerce mondial.

M. De Boer a déclaré au Conseil de l’OMC que le Canada avait travaillé très fort pour résoudre ce problème avec la Chine, en utilisant tous les moyens disponibles, en Chine et au Canada. « Mais pour ce faire, nous devons comprendre parfaitement le problème et c’est pourquoi il est important pour eux de nous montrer les preuves », a-t-il déclaré.

« Un commerce ouvert et prévisible, fondé sur des règles, constitue la pierre angulaire du commerce international. Ce sont des moments difficiles, mais nous résoudrons le problème par un dialogue franc et ouvert, tout en défendant les valeurs et les intérêts canadiens. »

Où est l’ami américain ?

Par ailleurs, la ministre fédérale du Développement économique rural, Bernadette Jordan, a déclaré en entrevue que toute aide que les États-Unis pourraient offrir dans ce dossier « serait certainement utile ».

Un haut responsable canadien, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat parce qu’il n’était pas autorisé à s’exprimer publiquement sur la question, a déclaré que le Canada travaillait avec tous ses alliés, y compris les États-Unis, pour faire pression sur la Chine, ce qui a toujours été le cas.

La suspension des importations de canola et de porc a par ailleurs créé la possibilité que Pékin élargisse ses « représailles économiques » dans d’autres secteurs. Le député conservateur Randy Hoback a récemment déclaré devant le Comité de l’agriculture de la Chambre des communes qu’il entretenait des craintes pour le sirop d’érable ou les fruits de mer canadiens.

Bernadette Jordan a rappelé que sa circonscription de la Nouvelle-Écosse est la plus importante productrice de homard au pays. Or, le Canada a exporté 10 millions de kilos de homard vivant vers la Chine en 2017. Les efforts du Canada pour diversifier ses marchés des produits de la mer se poursuivent avec la ratification des accords de libre-échange avec l’Union européenne et les 10 pays du bassin du Pacifique, dans le cadre du Partenariat transpacifique global et progressiste, a déclaré la ministre.

Mme Jordan a toutefois souligné qu’il n’y avait « absolument aucune indication » que la Chine s’apprêterait à prendre des mesures commerciales contre les produits de la mer canadiens. Même si elle a donné peu de détails sur les plans d’urgence que pourrait avoir le gouvernement dans l’éventualité où les secteurs des produits de la mer étaient touchés, Mme Jordan a laissé entendre qu’Ottawa leur viendrait en aide si nécessaire — comme il l’a fait avec les producteurs de canola.