Avez-vous l’impression que le Vendredi fou dure deux semaines cette année ? En plus du bombardement de publicités, les sondages se multiplient depuis 15 jours pour annoncer le montant que vous allez dépenser au Vendredi fou, en cadeaux de Noël et durant la période des fêtes. Est-ce que ces sondages d’organisations, de commerces en lignes et d’institutions financières prédisent la vérité ? Voici ce qu’ils affirment et l’avis de spécialistes.

3,6 milliards de dollars

C’est ce que les Québécois de 18 ans et plus prévoient de dépenser en cadeaux de Noël cette année. Ce chiffre paraît élevé, or les Québécois seront plus raisonnables que l’ensemble des Canadiens selon la majorité des sondages publiés ces jours-ci. Par exemple, celui des Comptables professionnels agréés du Canada (CPA Canada) indique que les Canadiens dépenseront 583 $, comparativement à 643 $ l’an dernier. « Les Québécois vont dépenser 10 % de moins que la moyenne canadienne, relate en entrevue le CPA Yves J. Christian. Ce n’est pas parce qu’ils sont moins nantis, mais plutôt une prise de conscience. Ils font des budgets et des planifications. Je le mets sur le dos des campagnes de sensibilisation et d’éducation. »

94 %, 55 %, 49 % ou 28 % ?

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Combien de Canadiens profiteront des spéciaux du Vendredi fou ? Les chiffres varient d'un sondage à l'autre.

Si tous les sondeurs s’entendent pour conclure que le Vendredi fou et le Cyberlundi donnent le coup d’envoi aux achats des Fêtes, leurs résultats divergent quant aux intentions des consommateurs. Si l’on en croit les données de RedFlagDeals.com qui a recueilli l’opinion de 2000 Canadiens ayant participé au sondage Black Friday Shopping 2019, ce sont pas moins de 94,28 % des répondants qui ont l’intention de magasiner lors du Vendredi fou. À l’autre extrême se situe le sondage de JLL, un cabinet de services spécialisés dans l’immobilier et la gestion de placements, qui relève que seulement 28 % des consommateurs ont l’intention de commencer leurs achats lors de ces deux événements. Le site Retailmenot.ca indique de son côté que 55 % des Canadiens interrogés veulent profiter de ce week-end de soldes pour acheter des cadeaux de Noël. Si l’on se fie au Conseil québécois du commerce de détail, qui s’est penché précisément sur les intentions des consommateurs québécois, ce seront 49 % d’entre eux qui profiteront des rabais.

Qui dit vrai ?

La Presse a transmis les sondages à un spécialiste de l’Université de Sherbrooke, le professeur en marketing Mekki Berrada. Premier constat : les sondeurs ont tous des façons différentes d’échantillonner, des tailles variées d’échantillons (1000 à 2500 répondants) et des marges d’erreur distinctes. « C’est la première raison qui fait que les résultats sont plus ou moins à prendre en considération, analyse-t-il. Léger Marketing est le seul à préciser sa marge d’erreur et le seul avec un échantillon de plus de 2500 personnes. La deuxième raison, c’est que les sondages sont faits en ligne et la pénétration d’internet n’est que de 82 %. »

Le professeur remarque qu’un sondeur se permet même de prétendre parler de « tous les Canadiens » alors qu’il n’a interrogé que 1500 personnes dans seulement trois grandes villes du pays.

« Pour ce genre de sondage, la meilleure source reste Statistique Canada, parce qu’ils font des enquêtes sur les dépenses des ménages avec plus de 20 000 individus choisis de façon probabiliste et représentative. »

1,03 milliard de dollars

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Les Québécois prévoient de dépenser en moyenne 322 $ lors de présent week-end d’achat.

Il s’agit de la dépense globale estimée des Québécois à l’occasion du Vendredi fou et du Cyberlundi. Le sondage réalisé par L’Observateur pour le compte du Conseil québécois du commerce de détail révèle que les Québécois prévoient de dépenser en moyenne 322 $ lors de ce week-end d’achat, comparativement à 346 $ en 2018 et à 342 $ en 2017. « Cet événement commercial au départ américain est inscrit dans les nouvelles habitudes des consommateurs québécois », nous indique en entrevue Michelle Rivard, PDG de L’Observateur, une entreprise de recherches marketing. Les résultats révèlent aussi que 73 % des consommateurs vont se procurer des produits ou des articles dont ils ont déjà planifié l’achat. « Notre entreprise suit une série de consommateurs dans leurs habitudes et ils disent avoir trouvé des rabais vraiment intéressants au Vendredi fou. On se procure le même bien avec un budget qui est moins nécessaire d’être élevé », soutient-elle.

Un vendredi qui dure deux semaines

« Vendredi fou démarre plus tôt », « Jeudi fou », « Pré Vendredi fou », « Accès exclusif avant Vendredi fou », « 4 jours de Vendredi fou »… Depuis deux semaines, les publicités déferlent. Walmart a même annoncé par communiqué que c’était le plus important Vendredi fou de son histoire.

« Ça donne une idée de combien la concurrence est féroce dans le commerce de détail, affirme la professeure Francine Rodier de l’UQAM, spécialiste en marketing et commerce de détail. Chacun y va de sa stratégie pour aller saisir des parts de marché le plus rapidement possible. On essaie de sortir du lot, d’être avant-gardiste ou d’avoir une formule originale. »

Le professeur Mekki Berrada rappelle que l’Action de grâce aux États-Unis tombe plus tard cette année, soit le 29 novembre, alors que l’an dernier, c’était le 23. « Le fait que ça vienne une semaine plus tard, ça crée un effet d’urgence des magasins. Amazon n’attend personne et les autres entreprises à côté n’ont pas le choix de suivre et de créer des ventes agressives. »

Noël vert

Selon Accenture, une société de services professionnels, les consommateurs s’attendent à dépenser 30 % de leur budget des Fêtes en cadeaux recyclables et 27 % en cadeaux réutilisables. Chez les consommateurs qui ont répondu au sondage des CPA, ce n’est que 13 % des répondants qui offriront un cadeau de seconde main et 26 % un cadeau fait maison.

80 % pour le magasinage en musique de Noël

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Les Québécois aiment magasiner alors que l'on diffuse dans les haut-parleurs des magasins de la musique de Noël.

Une étude menée par Léger Marketing révèle que 31 % des Canadiens restent dans un magasin plus longtemps en raison de la musique de Noël qui y est diffusée. Le sondage a constaté que 80 % des répondants croyaient que la musique rendait leur magasinage des Fêtes plus agréable. Les Québécois (34 %) préfèrent magasiner avec des chants de Noël traditionnels, comparativement à 25 % dans le reste du Canada. Le sondage est commandité par Entandem, spécialiste des licences musicales.

Faits inusités

17 % • Plus épicuriens, les Québécois dépensent 17 % de plus que les autres Canadiens en alcool et gâteries alimentaires. (CCCD et Léger Marketing)
16 % • Pourcentage des Canadiens font des achats en ligne pour passer le temps lorsqu’ils rendent visite à leurs beaux-parents. (FedEx)
51 % • Pourcentage des Québécois ne vivent aucun stress face à leur magasinage des Fêtes. (CCCD et Léger Marketing)
13 % • Pourcentage des Canadiens détestent la musique du temps des Fêtes en magasinant. (Léger Marketing et Entandem)

Anti Vendredi fou

Vous avez sourcillé en lisant toutes ces données qui indiquent que les Canadiens s’adonneront à une consommation effrénée ? Vous pouvez aller manifester votre mécontentement contre l’hyperconsommation ce vendredi. Des événements sont prévus au centre-ville de Montréal à partir de 14 h à la place des Festivals avec les organismes Extinction Rébellion Québec, Extinction Rébellion Youth, Earth Strike, Fridays for Future, Devoir Environnement Collectif, La Planète s’invite au Parlement, La Planète s’invite à l’Université et Pour Le Futur Montréal.

Du côté français, la contestation s’organise alors que des législateurs français veulent interdire le Vendredi fou. Un comité législatif a déposé lundi un amendement proposant d’interdire l’événement, car il provoque un « gaspillage de ressources » et incite à la « surconsommation ». Jeudi, c’était plusieurs dizaines de militants de mouvements écologistes qui ont brièvement bloqué un centre de distribution du géant Amazon en région parisienne, dans le cadre d’une manifestation nommée « Block Friday » pour dénoncer les atteintes à l’environnement engendrées par la « surconsommation ».
— Avec l’Agence France-Presse