Les bonnes intentions peuvent mener en enfer. Ces jours-ci, l’Équateur en est un bon exemple. Ce petit pays d’Amérique du Sud, avec 17 millions d’habitants, est parmi les plus pauvres du continent, mais il avait réussi à améliorer le sort de sa population, surtout parce qu’il a du pétrole.

Le pays produit 500 000 barils de pétrole par jour, dont 70 % sont exportés. Le reste est consommé par la population, qui paie une fraction du prix international.

L’Équateur était jusqu’à tout récemment un des pays du monde où le prix du pétrole et de ses dérivés (essence, diesel) était le plus bas. Ses dirigeants avaient choisi de subventionner le pétrole consommé au pays pour favoriser le développement économique. Ils ne sont pas les seuls ; la liste des pays qui subventionnent la consommation intérieure de pétrole est longue.

Les pays qui choisissent de subventionner la consommation locale le font avec de bonnes intentions. C’est un puissant outil de développement. Il faut du pétrole pour cultiver la terre, transporter les travailleurs et faire fonctionner les usines.

Les pays qui subventionnent le pétrole sont la plupart du temps des pays producteurs, qui exportent leur pétrole au prix international. Ils se privent de revenus en gardant une part de leur production à un prix plus bas, dans un objectif de développement économique.

Même si la comparaison n’est pas parfaite, le Québec a choisi la même stratégie avec son hydroélectricité, dont le prix est resté relativement bas alors qu’il grimpait partout ailleurs, dans une volonté politique de favoriser le développement économique. Imaginez le tollé si le kilowattheure se vendait au Québec au même prix qu’à New York ou à Toronto…

Une stratégie efficace, mais pas permanente

En Équateur, la stratégie a fonctionné pendant un certain temps. Entre 2007 et 2012, son économie a crû au rythme annuel de 4,3 %. Le chômage a diminué et la pauvreté aussi.

La hausse du dollar américain, que le pays a adopté comme monnaie officielle en 2000, et la baisse du prix du pétrole ont précipité l’économie dans une spirale négative. Pour éviter la faillite, le gouvernement de Lenin Moreno a accepté une aide de 4,2 milliards US du Fonds monétaire international, qui vient avec l’obligation de réduire les dépenses publiques.

Arrêter de subventionner la consommation de pétrole est le principal et probablement le seul moyen dont dispose un pays comme l’Équateur, dont 40 % des revenus totaux et 60 % des exportations viennent du pétrole.

Le prix du diesel a doublé et celui de l’essence a grimpé de 30 % du jour au lendemain, ce qui a entraîné des émeutes qui ont déjà fait cinq morts. Le gouvernement équatorien estime que les subventions à la consommation intérieure de pétrole ont coûté 60 milliards US au pays depuis 30 ans.

Au Venezuela, où l’essence est quasiment gratuite, le chaos s’est installé en raison de la contrebande de carburant avec les pays limitrophes et de l’appauvrissement généralisé dans un pays pourtant riche en ressources.

Le gouvernement vénézuélien tente de rapprocher le prix des carburants du niveau international pour récupérer le coût des subventions, estimé à 16 milliards US par an.

La réalité, c’est que subventionner les carburants favorise le gaspillage et profite surtout aux mieux nantis, tout en privant l’ensemble de la population de revenus importants. En voulant aider les plus pauvres, on se trouve à faire l’inverse.