Chaînes de montage immobilisées faute de pièces détachées et pénurie d'avocats et autres légumes frais : la menace de Donald Trump de fermer la frontière avec le Mexique aurait un impact immédiat et massif sur les économies intimement intriquées des deux pays.

Le président américain, qui veut stopper l'immigration illégale du Mexique, a brandi une nouvelle fois la menace mercredi. « Si rien n'est fait, la frontière ou de larges portions de la frontière seront fermées. C'est une urgence nationale ! », a tweeté M. Trump.  

La frontière entre la première économie du monde et son troisième partenaire commercial est traversée dans les deux sens, tous les jours, par des centaines de milliers de personnes et par 1,7 milliard de dollars de produits agricoles, industriels et autres biens de consommation, dignes d'un inventaire à la Prévert.

La menace a provoqué la stupeur chez nombre d'élus du Congrès et parmi les milieux d'affaires.

« C'est quasiment impensable », tellement les conséquences seraient néfastes, affirme à l'AFP, Daniel Griswold, du Mercatus Center de l'Université George Mason.

« Cela reviendrait à dresser un mur au milieu d'une usine. Cela provoquerait une rupture totale qui ne se résorberait pas tout de suite une fois la frontière rouverte », explique-t-il.  

Depuis la mise en oeuvre d'un accord de libre-échange États-Unis-Mexique-Canada en 1994 (et renégocié l'année dernière à la demande de Donald Trump), des pans entiers des économies de ces trois pays sont totalement imbriqués.  

« Les pertes seraient énormes et destructrices », insiste M. Griswold.

La menace du locataire de la Maison-Blanche a effrayé jusqu'à ses conseillers, qui tentent de le dissuader et de trouver des moyens de limiter les dégâts s'il devait passer à l'acte.

Larry Kudlow, le principal conseiller économique de M. Trump, a affirmé que l'administration réfléchissait notamment au moyen de laisser passer les camions en cas de fermeture.  

En moyenne, 17 000 camions entrent aux États-Unis tous les jours, selon des statistiques du ministère des Transports américain. Ils transportent l'essentiel des 612 milliards de dollars d'échanges commerciaux entre les deux pays en 2018.

Effondrement de l'industrie automobile

L'une des premières victimes d'une fermeture de la frontière serait l'industrie automobile. Les usines de montage fonctionnent en flux tendu : elles n'ont qu'un minimum de pièces en stock et dépendent donc totalement d'approvisionnements en temps et en heure.  

Les constructeurs automobiles ont des chaînes d'approvisionnement totalement intégrées sur tout le continent nord-américain et les pièces automobiles en cours de montage traversent parfois la frontière - avec le Mexique, mais aussi le Canada - plusieurs fois avant que le produit fini ne sorte d'usine.

En 2018, ces importations d'automobiles et de pièces détachées venues du Mexique représentaient 114 milliards de dollars, en tête des produits importés.

Pour Kristin Dziczek, vice-présidente du centre d'études du secteur, le Center for Automotive Research, la fermeture de la frontière pourrait faire plonger l'économie américaine dans la récession.

« Nous verrions la production paralysée en une semaine », affirme-t-elle à l'AFP, avec son cortège de chômage technique.  

Selon elle, neuf emplois dérivés dépendent de chaque emploi sur une chaîne de montage.

« Dès qu'il leur manque une pièce, la production s'arrête », insiste-t-elle, prenant l'exemple des ceintures de sécurité dont 60 % sont produites au Mexique : « Vous voulez acheter une voiture sans ceinture de sécurité, vous ? »

Tomates périmées

Le Mexique est aussi la première source de produits agricoles importés aux États-Unis (2,7 millions de tonnes par an). Rares sont les supermarchés au nord de la frontière à ne pas vendre haricots, tomates et autres avocats ; pour le plus grand bonheur des consommateurs américains qui peuvent ainsi ignorer les saisons au moment de remplir leur assiette.

Là aussi l'impact sera immédiat. Les tomates, concombres, aubergines et autres mangues ne se gardent pas longtemps dans les entrepôts, souligne Allison Moore, vice-présidente de la fédération des importateurs de produits frais du Mexique.

« Nous, on n'en fait pas le stockage », a insisté Mme Moore, ajoutant qu'« on n'aura plus rien à vendre en deux jours, au maximum ».  

L'Université d'Arizona, un État qui se trouve à la pointe nord d'une zone agricole très fertile au Mexique, estime que la seule importation de tomates est source de 30 000 emplois aux États-Unis.

« S'il n'y a pas de travail dans les entrepôts, il y aura du chômage », met en garde Mme Moore. Et une colère des consommateurs.