(Montréal) Alors que l’industrie du cannabis ne semble toujours pas faire planer de nombreux investisseurs institutionnels et que le gouvernement québécois tient la ligne dure sur la légalisation, huit producteurs de pot québécois s’associent pour former une association, notamment dans l’espoir d’élargir les sources de financement.

Lancée officiellement mardi, l’Association québécoise de l’industrie du cannabis (AQIC) dit également vouloir avoir une voix dans le débat entourant l’encadrement de la substance, dont la consommation à des fins récréatives est légale depuis octobre dernier.

Son président, Michel Timperio, qui dirige également la division du cannabis de Neptune, croit qu’il y a encore beaucoup de stigmas qui entourent l’industrie.

« Il faut réaliser que l’industrie du cannabis, ce n’est pas seulement ce qui va se vendre à la Société québécoise du cannabis (SQDC), a-t-il expliqué, au cours d’une entrevue avec La Presse canadienne. Il y a loin de la coupe aux lèvres. »

Plus d’éducation

L’association souhaite jouer un rôle d’éducation pour aider à faire la différence entre le tétrahydrocannabinol (TCH) et le cannabidiol (CBD), qui ne contiendrait pas d’éléments psychoactifs en plus d’avoir des vertus médicales.

Avec une distinction plus claire, M. Timperio croit qu’il y aurait un plus grand nombre d’investisseurs privés, et peut-être même des organisations comme le bras financier de l’État québécois Investissement Québec (IQ), prêts à délier les cordons de la bourse.

« Tant que nous n’aurons pas compris cette notion, c’est clair que l’on fera face à des défis, a-t-il dit. On parle de tout ce qui peut se faire en développement de molécules, de propriété intellectuelle et de ce qui pourrait offrir des retombées à l’échelle mondiale. »

À l’heure actuelle, l’AQIC compte huit membres, dont Hexo, le plus gros producteur québécois, qui est actif dans les secteurs médical et récréatif en plus d’être le principal fournisseur de la Société québécoise du cannabis.

Cette entreprise établie à Gatineau s’est notamment tournée vers les marchés boursiers pour amasser des capitaux, ce qui, selon M. Timperio peut compliquer la tâche à certaines sociétés en démarrage.

« Initialement, ce n’est pas tout le monde qui a les moyens d’être une compagnie publique, a-t-il dit. C’est peut-être mieux d’avoir un fond institutionnel pour lancer la première phase. Juste faire une demande de licence auprès de Santé Canada, c’est très couteux. »

Boudés par les investisseurs institutionnels

Des investisseurs institutionnels comme la Caisse de dépôt et placement du Québec ont déjà indiqué ne pas vouloir se tourner vers l’industrie du cannabis. La Banque Nationale a montré peu d’enthousiasme alors que le Mouvement Desjardins a ouvert la porte en modifiant sa politique, l’automne dernier, en octroyant du financement à des membres désireux de cultiver de la marijuana à des fins thérapeutiques.

Avec seulement 12 licences fédérales sur les 147 actuellement en vigueur, le président de l’Association croit que le Québec commence déjà à prendre du retard dans une industrie très florissante.

Il serait surprenant de voir IQ épauler une société qui désire se spécialiser dans la vente auprès de la SQDC, croit M. Timperio, qui estime que la société d’État pourrait peut-être s’intéresser à autre chose.

« Quand on parle d’emplois à 50 000 $ dans une compagnie qui se penche sur le développement pharmaceutique et des produits n’ayant pas pour objectif de remplacer l’alcool, par exemple, je pense qu’ils (au gouvernement) vont être plus réceptifs », a dit M. Timperio.

Celui-ci a également concédé que certains producteurs ont voulu se regrouper alors que l’approche du gouvernement Legault, qui a fait passer à 21 ans l’âge de consommation du cannabis, est plus sévère.

Pourtant, six mois après la légalisation de la marijuana au Canada, les premières données et des entretiens avec des exploitants démontrent qu’un grand nombre de Canadiens se sont initiés à cette drogue douce.

Près de 14 % des consommateurs de cannabis interrogés par Statistique Canada de mi-novembre à mi-décembre ont reconnu avoir fumé du cannabis pour la première fois au cours des trois mois précédents.

Avec la légalisation des produits comestibles de marijuana qui devrait se faire au Canada d’ici le 17 octobre, l’AQIC souhaite aussi placer ses pions afin de faire entendre son point de vue auprès de Québec, a soutenu M. Timperio.

Membres de l’AQIC :

—Great White North

— Hexo

— Mtl Cannabis

— Neptune Solutions Bien-Être

—Origine Nature

— Rose ScienceVie

—Terranueva

—Verdélite Sciences